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Chapitre I : La cytochrome c oxydase et ses modèles biomimétiques

I.7 Techniques spectroscopiques

I.7.3 Spectroscopie d’absorption infrarouge

7.3.5 Application de la spectroscopie IRTF à l’étude des hémoprotéines

Grâce aux propriétés optiques de l’hème, la méthode de spectroscopie vibrationnelle s’est avérée adaptée à l’observation des modifications structurales internes des hémoprotéines et l’exploration de leurs sites actifs. Ce type de spectroscopie, comprenant la spectroscopie infrarouge et de résonance Raman, permet, via la détection de modes de vibration sensibles à l’état redox, de spin et de coordination de l’hème, d’apporter des informations déterminantes sur les interactions impliquant le métal et son environnement.

La spectroscopie de résonance Raman est très employée pour étudier les hémoprotéines. L’excitation de la bande d’absorption de Soret permet en effet d’exalter et d’observer sélectivement les modes de vibration de l’hème. De cette manière, les modes de vibration de la porphyrine et les ligands directs du fer peuvent être détectés, tandis que les modes associés

au reste de la protéine ou au solvant ne sont pas observés. Il est ainsi possible d’observer spécifiquement le comportement vibrationnel de l’hème et son environnement protéique immédiat. Cependant, il est difficile d’effectuer ce type d’analyse sur des protéines ne contenant pas de bandes d’absorption UV-Visible ou des protéines à fer non hémique. En outre, le spectre de résonance Raman permet de détecter uniquement les fréquences associées aux vibrations métal-ligands qui sont permises par les règles de sélection de cette technique. En revanche, puisque la spectroscopie IR est basée sur des règles de sélection différentes de celles de la spectroscopie Raman, elle permet d’identifier les modes de vibration des centres métalliques mais aussi de la chaîne polypeptidique à plus longue distance du métal. En effet, l’absorption du rayonnement infrarouge ne peut avoir lieu que si le mouvement du mode considéré induit une variation du moment dipolaire électrique de la molécule, tandis que la diffusion Raman a lieu lorsque le mouvement de vibration entraîne une variation de la polarisabilité moléculaire. La spectroscopie IR présente l’avantage d’être appliquée à l’étude de tous types de protéine (présentant ou non un chromophore).

Le domaine de l’infrarouge permettant d’apporter des renseignements précieux à l’étude et

l’analyse structurale des hémoprotéines s’étend approximativement de 3500 à 50 cm-1. La

gamme spectrale entre 3500 et 450 cm-1, correspondant au domaine du moyen infrarouge,

permet d’observer les modes de vibration reflétant la structure secondaires des hémoprotéines ainsi que les fréquences de vibration associées à l’état de protonation d’acides aminés

particuliers. La gamme de fréquence 450-50 cm-1 correspond au domaine des basses

fréquences infrarouge ou lointain infrarouge. Malgré qu’il est moins bien décrit jusqu’à présent, ce domaine met en évidence les modes de vibration impliquant le métal et ses ligands et les liaisons hydrogènes.

Vibrations des liaisons peptidiques

La spectroscopie infrarouge permet d’étudier les changements de conformation des protéines en interaction avec leur environnement. La liaison peptidique possède de nombreux modes de vibration et donne 9 bandes (notées amide I à amide VII et amide A et B). Les bandes amide I, II et III sont très actives en infrarouge et ont été particulièrement étudiées (Tableau 6).

Désignation  Fréquences (cm-1) Attributions Amide A 3250-3300 ν(N-H)

Amide B 3090-3100 résonance de Fermi ν(N-H) avec amide II Amide I  1610-1690 ν(C=O) couplé avec ν(C-N) et δ(N-H)  Amide II  1480-1575 δ(N-H) couple avec ν(C-N)

Amide III 1220-1320 δ(O=C-N) et autres modes Amide IV 625-765 δ(O=C-N) et autres modes Amide V 625-800 δ(N-H)

Amide VI 605-635  δ(C=O/C-C-N) Amide VII ~ 200  torsion du squelette ν vibration d’élongation, δ vibration de déformation

Tableau 6 : Bandes d’absorption et vibrations des liaisons peptidiques.173,174

L’analyse fine de la position et de la structure de ces bandes donne des informations sur la structure primaire et secondaire de la protéine étudiée. Ainsi les différentes conformations secondaires de type hélice α, feuillet β, coude β ou pelote statistique peuvent être estimées (Tableau 7). Outre cet aspect d’analyse structurale, la spectroscopie infrarouge peut aussi renseigner sur certains acides aminés impliqués dans la structure primaire d’une protéine.

Conformation Nombre d'onde /cm-1 Calculé Expérimental H2O D2O Chaine peptidique 1621-1627 1618-1628 1610-1620 Feuillet β 1628-1640 1625-1640 1620-1635 Random Coil 1641-1647 1652-1660 1640-1650 Hélice α 1651-1657 1648-1660 1650-1658 Rotation / déformation 1651-1657 1660-1697 1655-1685 Feuillet β à haute fréquence 1658-1696 1675-1695 1680-1695

 

Tableau 7 : Détermination de la structure secondaire des protéines en IRTF.175,176

Modes de vibration des hèmes

Les modes normaux de l’hème dépendent de différents paramètres (masse des atomes, forces de liaison interatomique, géométrie de la molécule) et donc les fréquences de leurs vibrations donnent des informations sur la géométrie, les propriétés électroniques et l’environnement de l’hème.

La spectroscopie infrarouge, en particulier l’infrarouge lointain, a été très peu utilisée pour la caractérisation des porphyrines. Par ailleurs, la majorité des travaux sont effectués en spectroscopie Raman. Bien qu’elle permette d’obtenir comme pour la spectrométrie IR les fréquences de vibration des molécules, les règles de sélection entre ces deux méthodes sont différentes. L’absorption IR est permise lorsque la vibration provoque une variation du moment dipolaire électrique de la molécule, alors que la diffusion Raman se produit lorsque la vibration entraîne une variation de la polarisabilité moléculaire. Cette complémentarité entre spectroscopie infrarouge et Raman se révèle de manière encore plus importante sur l’allure des spectres : par exemple, dans le cas de molécules possédant un centre de symétrie : les modes actifs en Raman sont inactifs en infrarouge, et vice versa. Ainsi, l’étude comparée des spectres IR et Raman ne peut être que fructueuse pour une caractérisation vibrationnelle détaillée et les deux techniques sont donc souvent nécessaires pour connaître l’ensemble des

fréquences caractéristiques d’une molécule.

Dés le début des années 1970, la spectroscopie Raman joue un rôle crucial dans la

caractérisation des hémoprotéines.177-180 Cela est rendu possible grâce aux perfectionnements

des techniques de la spectroscopie Raman mais aussi aux nombreux travaux menés sur des

métalloporphyrines181,182 de géométrie simple. En effet, l’analyse des spectres de résonance

Raman (RR) de ces modèles synthétiques a apporté des informations importantes sur les modes de vibrations impliquant l’hème et ses ligands axiaux.

Composés modèles des hémoprotéines, les complexes de Ni(II) [Ni(OEP) et Ni(TPP)], ont suscité de nombreux travaux. L’attribution des modes de vibrations de leur cycle porphyrinique a été réalisée par comparaison des données expérimentales RR et/ou IR à des calculs théoriques de modes normaux. Kitagawa et coll. ont attribué la plupart des modes Raman et IR dans le plan en utilisant des longueurs d’onde d’excitation variables de RR, des

substitutions isotopiques et des calculs théoriques.183 Spiro et coll. ont ensuite développé un

champ de force empirique appliqué aux porphyrines de nickel (porphine, OEP et TPP) avec

différents substituants.184 Les spectres de résonance Raman de Ni(TPP) ont été donc

complètement attribués grâce à des substitutions isotopiques associées à des calculs

théoriques de modes normaux.184

Grâce aux données obtenues avec des porphyrines de nickel, les spectres de RR de plusieurs hémoprotéines, comme la microperoxydase-11 et le cytochrome c ont été attribués

Cependant, seulement quelques données ont été obtenues par spectroscopie IR ; Rush III et

coll. ont attribué les modes de vibrations IR de la Ni(TPP) en utilisant la DFT (théorie de la

fonctionnelle de la densité).187 Paulat et coll. ont étudié des complexes de la TPP avec

différents métaux en position centrale de l’hème (Fe, Mn et Co) possédant un ion chlorure en cinquième position de coordination de l’hème. Les attributions des modes d’hème et de ses substituants ont été réalisées par comparaison des données IR et Raman aux calculs de la DFT

des modes normaux.188

L’équipe de Berthomieu a caractérisé divers complexes de la MP8, un modèle des hémoprotéines de type c, par spectroscopie IR couplée à l’électrochimie. Cette étude a permis de mettre en évidence des modes IR redox spécifiques de l’hème, dont certains sont sensibles

à l’état de spin du fer.189,190

Des données IR ont également été obtenues dans les basses fréquences sur des hémoprotéines telles la cytochrome c oxydase, le cytochrome c et la microperoxydase-11 et

des composés modèles, l’hémine et l’hématine.191

Vibrations métal-ligand

Les vibrations métal-ligand sont détectées dans le domaine des basses fréquences, entre

700 et 50 cm-1. Les fréquences de ces vibrations permettent de détecter les interactions

hème-ligand-protéine et de mesurer leur force ; elles sont également corrélées au potentiel redox des hémoprotéines et vraisemblablement, à leur fonction biologique.

Les oxydases, comme l’hémoglobine et la myoglobine, possèdent une histidine comme ligand proximal. Ce ligand proximal joue un rôle majeur dans les propriétés catalytiques des hémoprotéines. En effet, la liaison covalente Fe-Histidine est très sensible aux changements

structuraux et dynamiques de la protéine.192,193

Dès lors, les propriétés vibrationnelles de cette liaison ont été largement étudiées par spectroscopie de résonance Raman. Son mode vibrationnel ν(Fe-His) a été observé entre 250

et 200 cm-1.194 La position et l’intensité de cette bande dépend essentiellement de la nature et

la conformation de la protéine ainsi que l’environnement du métal. Il a été montré que cette

vibration peut être corrélée à la coordination de l’hème dans la cytochrome c oxydase.195 La

vibration d’élongation antisymétrique IR active ν(Fe-His)as a été attribuée à 381 cm-1 dans le

L’analyse des spectres IR de la TPP et ses complexes métalliques a mis en évidence des

bandes sensibles au métal.197 L’équipe de Nakamoto a détecté une vibration caractéristique de

la liaison azote-métal entre 330 et 180 cm-1 pour les complexes M(TPP).198

L’étude des intermédiaires de la CcO par spectroscopie Raman a permis de détecter les

vibrations caractéristiques des liaisons ν(Fe-O) à 571 cm-1 pour l’intermédiaire oxy (A)67 et

ν(Fe=O) à 804 et 785 cm-1 pour les intermédiaires oxoferryl PM61 et F78, respectivement.