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À l’heure actuelle, le transport par charriage d’un lit de sédiment homogène est re- lativement bien compris. Cependant, le lit des rivières naturelles présente généralement une très large gamme de tailles de grains différentes. Cela a pour conséquences d’ajouter au système une complexité que l’on perçoie par la variation du flux de transport total en fonction de la composition du lit. Or, cette complexité peut provenir de nombreux phénomènes, du fait des intéractions entre les grains, et entre les grains et l’écoulement. Pour pouvoir quantifier l’effet de la granulométrie du lit sur ces interactions, les tra- vaux réalisés durant cette thèse ont privilégié l’étude aprofondie du cas particulier du transport d’un lit bimodal. Pour cela, nous avons réalisé en laboratoire des mesures à l’échelle des grains de la statistique du transport de sédiment par un écoulement turbu- lent, stationnaire et uniforme. Notre méthode de réalisation expérimentale a présenté la particularité de mesurer de façon systématique les grandeurs du transport en fonction de la contrainte pour une composition du lit fixée. Cela a permis de mettre en évidence que, malgré l’ajout de complexité dans le système, celui-ci présentait toujours un com- portement moyen analogue à celui qui avait été observé pour le transport d’une seule taille de grains. En particulier :

– 1. Pour une composition de la surface du lit donnée, les densités de grains en mou- vement, sous écoulement stationnaire et uniforme, présentent toujours une relation linéaire avec la contrainte cisaillante. La pente de cette relation est directement proportionnelle à la fraction surfacique du lit de la taille de grain considérée. – 2. Cette relation admet toujours une contrainte seuil en deçà de laquelle le nombre

de grains en mouvement s’annule. Celle-ci décroit avec la fraction surfacique de petits grains sur le lit, comme cela avait été observé dans de précédents travaux.

– 3. Ainsi, l’ensemble des données de densités de grains en mouvement adimension- nées présentent un seul est même comportement avec l’écart au nombre de Shields seuil.

– 4. De même, l’ensemble des données de vitesses moyennes de grains en mouvement adimensionnées présentent un seul et même comportement avec l’écart à la racine du nombre de Shields seuil.

On en déduit que le modèle d’érosion-déposition s’applique tout autant au cas bi- modal qu’au cas homogène, en prenant correctement en compte la valeur du nombre de Shields seuil. Celui-ci apparait en effet être le seul paramètre du modèle sensible à la composition du lit, dans l’espace des paramètres que nous avons exploré.

Par ailleurs, cette étude à plusieurs tailles de grains nous a permis d’approfondir notre connaissance fondamentale du transport par charriage :

– 1. Les vitesses moyennes adimensionnées ont le même comportement quelque soit la composition du lit, et semblent présenter notamment la même valeur de vitesse adimensionnée au seuil de mise au mouvement. Ce résultat appuie le fait que cette vitesse critique est proportionnelle strictement à la vitesse de sédimentation du grain dans le fluide.

– 2. En revanche, la distribution des vitesses instantanées évolue en fonction de la configuration du lit. Si elle est toujours apparue de forme exponentielle lorsque le lit est composé à 100% d’une taille de grain donnée, les distributions de vitesses de gros grains dans le cas d’un lit bimodal présentent un pic positif. Nous proposons que ces distributions soient de type χ2.

– 3. À partir de notre observation de la relation linéaire entre la contrainte seuil et la fraction surfacique de petits grains, nous proposons un nouveau cadre conceptuel pour la description et l’étude des contraintes seuils dans un lit à N tailles de grains.

– 4. Ce modèle d’évolution de la contrainte seuil avec les fractions de mélange nous permet de discuter quantitativement l’évolution du transport d’une taille donnée avec la composition du lit.

Suite à cette thèse, un certains nombre de points restent en suspens concernant le transport par charriage bimodal. La forme générale des distributions de vitesses instan- tannées de grains est encore incomprise, et plus particulièrement la question des vitesses des petits grains reste en partie posée. Une étude sans vagues à la surface – dans un canal fermé par exemple – permettrait d’approfondir ce point. Par ailleurs la longueur

et la durée des vols de particles est un autre point fondamental que nous n’avons pas abordé. Nos résultats montrent que le rapport du coefficient d’entrainement sur le coef- ficient de déposition ne varie pas significativement avec la granulométrie. Cela étant, il serait intéressant d’étudier avec précision les longueurs de vol dans le cas bimodal, car on est en droit de s’attendre à ce qu’elles puissent être sensibles à la rugosité du fond. Là encore, il est largement préférable d’envisager un études en écoulement confiné, ou bien laminaire, car la précision sur la mesure de déplacement des grains peut être un facteur limitant pour pouvoir déterminer s’il y a effectivement variation du paramètre de longueur de vol. La connaissance de celui-ci est cruciale notamment, pour imple- menter la loi de transport dans le cas d’un écoulement et/ou d’une topographie du lit non-uniforme.

Enfin, notre approche expérimentale s’est limitée à étudier le régime dilué, c’est à dire avec un nombre de particules en mouvement par unité de surface relativement faible. Aussi, la question reste ouverte, quant à l’évolution des tendances observées dans notre étude du cas bimodal, lors du passage vers un régime de transport plus dense.

L’étude expérimentale du transport par charriage à l’échelle des grains a été le coeur de la réflexion mennée durant cette thèse. À présent, nous allons discuter de perspectives de ce travail qui sont actuellement des projets en cours d’élaboration.