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Chapitre 3 : Les régulateurs transcriptionnels de la famille des Rgg 45

2.  Les protéines Rgg « stand-alone » 45 

2.4  Les protéines MutR et LasX : production de bactériocines 52 

Les régulateurs Rgg ont été décrits comme intervenant dans la production de peptides antimicrobiens appelés bactériocines. Ces molécules, de par leur large spectre d’action, sont utilisées comme agents conservateurs dans les aliments inhibant ainsi le développement de bactéries indésirables.

2.4.1 La mutacine I, II et III chez Streptococcus mutans

Chez S. mutans, la production de bactériocines appelées « mutacines » est un facteur de virulence facilitant la dominance de cette espèce au sein de la plaque dentaire. Plusieurs mutacines, appartenant au groupe des lantibiotiques, ont été caractérisées chez cette bactérie ; on retrouve ainsi les mutacines I, II et III, synthétisées sous la forme de précurseurs subissant ensuite diverses maturations et/ou modifications post-traductionnelles. A titre d’exemple, la mutacine II est issue d’un précurseur de 53 acides aminés incluant une séquence signale contenant un motif double glycine reconnu lors du processus de maturation (Woodruff et al., 1998).

L’étude des voies de biosynthèse de ces bactériocines a été entreprise par l’équipe de W. Caufield et F. Qi. De premiers travaux ont tout d’abord montré que la synthèse de la mutacine II était sous le contrôle d’un cluster de gènes composés de 7 cadres ouverts de lecture mutRAMTFEG (Figure 33). L’analyse de la séquence a par ailleurs révélé la présence de deux régions promotrices putatives en amont des gènes mutR et mutA et d’un terminateur de transcription entre ces deux gènes. Aucune région promotrice n’a été identifiée entre les autres gènes du locus dont les cadres ouverts de lecture se chevauchent (Chen et al., 1999). Deux unités de transcription (opéron mutR et opéron mutAMTFEG) ont

Figure 34 – Représentation schématique des régions promotrices des gènes mutA et mutR impliqués dans la voie de biosynthèse de la mutacine II chez Streptococcus mutans (d’après Qi

et al., 1999b).

Les régions répétées inversées identifiées (IR-1, IR-2 et IR-3) sont indiquées par les flèches et les régions répétées directes (DR I, DR II et DR III) par des encadrés.

Figure 35 – Modèle proposé pour le contrôle de l’expression de la mutacine I par LuxS chez

Streptococcus mutans (Merritt et al., 2005).

ensuite été identifiées au sein du cluster (Qi et al., 1999a). Le gène mutR étant un homologue du gène rgg chez S. gordonii, la protéine MutR a alors été proposé comme régulateur de l’opéron permettant la synthèse de la mutacine II. Cette hypothèse a ensuite été démontrée par extension d’amorces en analysant le taux de transcrits du gène mutA dans la souche sauvage et son mutant isogénique ΔmutR (Qi et al., 1999a). Trois régions répétées inversées ont par ailleurs été identifiées dans la région promotrice du gène mutA. En revanche, aucune région répétée inversée ou répétée directe n’a été observée dans le cas de la région promotrice du gène mutR. Aussi, par la présence d’une région -10 étendue et l’absence de région -35, les auteurs ont suggéré une expression constitutive de ce dernier (Figure 34) (Qi et al., 1999a).

D’autres études, portant cette fois-ci sur les voix de biosynthèse des mutacines I et III, ont montré la présence de clusters composés respectivement de 11 et 8 cadres ouverts de lectures (mutRAA’BCDPTFEG et mutRAA’BCDPT) (Figure 33). La comparaison des voix de biosynthèse de la mutacine I et III a révélé : (i) 99% de similitude au niveau de la séquence ADN comprenant la séquence du gène mutR et la région intergénique mutR/mutA (Qi et al., 2000) et, (ii) 62% d’identité et 79% de similarité entre les protéines MutR des mutacines II et III (Qi et al., 1999b). Ainsi, de par ces similarités de séquence et d’organisation génétique, MutR des mutacines I et III assurerait la même fonction que MutR de la mutacine II. Ceci a été validé via l’utilisation d’un système rapporteur pour la biosynthèse de la mutacine I (Kreth et al., 2004). En effet, les auteurs ont montré que l’expression de la fusion mutA::gusA était abolie dans un mutant du gène mutR en comparaison à la souche sauvage. Enfin, MutR n’étant pas similaire aux autres régulateurs (de bactériocines) connus, il a été suggéré que les gènes de biosynthèse des mutacines aient été acquis par transfert horizontal à partir d’une autre espèce et que seulement le gène rgg pourrait avoir évolué au sein de l’espèce S. mutans (Qi et al., 1999b).

Plus récemment, un mécanisme de régulation de type QS, décrit sur le locus de la mutacine I, a été mis en évidence suite à l’observation de l’induction du gène mutA à haute densité cellulaire. Ce système fait intervenir la protéine LuxS (impliquée dans la biosynthèse de l’autoinducteur 2) qui contrôle négativement l’expression d’un régulateur appelé IvrA (Inducible repressor of virulence), lui-même répresseur de MutR (Figure 35) (Merritt et al., 2005). Ceci serait la deuxième démonstration d’une régulation de type QS contrôlant la synthèse d’une bactériocine chez S. mutans ; la première contrôlant la synthèse de la mutacine IV (appartenant au groupe des non-lantibiotiques) via le système à deux composants ComCDE chez cette bactérie (Kreth et al., 2005).

Figure 36 – Le locus de la lactocine S chez Lactobacilles sakei (d’après Skaugen et al., 2002 et

Rawlinson et al., 2002).

(A) Organisation génétique de la voie de biosynthèse de la lactocine S. Les couleurs utilisées

indiquent les fonctions dans lesquelles les gènes sont impliqués : régulation, pre-pro-mutacine,

modifications post-traductionnelles, processing, transport, immunité, inconnue.

(B) Représentation schématique des régions promotrices des gènes lasX et lasA. Les régions

répétées directes (DR I, DR II et DR III) et la séquence de 19 pb, nécessaire à la fixation du régulateur à l’ADN sont respectivement identifiées par des encadrés gris et rouge. L’utilisation de la couleur rouge fait référence au gène lasX, le bleu au gène lasA.

2.4.2 La lactocine S chez Lactobacillus sakei

Chez Lactobacillus sakei, la production de la lactocine S, peptide antimicrobien appartenant au groupe des lantibiotiques, a également été décrite dépendante d’un régulateur de la famille des Rgg dont la voie de biosynthèse, opéron lasA-W, est présentée dans la Figure 36A. A la différence des voies de biosynthèse décrites pour les lantibiotiques produits par S. mutans, l’opéron lasXY – nécessaire à la production de la lactocine S et localisé en amont de l’opéron lasA-W – est transcrit de manière divergente (Figure 36A). Aussi, des analyses de Northern blot n’ayant pas permis de révéler des transcrits lasA dans un mutant du gène lasX en comparaison à la souche sauvage, le produit du gène lasX (rgg- like) a été décrit comme nécessaire à l’expression de l’opéron lasA-W (Skaugen et al., 2002). L’identification des démarrages de transcription a par ailleurs mis en évidence un chevauchement des régions promotrices des gènes lasX et lasA, et l’analyse de la région intergénique a révélé la présence de 3 séquences répétées directes heptanucléotidiques (Figure 36B) (Skaugen et al., 2002). Aussi, LasX pourrait être une protéine bifonctionnelle, activant la transcription de l’opéron lasA-W et réprimant la transcription de l’opéron lasXY. Cette hypothèse fut confirmée, en système hétérologue, par l’utilisation de fusions transcriptionnelles couplant les promoteurs PlasA-W ou PlasXY au gène gusA, codant une β- glucuronidase chez Escherichia coli (Rawlinson et al., 2002). LasX fut alors le premier régulateur Rgg décrit comme réprimant l’expression de son propre gène. Enfin, des analyses de retards sur gel ont permis de déterminer une séquence de 19 pb considérée comme minimale pour la fixation du régulateur LasX à l’ADN. Cette séquence comprenant la deuxième séquence répétée directe souligne que cette dernière est requise pour l’activation de l’opéron lasA-W (Figure 36B) (Rawlinson et al., 2005).