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Chapitre 1 : Les streptocoques 5

2.  Streptococcus thermophilus et les streptocoques 6 

2.3  Streptococcus thermophilus 9 

2.3.4  Le transfert de l’information génétique chez S thermophilus 13 

Par opposition au transfert vertical, le transfert horizontal de gènes permet aux bactéries d’échanger du matériel génétique provenant d’un autre organisme sans en être le descendant. Trois mécanismes de transfert horizontal sont distingués chez les bactéries : la transduction, la conjugaison et la transformation (Figure 7). A l’heure actuelle, 1,6 à 32,6% des génomes microbiens auraient été acquis par transfert horizontal (Koonin et al., 2001).

¾ La transduction :

Le phénomène de transduction permet le transfert d’un fragment d’ADN d’une bactérie donneuse à une bactérie receveuse par l’intermédiaire d’un phage. Deux voies de transduction sont décrites : la transduction généralisée et la transduction spécialisée. La transduction généralisée est liée à une erreur de spécificité de l’encapsidation résultant en l’intégration d’ADN bactérien au sein de la particule phagique. Aussi, au cours du cycle d’infection suivant, cette séquence d’ADN sera transférée au sein d’une autre bactérie et pourra être recombinée au niveau de son génome. Dans le cas de la transduction spécialisée, l’excision impropre du prophage, intégré dans le chromosome bactérien, résulte en l’export de l’ADN bactérien contigu au site d‘intégration. Lors du cycle d’infection suivant, l’intégration du génome du phage dans le chromosome bactérien aboutira à l’apport de gène(s) modifiant ainsi le patrimoine génétique de la cellule (Sørensen et al., 2005). Chez S. thermophilus, bien que le rôle des phages dans le transfert de gènes au sein de l’espèce ait été décrit en 1988 (Mercenier et al., 1988), ce n’est que récemment que l’infection de phages entre deux ferments lactiques a été mise en évidence. Aussi, l’évolution et

l’acquisition de modules génétiques entre S. thermophilus et L. lactis seraient en partie médiées par les phages (Ammann et al., 2008).

¾ La conjugaison :

Mis en évidence chez Escherichia coli par Lederberg et Tatum en 1946, le transfert par conjugaison de l’ADN nécessite un contact physique entre une cellule « donneuse » et une cellule « receveuse » et se traduit généralement par l’acquisition d’un plasmide conjugatif possédant l’information génétique lui permettant de se transférer entre bactéries et de se répliquer de manière autonome (Thomas and Nielsen, 2005). L’acquisition de ces plasmides apporte aux bactéries des caractères adaptatifs avantageux tels que la résistance aux antibiotiques ou la capacité à utiliser de nouvelles sources de carbones (Sørensen et al., 2005). Le transfert entre les organismes donneur et accepteur se fait en plusieurs étapes et nécessite en premier lieu une étape de reconnaissance qui s’établit soit par la présence de pili chez les bactéries à Gram négatif ou soit à travers la production de protéines d’agrégation chez les bactéries à Gram positif (Sørensen et al., 2005). Chez les bactéries lactiques, cette méthode de transfert d’ADN a été largement observée (Teuber et al., 1999; Toomey et al., 2009). Chez les entérocoques, le transfert par conjugaison répond à un mécanisme de communication cellulaire. Aussi la production de molécules de signalisation par les cellules receveuses va induire une réponse chez les cellules donneuses, déclenchant la synthèse de protéines membranaires favorisant l’agrégation des cellules donneuses et receveuses entre elles (Dunny et al., 2001; Thomas and Nielsen, 2005) (Chapitre 2, § 2.2.4). Des éléments chromosomiques pouvant être excisés et transférés à une autre cellule ont également été identifiés et constituent un groupe d’éléments mobiles appelé ICE (Integrative and Conjugative Element). Ces éléments intégratifs et conjugatifs font appel à un système de recombinaison site-spécifique codant les éléments nécessaires à leur excision, à leur transfert et à leur intégration au niveau de deux sites, l’un chromosomique et l’autre présent dans l’élément (Wozniak and Waldor, 2010). Ce processus de conjugaison a par ailleurs été décrit chez S. thermophilus (Burrus et al., 2002).

¾ La transformation :

Le phénomène de transformation naturelle a été découvert chez S. pneumoniae (Avery et al., 1944; Griffith, 1928), et est aujourd’hui caractérisé dans plusieurs phyla bactériens – tels que les firmicutes, les protéobactéries, les cyanobactéries et les archaea (Johnsborg et al., 2007). Pour qu’une bactérie soit naturellement transformable, elle doit être dans un état physiologique appelé « compétence » qu’elle acquiert via l’expression d’un pool de gènes dit « précoces », en réponse à la détection de signaux environnementaux (Claverys et al.,

2009). Cet état physiologique contrôle par ailleurs l’expression de gènes dit « tardifs » codant la machinerie de compétence nécessaire à l’internalisation et à la recombinaison homologue de l’ADN dans le chromosome bactérien (Johnsborg et al., 2007; Johnsborg and Håvarstein, 2009; Tortosa and Dubnau, 1999). Aussi, la transformation génétique est définie comme l’acquisition d’un fragment d’ADN exogène dans une cellule, entrainant éventuellement une modification phénotypique de l’organisme receveur. Ce phénomène est décrit comme transitoire dans la plupart des espèces bactériennes naturellement transformables (Johnsborg et al., 2007).

Bien que les mécanismes d’acquisition de la compétence soient spécifiques à chaque espèce (e.g. Chapitre 2 § 2.1.3 ; Chapitre 3 § 3.2.2 et 3.2.3), la machinerie d’absorption de l’ADN forme, quant à elle, un complexe protéique conservé entre les espèces et appelé le transformasome (Claverys et al., 2009). De manière simplifiée, les protéines ComGA-F constituent un pseudo-pilus nécessaire à la liaison de l’ADN double brin (ADNdb) à la surface des cellules compétentes et assurent la formation d’un pore d’entrée permettant la reconnaissance de l’ADNdb par un récepteur membranaire appelé ComEA. Ce récepteur fixe par ailleurs l’ADNdb sans spécificité de séquence. L’ADNdb est ensuite dégradé en ADN simple brin (ADNsb) par une endonucléase (EndA ou NucA). L’ADNsb formé est alors internalisé à travers un canal de translocation appelé ComEC. Enfin, une protéine de liaison de l’ATP, ComFA, apporte l’énergie nécessaire au transport de l’ADNsb (Chen and Dubnau, 2004; Claverys et al., 2009). Une fois internalisé, l’ADNsb est ensuite inclus au sein d’un complexe protéique, composé des protéines SSB (Single Strand Binding), RecA et DprA, appelé complexe d’éclipse assurant la protection de ce dernier et sa restauration en ADNdb (Claverys et al., 2009). La recombinaison de l’ADN exogène est ensuite prise en charge par la protéine RecA et, la formation d’un hétéroduplex entre l’ADNsb exogène et chromosomique induit la substitution du brin donneur au brin receveur (Claverys et al., 2009). Cette étape d’intégration de l’ADN monocaténaire est effective en présence d’un degré d’homologie suffisant entre l’ADN exogène et chromosomique et peut soit résulter en l’apport de nouvelles fonctions physiologiques ou soit éventuellement en l’inactivation de certains gènes par insertion ou délétion (Thomas and Nielsen, 2005).

De nombreux streptocoques, comme S. thermophilus, ont longtemps été considérés comme « non naturellement compétents ». Des techniques, permettant de perforer les enveloppes bactériennes des bactéries non compétentes ont alors été développées afin de permettre leur manipulation génétique. Chez S. thermophilus, l’électroporation – consistant à soumettre les bactéries à des impulsions électriques ayant pour but de créer des pores dans les enveloppes bactériennes – a longtemps été utilisée comme moyen le plus efficace pour transformer les cellules (Marciset and Mollet, 1994; Somkuti and Steinberg, 1988) avant que le phénomène de compétence naturelle ne soit décrit au sein de cette espèce (Blomqvist et

al., 2006a; Fontaine et al., 2010a; Gardan et al., 2009) (Chapitre 3 § 3.2.2). Récemment, la mise en évidence de transfert de fragments d’ADN entre différentes souches de S. thermophilus par transformation naturelle, a ouvert des perspectives intéressantes concernant l’échange d’informations génétiques au sein de l’espèce et l’acquisition de nouvelles fonctions (e.g. résistance aux phages) pertinentes pour les industries agro- alimentaires (Fontaine et al., 2010b).

Bien que ces mécanismes soient fréquents chez les bactéries, l’ADN transféré aux bactéries par transfert horizontal doit procurer un avantage sélectif afin d’être acquis de manière durable (Thomas and Nielsen, 2005). Par ailleurs, les éléments génétiques mobiles, tels que les séquences d’insertions, transposons, intégrons et îlots génomiques, échangés entre les bactéries contribuent également à la plasticité des génomes bactériens. Enfin, le transfert horizontal n’est pas restreint aux bactéries. Il est également décrit au sein d’autres domaines et possible entre archées et bactéries mais aussi entre eucaryotes et bactéries (Boto, 2010).

Figure 8 - Représentation schématique du déclenchement d’un système de quorum-sensing

Chapitre 2 : La communication cellulaire de