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I/ LES TRANSFORMATIONS EN COURS

Dans le document Frédéric Joly et Magali Turpain (Page 25-30)

L’action sociale fait partie d’un environnement mouvant, marqué par de très fortes transformations qui conduisent à faire évoluer les structures, les organisations et les compétences avec deux objectifs majeurs : la satisfaction client et la maîtrise des coûts.

Dans cette deuxième partie, il s’agit de dresser un panorama des enjeux et des facteurs de transformations les plus prégnants – mais aussi émergents afin de mieux appréhender leurs conséquences sur l’évolution des métiers de l’action sociale

1. ÉVOLUTIONS SECTORIELLES, RÉGLEMENTAIRES ET POLITIQUES

§ Le rapprochement entre GPS

Le nombre de GPS est passé de 55 à 6 entre 1996 et 2019

Le rapprochement des caisses Agirc et Arrco, la convergence informatique et la diminution du coût de gestion côté retraite complémentaire et la recherche de la taille critique, l’élargissement de l’offre de services, la nécessaire complémentarité entre spécialisation sectoriel et ancrage géographique pour l’assurance de personnes ont contribué à la concentration des GPS.

Ce mouvement de concentration entre GPS, amorcé depuis plusieurs années, après s’est intensifié et abouti à 5 entités significatives : Malakoff Humanis, AG2R La Mondiale, Alliance Pro, Klésia et Apicil qui représentent 80% des effectifs de la branche. Une des conséquences de cet accroissement de taille des GPS « regroupés » est de leur permettre de renforcer les effectifs de l’action sociale et de disposer d’un maillage plus resserré sur le territoire et d’une plus grande proximité avec les clients et ressortissants.

§ La réforme des retraites : 42 régimes de retraites aujourd’hui, un régime universel demain ?

En 2010, il y avait 16 millions de retraités en France, ils seront 18 millions en 2020 et 23 millions en 2050 (soit une hausse de 47%)3

3Source : rapport du Conseil d'Orientation des Retraites (COR) publié le 14 avril 2010

Pour réduire le déficit, l’ambition affichée du gouvernement est de créer un système

« universel » de retraite par point, dans lequel les règles seront communes à tous les assurés.

Cette réforme, dont on ne connait pas encore le calendrier et les modalités de mise en œuvre, pourrait avoir des répercussions sur la place de la Fédération Agirc-Arrco dans un système de régime universel et donc sur l’organisation des GPS et de leur action sociale.

§ Le plan d’économie AGIRC-ARRCO

Les instances de l'Agirc et de l'Arrco ont adopté, en novembre 2013, un plan visant à réduire les coûts de gestion de 300 millions à l'horizon 2018 et de 300 millions supplémentaires en 2022

Lié en partie à la réforme retraite en ce qui concerne les mesures sur l'âge de départ ou les pensions, ce plan se concentre également sur la rationalisation des coûts de gestion des retraites complémentaires avec une fixation d’une trajectoire de dépenses incluant les activités dites « sous contrôle budgétaire » comme les CICAS, l’informatique, la communication et l’action sociale. Cette rationalisation des coûts passe notamment par la mutualisation et l’homogénéisation des services en matière d’action sociale.

§ Le rapport de la Cour des Comptes

26 La Cour des Comptes a émis dans son rapport

2019 intitulé « L’action sociale de l’Agirc-Arrco : un dispositif à recentrer », un certain nombre de critiques et appelle notamment à rationaliser les activités de l’action sociale, à recentrer celles-ci sur la population des retraités et à assurer l’information et la transparence des interventions de l’action sociale AGIRC-ARRCO entre autres.

Ces recommandations pour le repositionnement de l’action sociale avec le triple objectif d’efficience, d’équité et de transparence font réagir. Là encore, c’est un moteur de changement : elles contribuent à l’amélioration en cours du travail de rationalisation des coûts et incitent à l’évaluation des impacts sociaux des actions individuelles et collectives.

§ Le recentrage sur les actions prioritaires et actions communautaires en retraite complémentaire

Alors que les GPS cherchaient plutôt à se différencier au travers d’actions et de projets particuliers, le développement des orientations prioritaires fédérales et des actions communautaires tendent à ce qu’en retraite complémentaire, les mêmes actions soient appliquées par tous les GPS ou par un GPS pour le compte de la communauté.

§ La régionalisation dans le domaine du sanitaire et du médico-social, et la territorialité

Le rapprochement entre le sanitaire et le médico-social, avec notamment, le développement des Agences Régionale de Santé (ARS), est une énorme évolution qui impacte les organisations, en les décloisonnant.

Autre axe fort, et pas seulement au niveau du département : les ARS mettent en place des plateformes territoriales d’appui (PTA) en s’appuyant sur les initiatives des professionnels et en privilégiant celles des professionnels de santé de ville et des communautés professionnelles territoriales de santé visant au maintien à domicile.

Ces plateformes viennent mettre en cohérence les dispositifs existants, dans une logique de missions partagées, pour proposer un guichet unique au carrefour des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux pour être au plus proches des bénéficiaires. Cela engendre une autre manière d’envisager le travail, en coordonnant les interventions des professionnels sanitaires, sociaux et médico-sociaux autour du patient.

L’action sociale qui interagit avec ces professionnels de santé et du médico-social – partie intégrante de son écosystème - doit intégrer cette évolution dans son fonctionnement.

2. ÉVOLUTIONS SOCIÉTALES

§ Paupérisation de certains travailleurs Un million de travailleurs vivent avec moins de 855 euros par mois 4

Source : Insee - © Observatoire des inégalités, mai 2019

Situation de monoparentalité, tassement des salaires, aléas professionnels, précarisation

4 Source : Insee - © Observatoire des inégalités, 2016. Un travailleur pauvre est une personne exercent un emploi mais disposant d’un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, fixé à la

des contrats… Selon l’Observatoire des inégalités, un million de personnes exercent un emploi mais disposent d’un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, fixé à la moitié du revenu médian (855 euros par mois pour une personne seule en 2016). Si on fixe le seuil

moitié du revenu médian (855 euros par mois pour une personne seule en 2016)

27 de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian

(1 026 euros), on en compte deux millions.

C’est une situation récente, qui reste difficilement mesurable sans système d’observation adapté mais c’est une problématique fort alarmante. Ce phénomène accroît le champ d’action et étend les publics visés de l’action sociale.

§ Vieillissement de la population et dépendance

+ de 70% de personnes âgées de 85 ans et plus, entre 2005 et 20155

La part des personnes âgées va augmenter dans la population totale au cours des prochaines années et, en 2035, un français sur trois aura plus de 60 ans6. Le vieillissement de la population questionne nos sociétés, nos territoires, sur leur capacité à intégrer des personnes en demande d'interventions

pouvant nécessiter des financements importants pour développer l’ambulatoire, maintenir les personnes à domicile et les aider à maintenir un lien social. Comment

De vraies révolutions sont en marche dans la manière d’aborder le handicap : la dynamique inclusive, initiée dès les années 70, s’est renforcée et structurée. Toutes les facettes de la vie de la personne en situation de handicap sont désormais prises en compte avec une ambition forte : l’inclusion sociale, pour pouvoir construire un projet de vie global, notamment au sein du milieu professionnel ordinaire.

3. ÉVOLUTION DU TRAVAIL ET DES MODES DE TRAVAIL

L’environnement, la composition des équipes

et la manière de travailler des entreprises changent à un rythme soutenu, qui va en s’accélérant.

§ Objet social des entreprise et raison d’être L’objet social et la « raison d’être » de l’entreprise reviennent sur le devant de la scène avec le rapport de Nicole Notat et Jean-Dominique Senard (« L’entreprise, objet d’intérêt collectif ») remis le 9 mars 2018, et le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) qui ambitionne de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, loi promulguée le 22 mai 2019.

Cela fait écho aux préoccupations des jeunes générations et leur donne une caution.

5 Source : Insee, Tableaux de l’économie Française, édition 2018

6 En France, la dépendance est liée au vieillissement de la population après 60 ans, tandis que le handicap à des problèmes

Jusqu’alors, une société devait avoir un objet licite. Désormais, il est également prévu par l’article 1833 du Code civil que la société devra également être gérée « dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »

§ Les nouveaux modes de travail collaboratifs, et l’intermédiation digitale Phénomène qui concerne l’ensemble des entreprises, tous secteurs confondus, la transformation digitale a entrainé une révolution des modes de travail. Ces évolutions permettent le déploiement de modes de travail plus flexibles comme le télétravail ou le flex-office, et de nouvelles applications qui facilitent grandement la mise

de santé laissant des séquelles avant 60 ans (handicaps de naissance, mental ou physique, et maladies ou accidents survenus plus tard au cours de leur vie).

28 en place d’actions et la mise en relation des

collaborateurs, utiles pour les métiers de l’action sociale souvent en déplacement et

travaillant en réseau avec une multiplicité d’acteurs.

4. ÉVOLUTIONS TECHNOLOGIQUES

§ Attention à la fracture numérique !

57 % des Français ayant des revenus inférieurs à 900 euros/mois ne sont pas équipés d’Internet à domicile7

La digitalisation des outils bénéficie à ceux qui peuvent y accéder, mais engendre une fracture numérique, en particulier auprès de certaines personnes âgées, et des publics les plus fragiles. Or, subir ce fossé éloigne plus encore du marché du travail, distend les liens sociaux et le non-accès aux moyens de communication numériques fixes et mobiles, restreint nettement l’accès à l’information. En ce qui concerne l’action sociale, la digitalisation des services administratif en ligne va renforcer le besoin d’aide et de

médiation pour accompagner les publics éloignés du numérique.

§ Intelligence Artificielle, chatbots, self-care…

Symbole de la transformation digitale au service du client, ces outils conçus pour simuler une conversation avec des utilisateurs humains ou permettant d’utiliser des services par soi-même, transforme l’expérience et le parcours client. Ces outils permettent aussi de recueillir et d’utiliser les données du client, de mieux qualifier ses besoins et ses attentes parfois induites, et ainsi de mieux l’orienter et le conseiller. Cette automatisation des tâches rend le client plus autonome, en lui permettant d’accéder directement à des services de l’action sociale ou des informations à tout moment, partout.

5. ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES

Sur fond de contexte économique en mutation, de pression concurrentielle et d’encadrement juridique et réglementaire, il y a un bouleversement progressif du marché de la protection sociale et les tensions sur l’action sociale se font ressentir.

§ Le Haut Degré de Solidarité : 2%

La fin des « clauses de désignation » - permettant aux partenaires sociaux de branche de désigner un ou plusieurs organismes assureurs pour l’ensemble des entreprises du secteur - et leur remplacement par des recommandations devraient

7Source : Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale, 2018.

profondément impacter le fonctionnement de l’action sociale au niveau de l’assurance de personnes par la mise en place du Haut Degré de Solidarité dans les contrats de protection sociale complémentaire.

L’organisme recommandé doit gérer le socle d’actions définis par les partenaires sociaux (prévention des risques de santé et professionnels et/ou prestations d’action sociale) et tous les organismes assureurs travaillant avec une entreprise de la branche doivent contribuer au financement de ces actions à hauteur de 2% des cotisations.

29

§ Un nouvel écosystème : concentration et diversité des acteurs

L’écosystème actuel est pris dans un double mouvement :

• Concentration : le rapprochement volontariste des GPS entraîne une diminution du nombre d’acteurs. Cette tendance n’est pas propre à notre secteur et touche également le monde de l’assurance.

• Diversification : on assiste à l’apparition de nouveaux acteurs, digitaux, mais aussi à l’émergence d’une nouvelle concurrence, particulièrement sur le terrain des contrats collectifs d’assurance (couvrant les risques de

maladie, incapacité de travail et invalidité, dépendance, décès).

§ Une pression tarifaire accrue, côté assurance de personnes, une réduction des coûts, côté retraite complémentaire La concurrence touche directement la partie assurantielle et presse les tarifs, mais cette pression se fait aussi ressentir en retraite complémentaire : l’évaluation et la comparaison avec les autres régimes, la CNAV par exemple, alimente les efforts pour diminuer au maximum les coûts et maîtriser les frais de gestion.

Dans le document Frédéric Joly et Magali Turpain (Page 25-30)