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Chapitre 2 : La communication cellulaire de type quorum-sensing 17

2.  Le QS chez les bactéries à Gram positif 18 

2.1  Détection extracellulaire des peptides autoinducteurs 18 

2.1.3  La compétence chez Streptococcus pneumoniae : le système comCDE 21 

La régulation de la compétence pour la transformation génétique, chez les streptocoques du groupe mitis et anginosus, implique un système de communication cellulaire, résumé dans la Figure 11. Ce système, étudié en détails chez S. pneumoniae, requiert la production d’un peptide phéromone appelé CSP (Competence-Stimulating Peptide). CSP est codé sous la forme d’un précurseur de 41 acides aminés par le gène comC et possède dans sa partie N-terminale une séquence signale lui conférant un adressage à la membrane et contenant un motif double glycine (GG) (Håvarstein et al., 1995). La maturation et la sécrétion de CSP sont prises en charge par un ABC-transporteur, appelé ComAB, décrit comme essentiel pour

Figure 11 – Représentation schématique du système comCDE chez Streptococcus pneumoniae.

La phéromone CSP est codée par le gène comC et maturée au cours de son export par ComAB. Sa reconnaissance par le senseur membranaire ComD (histidine kinase d’un système à deux composants) assure la phosphorylation du régulateur de réponse ComE qui, en se fixant sur un motif appelé « comE box », assurera la transcription des gènes de compétences précoces. Aussi, l’expression de ComX, régulateur central de la compétence, permettra la transcription des gènes tardifs de compétence et d’allolyse, en se fixant sur un motif appelé « cin box » localisé dans la région promotrice de ces derniers.

le développement de la compétence (Hui et al., 1995). Par ailleurs, ComA, possèdant un domaine protéolytique conservé identifié pour le clivage des peptides contenant un motif GG, assure la maturation de CSP et ComB sa sécrétion (Håvarstein et al., 1995). Aussi CSP correspond à un heptadecapeptide non modifié et présente une charge globale positive (Tableau 4) (Håvarstein et al., 1995). La détection de CSP est réalisée par une histidine kinase d’un système à deux composants, ComD, dont la partie N-terminale, variable sur 80 résidus, est proposée pour la reconnaissance et la liaison de CSP (Håvarstein et al., 1996). La liaison de CSP à son récepteur membranaire ComD provoquerait l’autophosphorylation de ce dernier puis le transfert du phosphate produit au régulateur de réponse ComE (Martin et al., 2010; Pestova et al., 1996b). Une fois phosphorylé, ComE active la transcription des gènes de compétence précoces en se fixant au niveau de deux séquences répétées directes de 9 pb, localisées dans la région promotrice des gènes cibles (Ween et al., 1999). Aussi, ComE induit l’expression des opérons comAB et comCDE dans un mécanisme de rétrocontrôle positif. ComE est également requis pour l’expression du gène comX (facteur sigma alternatif) décrit comme régulateur central de la compétence et nécessaire à l’activation des gènes de compétence tardifs (Lee and Morrison, 1999). ComE contrôle également l’expression du gène comW, dont le produit intervient dans la stabilisation (prévention contre la protéolyse) et l’activation de ComX (Luo et al., 2004; Sung and Morrison, 2005). Cette protéine est donc requise, au même titre que ComX, pour l’expression des gènes tardifs de compétence. Par ailleurs, ComX régule l’expression de ses gènes cibles en se fixant sur une séquence régulatrice conservée, appelée cin box (competence induiced, ou com box), localisée en position -10 (Figure 11) (Campbell et al., 1998). Le déclenchement de la compétence est un phénomène en deux temps où l’expression de comCDE se fait en amont des gènes tardifs (régulon « cin »). Ceci provoque une induction décalée des gènes « cin » 5 min après l’expression du régulon ComE (Alloing et al., 1998). La compétence est par ailleurs décrite comme un phénomène transitoire qui se déclenche en début de phase exponentielle de croissance et s’arrête 20 min après son induction (Alloing et al., 1998). Des analyses de Northern blot ont suggéré la présence d’un/de mécanisme(s) impliqué(s) dans l’arrêt de la compétence. En effet, il a été montré que la transcription de comCDE et des gènes « cin » était diminuée malgré la présence de CSP (Alloing et al., 1998). Ce(s) mécanisme(s) reste(nt) à ce jour inconnu(s) bien que le système à deux composants CiaRH ait été décrit comme jouant un rôle dans l’arrêt de la compétence en impactant de manière indirecte (et probablement via HtrA) l’expression de l’opéron comCDE (Figure 11) (Johnsborg and Håvarstein, 2009). Enfin, la compétence semble également être modulée par le transporteur d’oligopeptides AmiCDEF. En effet, il a été montré qu’un mutant des 3 protéines affines (AmiA, AliA et AliB) associées à ce transporteur altère le profil d’induction de la compétence (Alloing et al., 1994; Alloing et al.,

Tableau 4 – Le peptide CSP de Streptococcus pneumoniae.

Précurseur Forme mature

Codé par Nom Taille Séquence Taille

1996). De plus, une déficience complète de la transformation est observée avec un mutant simple du gène aliB (Alloing et al., 1996). Aussi, bien que le transporteur Ami ne soit pas requis pour l’induction de la compétence, la détection de signaux environnementaux via celui-ci semble néanmoins pouvoir influencer l’expression de l’opéron comCDE (Figure 11).

En parallèle de la régulation des gènes requis pour la transformation génétique, ComX contrôle également un phénomène d’allolyse (Figure 11), également appelé « pneumococcal fratricide », provoquant une lyse des cellules non-compétentes par les cellules compétentes d’une même souche (Claverys and Håvarstein, 2007). Ce phénomène aboutissant à la libération d’ADN dans le milieu extracellulaire serait à l’origine d’un meilleur échange génétique et pourrait asservir un phénomène de compétition intra-souches. Il n’est, par ailleurs, pas exclu que le relargage de facteurs de virulence lors de l’allolyse contribue à la pathogénicité des souches (Claverys and Håvarstein, 2007). Plusieurs gènes et un opéron ont été décrits comme impliqués dans ce phénomène et impliquent un système codant des bactériocines (cibABC) et trois gènes codant des hydrolases de paroi (lytA, cbpD et lytC codant respectivement une autolysine, une muréine hydrolase et du lysozyme) (Guiral et al., 2005; Kausmally et al., 2005). Les bactériocines CibAB ont été décrites comme étant le facteur déclenchant de l’allolyse en s’intégrant dans la membrane des cellules non- compétentes, les rendant alors plus sensibles et vulnérables à l’action des différentes hydrolases (Guiral et al., 2005). L’expression de ces gènes de lyse (mis à part lytC) est par ailleurs contrôlée par ComX. Deux gènes codant des facteurs d’immunité, cibC et comM, protègent les cellules compétentes des « killing » facteurs qu’elles produisent (Guiral et al., 2005; Håvarstein et al., 2006). Bien que cibC soit régulé par ComX, l’expression de comM est quant à elle dépendante de ComE et assure par conséquent en amont, une protection des cellules compétentes contre les « killing » facteurs (Claverys et al., 2006). Enfin, l’induction d’une troisième classe de gènes dits « retardés » et impliquant 14 gènes de réponses au stress suggère que la compétence induirait un stress temporaire aux cellules bactériennes (Claverys et al., 2006). Aussi, l’induction de la compétence pouvant être générée par l’utilisation d’antibiotiques connus pour engendrer une réponse de type SOS chez les bactéries (telles que E. coli), il a été proposé que CSP ne soit pas un effecteur du QS à proprement parler mais une alarmone transmettant un stimulus de stress aux cellules bactériennes (Claverys et al., 2006; Prudhomme et al., 2006).

L’état physiologique transitoire des cellules où s’entremêle l’expression des gènes de compétence, d’allolyse et de réponse au stress a été appelé le « X-state » (Claverys et al., 2006).

Figure 12 – Organisation génétique des systèmes Com et Blp chez Streptococcus pneumoniae et Streptococcus mutans (d’après Martin et al., 2006).

Aparté :

En 2006, la distribution phylogénétique des gènes de compétences a souligné la conservation universelle de comX chez les streptocoques et les Lactobacillales et une distribution limitée du système comCDE (décrit ci-dessus) aux streptocoques du groupe mitis et anginosus (Martin et al., 2006). De plus, les gènes com décrits comme contrôlant la compétence chez S. mutans ont constitué une deuxième classe de systèmes de compétence paralogues à comABCDE chez S. pneumoniae (Figure 12) (Martin et al., 2006). En effet, Martin et ses collaborateurs ont montré que le système com décrit chez S. mutans présente une plus forte homologie et une organisation génétique similaire à celle d’un locus impliqué dans la biosynthèse d’une bactériocine chez S. pneumoniae (locus blp) (Figure 12).

Bien que de nombreuses études proposent que la compétence soit contrôlée via le système com chez S. mutans, l’analyse des résultats proposés et la caractérisation de certains éléments de régulation suggèrent a contrario l’existence d’un autre mécanisme de régulation pour ce phénomène. En effet, les gènes comCDE de S. mutans décrits comme impliqués dans le phénomène de compétence chez cette bactérie, ne semblent néanmoins pas essentiels à l’établissement de ce phénomène. En effet, seulement une diminution du nombre de transformants a été obtenue dans des mutants simples des gènes comC, comD et comE (Li et al., 2001; Petersen et al., 2005). De plus, l’identification d’un motif com box dans la région promotrice des gènes tardifs de compétence révèle une régulation de ces gènes via ComX (Li et al., 2001). Néanmoins, l’absence d’un motif ComE box dans la région promotrice de ComX renforce l’hypothèse d’un autre mécanisme nécessaire à l’activation de ce facteur de transcription (Van der Ploeg, 2005). Enfin, alors que l’induction des gènes tardifs de compétence chez S. pneumoniae est rapide, celle des gènes de S. mutans nécessite un délai de 2h malgré l’ajout de CSP dans les surnageants de culture (Kreth et al., 2005). Aussi, l’ensemble de ces résultats souligne premièrement que la phéromone CSP n’est pas le signal requis au déclenchement du phénomène et deuxièmement l’absence de lien direct entre ComE et ComX. Par ailleurs, aucun homologue de comW n’a été détecté chez S. mutans (Martin et al., 2006). Aussi, la transcription de comX est en faveur d’un autre mécanisme de régulation, lequel sera mis en évidence en 2011 par Federle et ses collaborateurs. Ce mécanisme impliquant un régulateur transcriptionnel appartenant à la famille des Rgg est décrit dans le chapitre 3 de cette introduction bibliographique. Aussi, le mécanisme de QS décrit par CSP chez S. mutans serait principalement impliqué dans la production de bactériocines, la formation de biofilm et la tolérance au stress acide (Li et al., 2002; Van der Ploeg, 2005).