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Chapitre I : La cytochrome c oxydase et ses modèles biomimétiques

I.2 Cytochrome c oxydase

I.2.2 Mécanisme réactionnel de la CcO

2.2.1 Transfert de protons

De nombreuses études sont menées afin de déterminer le cheminement des électrons et leur vitesse de transfert d’un cofacteur à l’autre. Quatre molécules de cyt c réduits et de potentiel redox de 0.235 V (Tableau 1) se fixent successivement à un site présent sur la SU II de l’oxydase. Un électron est donc transféré depuis l’hème de chaque cyt c, d’abord vers le

centre CuA de potentiel redox plus élevé, puis vers l’hème a lié à la SU I et enfin vers le

centre binucléaire (le CuB et l’hème a3) de l’enzyme. Le dioxygène se réduit en eau grâce à

son potentiel d’oxydoréduction élevé,33 et permet ainsi aux organismes de disposer d’énergie.

ΔE° Référence

Cyt c 0.235 Voet et coll., 1999 Centre CuA 0.245 Voet et coll., 1999 Hème a 0.22 +/- 0.04 Hellwig et coll., 1999 Hème a3 -0.03+/- 0.01 Hellwig et coll., 1999

CuB 0.34 Voet et coll., 1999

O2 0.815 Voet et coll., 1999

Tableau 1 : Les potentiels redox du cyt c et des différents cofacteurs de la CcO obtenus au cours de transfert des électrons.34,35

 

Lors de la réduction du dioxygène, huit protons sont prélevés du cytoplasme. La moitié sert à la formation d’eau, les protons chimiques, et les quatre autres, les protons pompés, sont rejetés de l’autre côté de la membrane.

L’alignement des séquences des acides aminés de la CcO a montré que certains résidus tels que : D124, N131, E278, K354 et Y280 sont extrêmement bien conservés, et a suggéré des

sites de liaison entre ces résidus et les ions métalliques (Figure 5).11,14,36 En se basant sur les

études par mutagenèse dirigée et l’analyse de la structure par diffraction aux rayons X, deux canaux K et D ont été identifiés chacun comme une chaîne d’acides aminés protonables pouvant établir entre eux des liaisons hydrogène et permettant ainsi le transfert des protons (les protons chimiques et pompés) au sein de la CcO.

La caractérisation des acides aminés décrivant ces canaux a fait l’objet de très nombreuses

protons chimiques.37 Il a été également proposé que ce résidu permet de relayer l’arrivée des

protons chimiques de la membrane cytoplasmique jusqu’à l’hème a3 par un réseau de liaisons

hydrogène comprenant les résidus : T351 et Y280.27,28 En effet, toute mutation d’un des

résidus du canal K empêche la réduction de l’oxygène au niveau du centre binucléaire. Cependant, il a été suggéré que ce canal peut fournir un à deux protons au site actif durant la phase de réduction du cycle catalytique, puisque cette phase est bloquée uniquement dans le

cas de la mutation du résidu lysine K354.40,41

 

Figure 5 : Transfert de protons à deux canaux (K et D) dans la CcO de P. denitrificans.12 Les acides aminés jouant un rôle fonctionnel dans le transfert de protons sont montrés sur la figure (pbd-file 1ar1)17. Les résidus du canal D sont les suivants : D124, N131, N199, G196, S193, E278 (W164). Le canal K est formé à partir des résidus K354, T351 et Y280. Un canal de sortie, comprenant les propionates des hèmes, R373/374, les ions Mg/Mn, T329 et D399, a été proposé.

Le canal D dont la porte d’entrée est un résidu aspartate D12413,39,42,43 permet la

données obtenues par diffractions des rayons X montrent qu’une chaîne de molécules d’eau, mettant en jeu des liaisons hydrogène, s’établit entre le résidu D124 et les résidus asparagine N131, N113 et N199. Ces derniers sont aussi en interaction avec le résidu glutamate (E278) par le biais d’une autre chaîne de molécules d’eau produisant un réseau de relais de charge, et

donc permettant de transférer les protons.38,44,45 Puisqu’il a été postulé que tous les protons

pompés et au moins deux protons chimiques sont transférés à travers le canal D, il existe donc un site de branchement permettant de distribuer les protons soit vers le centre binucléaire soit

vers le site de pompage.46 Des études récentes ont suggéré que l’entrée de chaque électron

dans le site actif est couplée d’une part à une consommation d’un proton chimique et d’autre

part à une translocation d’un proton à travers la membrane au niveau du résidu E278.47

Afin de révèler la manière dont cette translocation de protons s’effectue, certains résidus localisés au sein de la SU I ont été mutés ; les résidus D124 et N131 ont été identifiés d’avoir un rôle fonctionnel important dans la consommation et le pompage de protons, respectivement. La variante D124N a perdu la majorité de son activité catalytique puisque l’oxydation du cyt c et le pompage de protons sont quasiment déficients. Ces résultats ont été

récemment confirmés par l’utilisation de la spectroscopie ATR-FTIR.48 D’autre part, l’étude

du mutant N131D s’est révèlée particulièrement intéressante car celui-ci présente une activité totale de la réduction de l’oxygène, tandis qu’il ne montre aucun pompage de protons. Ce

mutant est donc désigné par la variante découplée.37 La mesure des valeurs du pKa des acides

aminés chargés peut jouer un rôle important dans l’élucidation des résidus impliqués dans la translocation de protons. Dans ce cadre, des expériences de spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF) ont déterminé les états de protonation du résidu E278 de la

CcO sauvage44 et du mutant N131D49 dans l’état totalement réduit de l’oxydase (état PR). Les

résultats obtenus montrent que la valeur du pKa du résidu E278 augmente de deux unités, de pKa = 9 pour l’enzyme native au pKa = 11 pour la variante N131D. En effet, l’introdduction d’une charge négative (N→ D) semble distribuer le couplage électrostatique au sein du canal D, ce qui induit la varition des valeurs de pKa des acides aminées et la perturbation des liaisons hydrogène établies entre les molécules d’eau. Il a été également suggéré que la déficience du mutant N131D peut avoir une influence directe sur le résidu E278. E278 a été proposé d’être le site de branchement de protons : les protons chimiques sont transférés vers le centre binucléaire, tandis que les protons pompés sont transférés vers le site de pompage. L’analyse de la structure du mutant N131D a suggéré que l’énergie électrochimique de la réduction du dioxigène pourrait être couplée aux réseaux de liaisons hydrogène, et donc ceci

pourrait induire différentes conformations au résidu E278 afin de pomper les protons à travers

la memebrane.50

De manière intéressante, la variante doublement mutée N131D/D124N s’est révélée capable de pomper les protons et ne présente aucune modification de la valeur du pKa du

résidu E278 lors de l’état PR, mais elle ne catalyse plus la réduction de l’oxygène en eau. Ces

résultats ont été interprétés en terme de la suppression d’une charge négative (D → N) au sein du canal D de la variante N131D/D124N qui peut restaurer la valeur du pKa du résidu E278 à

la valeur typique de la CcO native.51 Il a été postulé que la distorsion de charges négatives au

sein du canal D diminue la capacité de l’oxydase à réduire le dioxygène en eau.52

Bien que le résidu W164 est localisé au dessus de E278 qui constitue le site terminal du canal D, l’étude du mutant W164F a montré que ce canal ne permet plus la translocation de

protons à travers la membrane.53 Ces résultats ont suggéré donc la présence d’un canal de

sortie passant par le résidu W164. Un troisième canal H de transfert de protons a été proposé

chez l’enzyme de cœur de bœuf54-56, tandis qu’il n’est pas admis pour les enzymes

bactériennes.

La réduction de l’oxygène moléculaire en eau est couplée au pompage de protons, mais la chronologie des différentes étapes de la réaction et de cette translocation reste encore controversée. Ainsi, une meilleure connaissance des étapes de transfert de protons vers le site actif au cours du cycle catalytique permettrait une meilleure compréhension de la réduction du dioxygène par les CcO.