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6.2.1 Transport par charriage bimodal dans le cas stationnaire uni- forme

Dans chacune des expressions des taux d’érosion et déposition ainsi que de la vitesse des particules, on a fait appel à des coefficients, qui sont susceptibles de varier dans le cas d’un lit de sédiment bimodal. Ainsi, cd,i, ce,i, ai, Vc,i∗ et τc,i∗ peuvent être des fonctions complexes des valeurs absolues des diamètres D1 et D2, de leur rapport D2/D1 et de la

composition du lit, soit le fraction surfacique φ1.

Pour discuter de cela, nous allons confronter le modèle aux résultats expérimentaux obtenus dans cette étude.

Si l’on considère le régime de transport stationnaire uniforme pour la taille de grain Di considérée, alors l’équation de conservation de la masse de chaque population de

grains (6.19) devient ˙nd,i= ˙ne,i, (6.12) soit n∗i = ni mi = niD 2 i φi = βi ρ ρs (τi∗− τc,i∗ ) , i = 1, 2 , (6.13) avec βi= ce,i/cd,i.

Nos résultats expérimentaux de densité de particules en mouvement n∗i, synthétisés sur la figure 4.4 (p. 85), montrent que, pour la gamme des paramètres que nous avons exploré, l’ensemble des données se rassemblent sur une seule et même tendance. Le coefficient βi est donc indépendant de la taille de grain et de la composition de la surface du lit. Cela semble indiquer que l’effet de la composition du lit de sédiment sur les valeurs de densités de grains en mouvement est correctement intégré dans le modèle par la normalisation par mi = D2i/φi et par la prise en compte de la variation des

valeurs de contraintes seuils τc,1∗ et τc,2∗ avec la valeurs de φ1.

De même, l’ensemble de nos données expérimentales de vitesses moyennes des grains, résumé sur la figure 4.5 (p. 87), montre également, toujours pour la gamme des para- mètres que nous avons exploré, que les coefficients ai et Vc,i∗ sont indépendants de la taille de grain et de la composition du lit. L’effet de la composition du lit de sédiment sur

les courbes de Vi∗ est donc correctement intégré dans le modèle par la prise en compte de la variation des valeurs de τc,1∗ et τc,2∗ avec les valeurs de φ1.

On notera donc ces coefficients comme des constantes : α, β et Vc∗. On conservera en revanche l’indice i sur la contrainte seuil.

6.2.2 Flux massiques de saturation en fonction de la contrainte

On peut donc exprimer à présent le flux de transport adimensionné de particules de taille Di dans le cas stationnaire et uniforme en posant

qs,i∗ = π 6φi· n

i · Vi∗ , i = 1, 2 . (6.14)

soit, en considérant la prédiction du modèle dans le cas stationnaire et uniforme

q∗s,i= π 6α β φi ρ ρs (τi∗− τc,i∗ )   pτ∗ i − q τc,i∗  +V ∗ c β  , où τi∗= τ ρRgDi , (6.15) avec : α = 5.1 ± 0.2 , β = 11.1 ± 0.5 et Vc∗= 0.11 ± 0.2.

La figure 6.2 présente les mesures de flux massiques en fonction de la contrainte cisaillante, pour les deux tailles de grains et pour les séries 1, 2 et 3 d’expériences de transport d’un sédiment bimodal. Les courbes tracées correspondent au modèle

Qs,i= W · ρs· q∗s,i·

q

RgD3i , (6.16)

en utilisant la prédiction dans le cas stationnaire uniforme (6.15). Afin de prendre en compte le fait que les valeurs des paramètres issues des ajustements possèdent toutes des barres d’erreur non-négligeables, nous avons tracé les prédictions pour les valeurs (contraintes seuils et fractions surfaciques comprises) minorées et majorées de leurs barres d’erreurs.

On peut constater que pour la majorité de nos données de transport, celles-ci se trouvent en bon accord avec les mesures à l’échelle des grains ni et Vi1. Par ailleurs,

cette figure illustre bien le double effet de la fraction de petits grains sur le transport :

1. Ce qui n’est pas surprenant étant donné que c’est à partir des données à l’échelle des grains réalisées au cours de ces expériences de transport qu’on a estimé les paramètres du modèle. La série 3 des petits grains apparaît plus dispersée que les autres, et moins bien approchée par le modèle. On précisera que c’est la série qui a posé le plus de difficultés expérimentales, ce qui ne nous a pas permis de réaliser beaucoup de mesures correctes de n1. Aussi, la valeur de la contrainte seuil pour cette série

τ τ

τ τ

τ τ

Figure 6.2 – Flux de transport massiques des petits (à gauche) et gros (à droite) grains, de tailles D1 = 0.7 et D2 = 2.2 mm . Les séries 1 (φ1 = 0.91), 2 (φ1 = 0.71),

et 3 (φ1 = 0.54) sont représentées respectivement en rouge, bleu et vert. Les tracés correspondent aux prédictions minimale et maximale du modèle issu de nos données à l’échelle des grains, soit en utilisant : qs,i= δviniVi.

– 1. D’une part les contraintes seuils diminuent à mesure que la fraction de petit grains augmente, ce qui a pour conséquence de décaler les courbes de flux de transport vers la gauche.

– 2. D’autre part, le flux de transport Qs,i étant directement proportionnel à la

fraction surfacique φi de la taille de grains considérée, les courbes de transport

des petits grains se redressent à mesure que φ1 augmente, et inversement en ce qui concerne les courbes de transport des gros grains.

dans la section suivante nous allons illustrer quantitativement cette double dépen- dance du transport par charriage avec la composition du lit.

6.2.3 Évolution du transport avec les fractions surfaciques

À présent, si l’on considère l’équation (6.15) au regard du fait que τc,i∗ varie linéaire- ment avec φ1 (voir schéma 5.2, p. 93) , on constate que l’évolution du flux de transport

qs,i∗ pour chacune des populations des grains est une fonction non-triviale de la com- position du lit. En effet, cette fonction va dépendre de la composition du lit (soit la valeur de φ1) et de l’écart du nombre de Shields τi∗ aux valeurs de contrainte seuil des configurations asymptotiques : τc,i/1∗ et τc,i/2∗ . Pour résumer cela, on peut écrire qu’il existe trois cas de figures différents :

– Régime 1 : lorsque 0 ≤ τi∗ < τc,i/1∗ , le transport des grains de taille Di est nul

quelque soit la valeur de fraction de petits grains φ1.

– Régime 2 : lorsque τc,i/1∗ ≤ τ∗

i < τc,i/2∗ , le transport des grains de taille Di est une

fonction de φ1, et admet une fraction seuil, φ1,c, en deçà de laquelle le transport

s’annule2.

– Régime 3 : lorsque τi∗ ≥ τc,i/2∗ , le transport des grains de taille Di est alors uni-

quement proportionnel à φi et est positif, quelque soit la valeur de φ1.

Pour quantifier les transitions entre ces différents régimes et s’affranchir des valeurs des différentes contraintes seuil nous allons définir le nombre sans dimension

ξi =

τi∗− τc,i/1∗ τc,i/2∗ − τ∗

c,i/1

. (6.17)

Le régime 1 correspond alors au domaine ξi < 0, le régime 2 à 0 ≤ ξi < 1 et le régime

3 à ξi ≥ 1.

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 10−5 10−4 10−3 10−2 10−1 100 101 q * s,1 Φ1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 10−6 10−5 10−4 10−3 10−2 10−1 q * s,2 Φ1 qs,1 * qs,2 * Φ1 Φ1 a) b)

Figure 6.3 – Transport adimensionné des grains de taille D1 (à gauche) et D2 (à

droite) en fonction de φ1 pour différentes valeurs de ξi : ξi = 0.1 en bleu, ξi = 0.3 en

vert, ξi = 0.9 en noir et ξi = 8 en rouge.

Les figures 6.3a et 6.3b illustrent l’évolution des flux de transport avec la fraction de petits grains φ1 pour différentes valeurs du nombre ξi. Les courbes bleues, vertes et noires présentent l’évolution du transport avec φ1 dans le régime 2, pour trois valeurs

différentes de ξi : 0.1, 0.3 et 0.9. On constater que dans ce régime, le flux de transport de

petits et gros grains évoluent différemment avec φ1. Notamment car le transport de gros grains est proportionnel à (1 − φ1), donc nul pour φ1= 1. Par ailleurs, ces trois courbes

du régime 2 présentent une fraction seuil, φ1,c, en deçà de laquelle le flux s’annule.

On peut noter que dans le régime 2 (0 ≤ ξi < 1), par construction, la fraction seuil

φ1,c est reliée à la valeur de ξi. En effet, pour une valeur du nombre de Shields don-

née τi∗, la relation de décroissance linéaire de la contrainte seuil avec φ1 implique qu’il existe une fraction seuil dans le régime 2 telle que τc,i∗ (φ1,c) = τi∗. Cette relation lie les

équations (5.22) et (6.17), et implique φ1,c = 1 − ξi.

Une fois dans le régime 3 (ξi ≥ 1), le flux de transport des grains de taille Din’admet

plus de fraction seuil de mise en mouvement, il est alors uniquement proportionnel à φi.

6.2.4 Transport par charriage bimodal dans le cas non-uniforme

Nous venons de discuter l’évolution du transport en fonction de la composition du lit. Cependant, si cette composition vient à varier dans l’espace, on rappelle que le

changement de flux de transport ne s’établie pas localement mais sur une longueur caractéristique, dite longueur de saturation (voir partie 2.3).

Or, il est important de noter que le système d’un lit bimodal fait apparaître en théorie3 deux longueurs de saturations : ld,i = Vi· td,i, i = 1, 2. Ces longueurs ne sont

pas les mêmes pour une contrainte donnée, étant donné que les vitesses des grains Vi et les temps caractéristiques de déposition td,i semblent suivre les mêmes dépendances avec les tailles de grains que dans le cas homogène. En effet, nos résultats montrent que pour une contrainte donnée : Vi ∝ Vs,i et td,i ∝ Di/Vs,i4, soit que la longueur ld,i reste

proportionnelle à la taille de grains Di dans le cas bimodal, i = 1, 2.

Ainsi lors d’une variation en x, les flux de transport qs,1 et qs,2 vont évoluer selon

deux fonctions différentes pour atteindre le flux de saturation ∂qs,i

∂x =

qs,i,sat− qs(x)

ld,i

, i = 1, 2 . (6.18)

Si la coexistence de ces deux longueurs s’avère vraie, une question fondamentale est de savoir comment celles-ci peuvent intervenir dans les phénomènes de développement de formes et de tri granulométrique à la surface du lit. Cette question est ouverte et nous y reviendrons à la fin du chapitre 7 à travers la problématique de l’apparition spontanée de zones de regroupement de grains de la même taille (ou communément appelés « patches ») à la surface des lits de rivières.

6.3

Généralisation au cas d’un lit composé de N tailles de