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Chapitre II : Gliomes, Glioblastome Multiforme et Néovascularisation

C. Néovascularisation dans les Glioblastomes

3. Transdifférenciation vasculaire des GSC

Des travaux récents ont ainsi démontré la capacité des GSC à se transdifférencier en cellules vasculaires : deux idées s’opposent. Certaines publications favorisent la transdifférenciation endothéliale, alors que d’autres infirment ces observations et favorisent l’idée d’une transdifférenciation péricytaire (Figure 28).

a. La transdifférenciation endothéliale des GSC

Les premières preuves expérimentales de la transdifférenciation endothéliale des cellules tumorales découlent d’études basées sur l’analyse d’échantillons de patients dans le contexte des mélanomes et neuroblastomes (Pezzolo et al. 2007; Pisacane, Picciotto, and Risio 2007).

Dans les neuroblastomes (NB), Pezzolo et collègues ont combiné l’immunofluorescence des marqueurs endothéliaux CD31 et CD105 avec l’hybridation in situ par fluorescence (IF-FISH) du locus MYCN, gène communément amplifié dans les NB. Ils ont tout d’abord observé des CE amplifiées pour MYCN sur des coupes de patients ; dans des proportions corrélant au grade des tumeurs, et ont notamment écarté la possibilité d’une

transdifférenciation péricytaire. Après xénogreffes sous-cutanées de lignées cellulaires de NB, ils ont également observé que le réseau vasculaire pouvait être formé de cellules tumorales (Pezzolo et al. 2007). La contribution spécifique du phénotype CSC fut par la suite proposée dans le cancer du sein (Bussolati et al. 2009), et dans le cancer de l’ovaire selon un mécanisme indépendant du VEGF (Alvero et al. 2009).

Dans les GBM, deux publications concomitantes ont démontré la capacité des GSC à se transdifférencier en « véritables » CE (Ricci-Vitiani et al. 2010; Wang et al. 2010). Les deux études ont utilisé la technique d’IF-FISH et ont observé directement sur des coupes la présence de CE aux aberrations génétiques, notamment une amplification du locus EGFR. Ces travaux ont également démontré cette plasticité in vitro après dissociation de biopsies de GBM, et suggèrent que les vaisseaux ont une origine majoritairement tumorale après xénogreffes de GSC. In vivo, Ricci-Vitiani et collègues ont utilisé un système élégant de ciblage sélectif des CE dérivées des GSC (système Tie2-tk) ; et observent en conséquence une réduction et dégénération des tumeurs après xénogreffes. Ces données suggèrent une contribution majeure de la transdifférenciation endothéliale à la progression tumorale (Ricci-Vitiani et al. 2010). D’autres études antérieures ont également analysé ces phénomènes in

vitro : les GSC sont capables de former des structures tubulaires en matrice de matrigel,

notamment dans un milieu de culture endothélial, et sous l’influence de l’hypoxie (Zhao et al. 2010). La transdifférenciation endothéliale pourrait impliquer des progéniteurs multipotents transitoires comparables à des EPC ; néanmoins ces hypothèses n’ont pas été formellement validées (Zhao et al. 2010; Dong et al. 2011; Zheng et al. 2013). La plasticité endothéliale des GSC a été directement corrélée à la chimiorésistance, et impliquerait des mécanismes moléculaires indépendants du VEGF (Soda et al. 2011). Le lien entre transdifférenciation endothéliale et chimiorésistance a également été démontré dans le contexte des carcinomes hépatocellulaires (Marfels et al. 2013).

Au contraire, d’autres publications ont réfuté l’hypothèse d’une transdifférenciation endothéliale par les GSC. En effet, par l’utilisation de marqueurs fluorescents distinguant les CE des GSC, il a été montré que ces deux types cellulaires sont capables de fusionner, suggérant des artéfacts potentiels dans les études précédentes (El Hallani et al. 2014). La transdifférenciation endothéliale a aussi été réfutée dans les carcinomes hépatocellulaires (Ghanekar et al. 2013).

Au niveau moléculaire, cette reprogrammation des GSC demeure encore imprécise, notamment en ce qui concerne les facteurs de transcription impliqués. Très récemment, le facteur LMO2 ; qui est central durant la spécification hématopoïétique et endothéliale ; a été démontré comme potentiel inducteur du phénotype vasculaire endothélial des GSC via régulation directe de l’expression de la VE-Cadhérine. De plus, LMO2 est exprimé chez les

INTRODUCTION

patients atteints de GBM, mais les auteurs n’ont pas examiné l’origine tumorale ou non de ces cellules (Kim et al. 2015). Dans d’autres contextes, des effecteurs transcriptionnels précis de cette plasticité ont été identifiés, notamment l’axe Twist1-Jagged1/KLF4 dans des lignées HNC (head and neck cancer cell lines) (Chen et al. 2014), et le complexe SOX9-ER81 dans les tumeurs mammaires (Endo et al. 2008).

L’hypothèse d’une transdifférenciation endothéliale des GSC n’est pas encore formellement admise, et nécessite des travaux pour approfondir les mécanismes moléculaires sous-jacents à cette plasticité. Ces observations dans le contexte tumoral font également miroir à la plasticité des NSC envers les lignages vasculaires (Introduction, Chapitre I). De futures études dans le contexte des GBM devront notamment examiner l’implication d’effecteurs moléculaires physiologiques intervenant au cours de la spécification vasculaire embryonnaire.

b. La transdifférenciation péricytaire des GSC

D’autres travaux favorisent plutôt l’hypothèse d’une transdifférenciation péricytaire des GSC. Des études préliminaires ont notamment montré la capacité de lignées cellulaires de glioblastome à se différencier en cellules mésenchymateuses (Tso, Shintaku, et al. 2006) ; et qu’une sous-population de GSC est capable de se différencier vers les lignages chondro-ostéogéniques (Ricci-Vitiani et al. 2008). Etant donné les similitudes entre péricytes et cellules mésenchymateuses (Introduction, Chapitre I), la question d’une plasticité péricytaire a été posée et démontrée dans plusieurs publications (Figure 28).

En 2010, El Hallani et collègues observent qu’une fraction de GSC CD133- est capable de se transdifférencier en cellules de muscle lisse in vitro pour former des tubules s’apparentant à du « vascular mimicry » (VM) (El Hallani et al. 2010). En 2012, une autre publication a notamment montré que la transdifférenciation des GSC en cellules murales est majoritaire en comparaison de la transdifférenciation endothéliale, et que ce processus implique l’expression et l’activité du récepteur VEGFR2 (Scully et al. 2012).

En 2013, le groupe de J Rich a formellement validé l’hypothèse d’une transdifférenciation des GSC en « véritables » péricytes. Par une étude in vivo utilisant des rapporteurs fluorescents de l’activité du promoteur de gènes péricytaires (ĮSMA et desmine), ils ont prouvé qu’une fraction de GSC se différencie en péricytes et intéragit très fortement avec les vaisseaux de l’hôte. De plus, ils ont réfuté l’hypothèse d’une transdifférenciation endothéliale, en utilisant des rapporteurs spécifiques du lignage endothélial. Leurs observations ont été confirmées directement chez les patients, notamment par la détection en IF-FISH de cellules EGFR amplifiées/PTEN délétées

exprimant le marqueur ĮSMA. Au niveau moléculaire, l’axe TGFȕ permettrait le recrutement vasculaire des GSC transdifférenciées, par l’intermédiaire du chimiotactisme SDF1/CXCR4. Enfin, par ciblage sélectif de ces GSC transdifférenciées (ou G-péricytes), ils ont observé une réduction significative de la croissance des tumeurs en greffes orthotopiques. Les G-péricytes seraient donc cruciaux à la progression tumorale, notamment par leur stabilisation du réseau vasculaire endothélial (Cheng et al. 2013).

Les modalités moléculaires de cette plasticité sont encore obscures. Une étude récente a analysé les conséquences du traitement des GSC par le BMP4 : selon les doses, celui-ci induirait différents effets sur la différenciation des GSC. Ainsi, des doses faibles favoriseraient un phénotype neuronal ou astrocytaire ; alors que des doses fortes favoriseraient un phénotype musculaire lisse (Videla Richardson et al. 2015).

A l’opposé de ces travaux, certains groupes ont réfuté la transdifférenciation péricytaire et ont notamment montré après xénogreffes que la majorité des péricytes tumoraux étaient dérivés de l’hôte (Svensson et al. 2015). La formation de cellules hybrides résultant de la fusion entre GSC et péricytes endogènes a également été démontrée, et suggère aussi de potentiels artéfacts expérimentaux (Caspani et al. 2014).

La transdifférenciation péricytaire des GSC apparait centrale dans la vascularisation et la croissance des GBM, au même titre que la transdifférenciation endothéliale. Ces deux processus pourraient notamment expliquer la résistance des GSC, et de futures études sont nécessaires pour élucider les mécanismes complexes de cette plasticité neurovasculaire.

INTRODUCTION

Figure 28 – La transdifférenciation vasculaire des GSC au sein de la niche périvasculaire : opposition entre la transdifférenciation endothéliale et la transdifférenciation péricytaire et effecteurs moléculaires impliqués (d’après (Guelfi et al. 2016)).

Chapitre III : Voie de Signalisation Notch dans