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Chapitre I : La cytochrome c oxydase et ses modèles biomimétiques

I.7 Techniques spectroscopiques

I.7.2 Spectroscopie de fluorescence

La spectroscopie de fluorescence est basée sur la mesure des caractéristiques de fluorescence d’une molécule après excitation par des photons du domaine du visible ou du

proche ultraviolet.147

Du fait de la haute sensibilité des propriétés de fluorescence au milieu chimique et physique de la molécule anisi qu’aux interactions avec le proche environnement, la spectroscopie de fluorescence est devenue un moyen d’étude très précieux des systèmes biologiques et chimiques. Elle est utilisée comme outil de caractérisation ou comme sonde locale apportant ainsi des informations sur la dynamique moléculaire, tels que le transfert de charge, le transfert d’énergie et la dynamique de solvatation. Les paramètres les plus souvent utilisés sont : les spectres d’émission et d’excitation, l’efficacité de fluorescence (rendement quantique) et le temps de vie de fluorescence. En outre, le spectre d’absorption de la molécule est fondamental puisqu’il détermine ses conditions d’excitation, notamment la longueur

d’onde. Dans le paragraphe suivant, nous présenterons un bref descriptif de ces notions.148,149

7.2.1 Diagramme d’énergie et spectre de fluorescence

Les transitions entre les différents niveaux d’énergie électronique (états fondamentaux et excités) et de la sous-structure vibrationnelle propre à chaque état électronique d’un

Lorsqu’un photon incident est absorbé par la molécule, elle est portée dans l’un des

niveaux d’énergie électroniquement et vibrationnellement excité tel S1 ou S2, puis assez

rapidement (1012-1013 s-1) la molécule est conduite vers le niveau vibrationnel le plus bas de

l’état excité S1. Les processus responsables de cette transition peuvent être intramoléculaires,

comme la relaxation électronique et/ou vibrationnelle, le transfert de charge et surtout le changement conformationnel. Ils peuvent également être intermoléculaires comme la dynamique de solvatation et la formation ou la rupture de liaisons hydrogène. Cette transition, dite conversion interne ou relaxation vibrationnelle, est un processus non radiatif. A la suite de ces différentes relaxations, la molécule est conduite vers un niveau vibrationnel de l’état fondamental en émettant les photons de fluorescence. Cette émission de lumière résulte de transitions radiatives (Figure 35) et génère donc un spectre de fluorescence. Compte tenu de la perte d’énergie lors de la conversion interne et des relaxations vibrationnelles qui suivent l’absorption d’un photon, la longueur d’onde du photon de fluorescence est typiquement moins énergétique, et donc plus grande que celle de la lumière excitante. Le spectre de fluorescence correspond donc à une gamme de longueurs d’ondes plus élevée que celle du spectre d’absorption. Ce décalage vers le rouge peut être quantifié par l’écart entre la position de la première bande d’absorption et celle du spectre de fluorescence, appelé déplacement de Stokes. Il représente l’énergie qui est perdue pendant l’excitation et la désexcitation de la molécule.

Figure 35 : Diagramme de Perrin-Jablonski représentant les phénomènes photophysiques possibles dans un état excité.

L’allure et la position du spectre d’émission sont sensibles aux propriétés du milieu environnant du fait de la perturbation des niveaux d’énergie du fluorophore par les interactions dipolaires et électrostatiques existant entre les molécules de solvant et le fluorophore. En général, ces interactions augmentent avec la polarité du solvant, elles déplacent les spectres d’absorption et d’émission vers les grandes longueurs d’onde et élargissent les bandes vibrationnelles.

Plusieurs phénomènes peuvent entrer en compétition avec l’émission de fluorescence : la

conversion interne entre l’état S1 et l’état S0 ou désactivation par collision des molécules, les

transferts intersystèmes entre l’état S1 et l’état triplet T1 et la photo-décomposition des

molécules fluorescentes. Ces processus non radiatifs sont souvent nommés processus de désactivation de la fluorescence (en anglais on parle de quenching) et sont conditionnés par de nombreux facteurs comme la température, les effets des substituants et du solvant. En plus, selon la molécule et l’environnement physicochimique, un autre processus de désexcitation visible peut aussi avoir lieu. Ce phénomène, désigné par la phosphorescence, est observé lorsque l’émission d’un photon provient d’une molécule excitée qui se trouve dans un état triplet et non dans un état singulet comme pour la fluorescence.

7.2.2 Rendement quantique et temps de vie de fluorescence

Le rendement quantique rend compte de la compétition entre les processus de désexcitation radiatifs et non radiatifs, toutes les molécules excitées n’émettent pas de photons de fluorescence. En d’autres termes, le rendement quantique représente la probabilité pour qu’un fluorophore excité émette un photon. Il est défini comme étant le rapport du nombre de photons émis sur le nombre de photons absorbé. Puisqu’un seul photon absorbé ne peut causer l’émission que d’un seul photon, le rendement quantique est toujours inférieur ou égal à 1. Le rendement quantique varie selon les facteurs environnementaux comme le pH, la concentration ou la polarité du solvant.

La durée de vie de fluorescence constitue une des caractéristiques les plus importantes de la fluorescence. Elle caractérise le temps pendant lequel une molécule reste à l’état excité avant de retourner à l’état fondamental. Les durées de vie de fluorescence dépendent, très souvent de manière spécifique, de la molécule émissive et de toute modification de son environnement immédiat. Elles sont donc considérées comme une source riche d’information sur les processus moléculaires. Les durés de vie peuvent, par exemple, servir à étudier les

interactions de deux protéines, à mesurer des distances intramoléculaires ou à analyser le changement conformationnel d’une molécule.

Le déclin de fluorescence I(t) décrit l’évolution temporelle de la concentration de molécules fluorescentes dans l’état excité depuis le moment d’excitation. En général, le déclin de fluorescence d’une molécule est exponentiel, d’expression :

Où est une constante réelle et τ est le temps de vie de fluorescence.

Deux types de méthode permettant la mesure et l’étude de la fluorescence sont disponibles. La spectrofluorimétrie stationnaire repose sur la mesure de l’intensité de la fluorescence et des

longueurs d’onde d’émission en utilisant une source lumineuse continue.150 La fluorimétrie

résolue en temps vise plutôt à déterminer les durées de vie de fluorescence en mesurant l’évolution temporelle de la lumière émise par un système moléculaire après une

photo-excitation brève.151 En général, des techniques résolues en temps apportent beaucoup plus

d’informations sur les processus intra- et intermoléculaires que la spectrofluorimétrie stationnaire.

7.2.3 Fluorescence intrinsèque des protéines

La technique de fluorescence résolue en temps, utilisant la fluorescence intrinsèque des protéines, permet d’obtenir différentes informations dynamiques à des échelles de temps allant d’une dizaine de picosecondes à quelques nanosecondes. La fluorescence intrinsèque des protéines est due majoritairement aux trois acides aminés possédant un noyau aromatique. Ces noyaux confèrent aux résidus tryptophane, tyrosine et phénylalanine la propriété d’absorber dans l’UV et de réémettre des photons de fluorescence (Tableau 4).

    Absorption    Fluorescence 

Acide aminé    λmax(nm)  ε(M-1cm-1)    λmax(nm)    τfmoy(ns) 

Trp(W)    280  5600    348  0.2  2.6 

Tyr(Y)    274  1400    303  0.14  3.6 

Phe(F)    257  200    282  0.04  6.4 

Bien que Les résidus tyrosines sont généralement plus nombreux dans une telle protéine, ils sont souvent éteints (quenching) par la proximité des tryptophanes. Les phénylalanines, quant à elles, ont un rendement quantique extrêmement faible qui rend les mesures de fluorescence difficiles. En raison de la grande différence de leur rendement quantique et de leur durée de vie de fluorescence, ainsi que de leur transfert d’énergie, la fluorescence de la plupart des protéines est celle déterminée par les résidus tryptophane. Les tryptophanes se caractérisent par un pic d’absorbance à 280 nm et un pic d’émission de fluorescence allant de

300 à 350 nm en fonction de la polarité de l’environnement local. Son intensité de

fluorescence, son rendement quantique et sa longueur d’onde d’émission sont fortement influencés par la nature du solvant utilisé. Plus le solvant environnant les résidus tryptophane est polaire plus l’intensité de fluorescence est importante et la longueur d’onde d’émission est déplacée vers le rouge. Plus les résidus tryptophane sont enfouis dans un milieu hydrophobe de la protéine plus la longueur d’onde d’émission est déplacée vers le bleu. Plus les résidus tryptophane sont exposés au solvant plus la longueur d’onde d’émission est déplacée vers le rouge. Par conséquent, cette forte sensibilité est à l’origine du rôle de sonde intrinsèque que peut jouer la fluorescence du tryptophane apportant ainsi des informations sur la nature du

micro-environnement et la dynamique moléculaire de ce résidu.154

Dans une protéine contenant plusieurs tryptophanes, l’analyse des durées de vie de fluorescence se complique d’avantage. La difficulté d’expliquer et d’interpréter un déclin de fluorescence d’une protéine est souvent liée à l’hétérogénéité de la cinétique de l’état excité du résidu tryptophane. Les déclins de fluorescence observés sont généralement

multi-exponentiels même pour des protéines ne contenant qu’un seul tryptophane.155 Ce

comportement des tryptophanes peut être expliqué par les propriétés du groupe indole. Le spectre d’absorption de l’indole dans l’UV proche présente une bande large et structurée,

correspondant à deux transitions : 1A→1La et 1A→1Lb1La et 1Lb sont les deux états

électroniques excités de plus basse énergie et 1A indique l’état singulet fondamental.156 Les

deux états excités sont caractérisés par des énergies très proches mais leurs dipôles de transition sont perpendiculaires. Un transfert d’énergie entre ces deux transitions peut

expliquer l’hétérogénéité des durées de vie observées pour le tryptophane.157 En dehors de ces

propriétés photophysiques complexes, la réorientation du solvant et la présence de groupes chimiques appartenant à la protéine, au voisinage du fluorophore excité, peuvent également

expliquer la multiplicité des durées de vie.158 L’existence pour ce résidu de trois rotamères a

été établie ; la multiplicité des états fondamentaux due à chacun de ces rotamères pourrait, de