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Chapitre 2 : La communication cellulaire de type quorum-sensing 17

2.  Le QS chez les bactéries à Gram positif 18 

2.2  Détection intracellulaire des peptides autoinducteurs 25 

2.2.3  Le système PapR/PlcR chez Bacillus cereus : virulence 27 

Les espèces de Bacillus produisent une grande quantité d’enzymes dégradatives et de toxines en fin de phase exponentielle ou en début de phase stationnaire de croissance. En 1996, l’expression du gène plcA, codant la phospholipase C, a été décrite sous le contrôle d’un régulateur transcriptionnel nommé PlcR (Phospholipase C regulator) (Lereclus et al., 1996). Depuis, plusieurs études ont décrit de nombreux gènes cibles de ce régulateur définissant aujourd’hui un régulon composé de plus de 100 gènes, aléatoirement distribués sur le chromosome. Ce régulon, composé de gènes et d’opérons, est constitué majoritairement de facteurs de virulences (enzymes dégradatives, protéines de surfaces,

toxines, etc.) mais également de senseurs et de transporteurs (Agaisse et al., 1999; Gohar et al., 2002; Gohar et al., 2008; Ivanova et al., 2003; Økstad et al., 1999).

2.2.3.1 L’histoire d’un motif de fixation

Le régulateur transcriptionnel PlcR est un régulateur pléiotrope spécifique du groupe cereus regroupant B. anthracis, B. cereus, B. mycoides, B. pseudomycoides, B. thuringiensis et B. wiehenstephanensis (Agaisse et al., 1999). En 1999, l’analyse des régions promotrices des 14 gènes connus régulés par PlcR a permis d’identifier une séquence palindromique conservée (TATGNA-N4-TNCATA). Cette séquence, dénommée PlcR box, a été proposée

comme site putatif de fixation du régulateur à l’ADN (Agaisse et al., 1999). Ce palindrome permet, par ailleurs, la transcription de deux gènes transcrits de manière divergente, lorsqu’il est localisé dans la région intergénique de ces derniers (Agaisse et al., 1999; Økstad et al., 1999). En outre, la distance entre le motif et la région -10 du promoteur du gène cible est variable et peut aller de 20 à plus de 200 pb (Agaisse et al., 1999; Slamti and Lereclus, 2002). Plus récemment, une étude a permis de discriminer les gènes réellement régulés par PlcR dans un pool de gènes contenant la PlcR box dans leur région promotrice (Gohar et al., 2008). L’analyse des régions promotrices des gènes régulés par PlcR a démontré que les séquences en amont et en aval du motif étaient significativement plus riches en AT, suggérant un rôle non négligeable de cet environnement génétique dans la liaison de PlcR à l’ADN et/ou sur l’activité transcriptionnelle du promoteur (Gohar et al., 2008).

2.2.3.2 L’expression de PlcR est contrôlée par un mécanisme de QS

L’utilisation de fusions transcriptionnelles lacZ en système hétérologue chez B. subtilis, a permis de suggérer que l’expression du gène plcA, régulé par PlcR était également dépendante du produit codé par le gène localisé en aval de plcR et nommé orf2 (Lereclus et al., 1996). L’identification de la PlcR box en amont du gène orf2 a alors suggéré que ce dernier soit sous le contrôle de PlcR. De plus, la présence d’une séquence signale dans la partie N-terminale du produit du gène orf2 suggère la sécrétion de ce dernier (Agaisse et al., 1999). Une collection de mutants obtenue par mutagénèse aléatoire a ensuite conduit à l’identification d’un transporteur d’oligopeptides essentiel à l’expression du régulon PlcR (Gominet et al., 2001). Le rôle du transporteur d’oligopeptides a par ailleurs été caractérisé de manière indépendante à l’effet répresseur de SpoA~P (Lereclus et al., 2000). L’ensemble de ces travaux a alors suggéré que la régulation de PlcR pouvait être contrôlée par un mécanisme de QS.

Tableau 5 – Le peptide PapR7 de Bacillus cereus.

Précurseur Forme mature

Codé par Nom Taille Séquence Taille

papR Pré-PapR 48 aa ADLPFEF 7 aa

Figure 16 – Représentation schématique du système PapR/PlcR chez Bacillus cereus.

Le peptide PapR7, codé par le gène papR, est maturé et sécréte dans le milieu extracellulaire avant d’être détectée (en début de phase stationnaire) et importé dans la cellule par le système de transport d’oligopeptides OppBCDF. Dans le cytoplasme, l’interaction de PapR7 avec le régulateur transcriptionnel PlcR induit in fine la liaison de ce dernier à l’ADN sur un motif appelé « PlcR box », localisé dans la région promotrice de ces gènes cibles. Le régulateur de réponse SpoA~P réprime quant à lui la transcription du gène

Aussi, en 2002, la caractérisation du produit codé par le gène orf2 a été entreprise sur l’expression du régulon PlcR, qui s’est avérée être abolie dans un mutant ∆orf2 (Slamti and Lereclus, 2002). Le produit du gène orf2 présentant des caractéristiques d’export, des complémentations ont alors été réalisées avec des surnageants de culture. Seulement les surnageants de la souche wt (vs ∆orf2) étant capable de restaurer l’expression du régulon PlcR, les auteurs ont conclu que le produit du gène orf2 était d’une part sécrété et d’autre part essentiel à l’activation de PlcR. Sur la base de ces résultats, le gène orf2 a été nommé papR pour PlcR activating peptide (Slamti and Lereclus, 2002). Le gène papR code un peptide de 48 acides aminés, dont la forme active est probablement libérée suite à un clivage du précurseur lors de son export. En 2009, le rôle de la protéase de paroi NprB dans la maturation de PapR sera démontré (Pomerantsev et al., 2009).

Par l’utilisation de peptides synthétiques, les auteurs ont montré que l’extrémité C-terminale du peptide est nécessaire à l’activité du régulon PlcR et que des tailles variables du peptide, composées de 5, 7 ou 9 acides aminés induisaient de manière équivalente le régulon PlcR (Slamti and Lereclus, 2002). En 2008, Bouillaut et ses collaborateurs identifient l’heptapeptide, PapR7, comme étant la forme physiologique majoritaire de ce peptide (Tableau 5) (Bouillaut et al., 2008).

Afin d’étudier le rôle du transporteur d’oligopeptides Opp et de mettre en évidence la réimportation de PapR à l’intérieur de la cellule via ce système de transport, Slamti et Lereclus ont introduit un plasmide inductible surproduisant PapR5 dans une souche présentant un contexte génétique délété du gène oppB. En comparaison avec la souche sauvage, ils ont étudié l’activité hémolytique du mutant et montré que celle-ci était restaurée dans le mutant ∆oppB seulement lors de l’induction du plasmide surproducteur. De même, l’activité de la fusion transcriptionnelle plcA::lacZ a été restaurée dans un mutant ∆papR lors de l’induction de ce même plasmide surproducteur. Aussi, l’activation du régulon PlcR a été décrite comme effective par la présence de PapR dans le cytoplasme de la bactérie (Slamti and Lereclus, 2002). Pour définir plus précisément le rôle de PapR, un plasmide inductible surproduisant PlcR a ensuite été introduit dans deux souches présentant la fusion transcriptionnelle plcA::lacZ dans un contexte génétique sauvage et délété du gène papR. Les auteurs travaillant dans un milieu ne permettant pas l’expression du régulon PlcR, l’induction du plasmide surproduisant PlcR est alors nécessaire pour en assurer son expression. Aussi, une complémentation étant visible dans la souche sauvage seulement après induction du plasmide, les auteurs ont montré que PlcR requiert la présence de PapR pour être fonctionnel et jouer son rôle d’activateur (Slamti and Lereclus, 2002). Enfin, des expériences d’empreinte à la DNase ont démontré une fixation de PlcR sur la région promotrice du gène plcA PapR-dépendante (Slamti and Lereclus, 2002). L’ensemble de ces résultats a alors conduit au modèle suivant, présenté dans la Figure 16. Le gène papR est

Figure 17 – Représentation schématique de l’organisation du domaine HTH du régulateur PlcR en présence (A) ou absence (B) du peptide PapR (Declerck et al., 2007).

exprimé à un niveau basal en phase exponentielle. La forme précurseur du peptide phéromone est ensuite sécrétée puis maturée par NprB. En fin de phase exponentielle / début de phase stationnaire, PapR atteint sa concentration seuil induisant sa détection puis sa réimportation à l’intérieur de la cellule par le transporteur d’oligopeptides Opp. L’expression des gènes du régulon PlcR est alors assurée par la formation d’un complexe PlcR/PapR, permettant la fixation de l’activateur PlcR dans la région promotrice des gènes cibles.

2.2.3.3 Structure et interaction PapR/PlcR

PlcR est composé d’un domaine N-terminal de liaison à l’ADN et d’un domaine C- terminal comprenant 5 domaines TPR. La structure de ce régulateur a été déterminée en présence ou en absence du peptide PapR5 (Declerck et al., 2007). Dans les deux cas, PlcR présente une structure dimérique et un réarrangement du domaine HTH est visible en présence du peptide. Ce changement structural nécessaire à l’activation du régulateur a été à la base d’un modèle où la liaison de PapR aux domaines TPR de PlcR entrainerait l’ouverture des hélices du domaine HTH (Figure 17). En fonction de la concentration en phéromone, le complexe PapR/PlcR aurait, par ailleurs, tendance à s’oligomériser (Declerck et al., 2007). Bien qu’une région (résidus 95 à 144) ait été décrite comme impliquée dans la multimérisation de PlcR, aucune substitution au sein de celle-ci n’a encore clairement été démontrée comme impliquée dans ce phénomène (Bouillaut et al., 2008).

La comparaison des séquences de 29 protéines PlcR a souligné que seul l’acide aminé en position 278 différait de manière spécifique selon les groupes (Bouillaut et al., 2008). La construction de protéines chimères à partir de ce résidu a ensuite montré que l’extrémité C- terminale des protéines PlcR est nécessaire à l’activation du régulon PlcR et interfère sur le niveau d’expression de ce dernier (Bouillaut et al., 2008).

2.2.3.4 PapR/PlcR : un système de régulation souche-spécifique

La comparaison de la séquence peptidique de PapR parmi 15 souches de Bacillus a mis en évidence, contrairement à la partie N-terminale hautement conservée, une divergence de la partie C-terminale contenant la forme mature du peptide (Slamti and Lereclus, 2002). Des tests de complémentation sur milieu gélosé ont montré que le premier acide aminé des pentapeptides (leucine, méthionine ou valine) joue un rôle dans la spécificité de réponse. Des expériences d’empreintes à la DNase ont par ailleurs spécifié le rôle de cet acide aminé

Figure 18 – Arbre phylogénétique des protéines PlcR et des peptides PapR apparentés (Slamti

dans l’interaction PlcR/PapR (Slamti and Lereclus, 2002). En 2005, l’alignement de 29 séquences de PapR couplé à des tests de complémentation a par ailleurs rendu compte que cette spécificité était également due au dernier acide aminé du pentapeptide. Ces résultats ont alors permis de définir quatre groupes de peptides phéromones. La construction d’un arbre phylogénétique des protéines PlcR a ensuite souligné une coévolution des protéines PlcR et des formes matures pentapeptidiques identifiées (Figure 18) (Slamti and Lereclus, 2005). Aussi, en 2008, suite à l’identification de la forme physiologique majoritaire du peptide PapR (correspondant à l’heptapeptide, PapR7), la comparaison de l’activité des formes penta et heptapeptidiques a tout d’abord été entreprise. A l’exception du groupe II où l’heptapeptide est 6,5 fois plus actif, les penta et heptapeptides présentent un niveau d’activité similaire (Bouillaut et al., 2008). Afin d’étudier la spécificité des systèmes PapR/PlcR, une souche de chaque groupe, contenant une fusion transcriptionnelle plcA::lacZ dans son génome, a alors été complémentée avec les quatre heptapeptides considérés au sein des groupes identifiés. Bien que chaque paire légitime PapR/PlcR se soit avérée être plus spécifique, la présence d’un cross-talk plus ou moins important entre les groupes I, II et III a pu être démontré. Néanmoins, les niveaux d’activité de deux peptides activant les régulons PlcR des groupes apparentés ne sont pas forcément identiques. A titre d’exemple, bien que le peptide PapRI active le régulon PlcR du groupe III, le peptide PapRIII en revanche n’induit que faiblement le régulon PlcR du groupe I. Par ailleurs, aucune cross- activation n’a été décrite pour le groupe IV, phylogénétiquement plus éloigné (Bouillaut et al., 2008).

2.2.3.5 Un régulon impliqué dans la virulence

L’implication du régulon PlcR dans la virulence de B. cereus ou B. thuringiensis a été démontrée in vivo. En effet, une mutation dans le gène plcR conduit à une forte diminution de la virulence de ces deux bactéries chez l’insecte ou des mammifères tels que le lapin ou la souris (Callegan et al., 2003; Salamitou et al., 2000). Par ailleurs, la virulence de la bactérie chez l’insecte est également diminuée dans des mutants des gènes papR et oppB (Gominet et al., 2001; Slamti and Lereclus, 2002).

2.2.4 Le système peptides phéromones / PrgX chez Enterococcus faecalis: