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Chapitre II : Gliomes, Glioblastome Multiforme et Néovascularisation

B. Le Glioblastome Multiforme

2. Altérations moléculaires dans les glioblastomes

De manière comparable à d’autres cancers, la gliomagénèse implique des évènements mutationnels intrinsèques caractéristiques. Ceux-ci induisent l’oncogénèse des cellules en activant leur prolifération et en favorisant leur survie par inhibition de l’apoptose. Ces altérations réduisent la dépendance aux facteurs de croissance des cellules ; rendent constitutivement actives des signalisations oncogéniques et enfin inhibent des programmes suppresseurs de tumeurs.

L’hétérogénéité morphologique des GBM est également retrouvée au niveau moléculaire et pourrait expliquer l’échec des thérapies actuelles. Au cours de cette dernière décennie, l’analyse génomique à haut débit de réseaux oncogéniques a permis de clarifier la complexité moléculaire des GBM. De ces travaux ont émergé des processus moléculaires récurrents, mais également des signatures moléculaires spécifiques.

a. Principales dérégulations génétiques des glioblastomes

Deux études cruciales ont ainsi permis de mieux comprendre le paysage génomique complexe des GBM et ont révélé trois signalisations majoritairement activées dans ce contexte (Figure 17) (TCGA 2008; Parsons et al. 2008) :

x La signalisation RTK/RAS/PI3K/AKT

Elle est altérée dans 88% des cas et favorise la prolifération, la survie et l’invasion des cellules tumorales. Cet axe implique l’activation constitutive d’un récepteur tyrosine kinase membranaire, le plus fréquent étant le récepteur EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor) ; la transduction du signal par des effecteurs protéiques intracellulaires comme RAS, PI3K et AKT ; et enfin la régulation transcriptionnelle des gènes cibles (Van Meir et al. 2010).

INTRODUCTION

x La signalisation p53

Elle est affectée dans 87% des cas et conduit principalement à l’inhibition du programme apoptotique dans les cellules tumorales. En effet, la protéine p53 est un effecteur majeur du contrôle du cycle cellulaire qui permet la réparation de l’ADN ou l’amorçage de l’apoptose en cas de situation irréversible. Cette protéine est donc inhibée dans les GBM, notamment par la surexpression des protéines MDM2 et MDM4 (Van Meir et al. 2010).

x La signalisation pRB

Elle est affectée dans 77% des cas et induit la perte du contrôle du cycle cellulaire dans les cellules tumorales. En effet, la phosphorylation de la protéine Rb est cruciale au contrôle des « checkpoints » du cycle cellulaire : celle-ci est donc hyperactivée dans les GBM, notamment par la suractivation de kinases comme CDK4 et CDK6 (Van Meir et al. 2010).

Les analyses cytogénétiques complémentaires confirment les mutations de ces réseaux de gènes par l’identification de remaniements chromosomiques importants. Des délétions de locus de gènes suppresseurs de tumeurs sont fréquemment observées. La perte d’hétérozygotie (LOH) la plus fréquente est celle du chromosome 10 : elle peut concerner le chromosome entier, son bras long ou bien uniquement le locus contenant le gène PTEN, un inhibiteur de l’axe RTK/AKT. D’autres délétions ont été mises en évidence, comme celles des gènes P53, CDKN2A/B, RB1 et NF1 (Chen, McKay, and Parada 2012). Au contraire, l’amplification chromosomique de locus de gènes oncogéniques est aussi fréquente : la plus commune est l’amplification du chromosome 7 qui contient le locus EGFR. Les locus des gènes PI3K, PDGFRA, CDK4, MDM2 sont aussi sujets à amplification chromosomique (Beroukhim et al. 2007) (Figure 17).

Plus récemment, il a été montré que la délétion hétérozygote du gène NFKBIA, un inhibiteur de la signalisation NFțB, est retrouvée dans environ 25% des GBMs. NFKBIA code pour la protéine IțBĮ qui en conditions basales séquestre le facteur de transcription NFțB (p50/p65) dans le cytoplasme et inhibe donc l’expression de gènes contrôlant la croissance et l’infiltration tumorale. Une déficience en IțBĮ (NFKBIA) active constitutivement l’axe NFțB et serait également dépendante de l’amplification du récepteur EGFR (Bredel et al. 2011) (Figure 17).

Figure 17 - Principales altérations moléculaires dans les GBM (d’après (Chen, McKay, and Parada 2012)) : les oncogènes activés sont représentés en rouge, les suppresseurs de tumeur inhibés sont représentés en bleu.

b. Les mutations IDH1 et IDH2

L’implication des mutations IDH1 et IDH2 dans la gliomagénèse constitue une avancée majeure de ces dernières années, et a provoqué la surprise de la communauté scientifique (Parsons et al. 2008). Les gènes IDH1 et IDH2 codent pour les isocitrate déshydrogénases, des enzymes métaboliques du cycle de Krebs qui convertissent l’isocitrate en Į-cétoglutarate (Į-KG). Les mutations très spécifiques R132 pour IDH1 et R172 pour IDH2 confèrent aux enzymes une activité « néomorphique » oncogénique : celles-ci catalysent la production du 2-hydroxyglutarate (2-HG) au dépend de l’Į-cétoglutarate (Dang et al. 2010; Reitman, Parsons, and Yan 2010). Le 2-HG se comporterait comme un oncométabolite. Il pourrait notamment favoriser la croissance et l’angiogénèse tumorale en inhibant la dégradation du facteur HIF-1Į (Zhao et al. 2009). La prédominance du 2-HG par rapport au Į-KG pourrait également altérer le profil de méthylation de l’ADN et de certaines histones, ce qui influerait sur l’expression de gènes cruciaux de l’oncogénèse (Noushmehr et al. 2010; Xu et al. 2011). Etant donné les substrats multiples des enzymes du métabolisme, les mutations IDH1/2 pourraient affecter d’autres processus cellulaires contribuant à la gliomagénèse (Figure 18).

INTRODUCTION

La mutation IDH1 est retrouvée dans 70 à 90% des gliomes de grades II/III alors qu’elle concerne 12% des GBM, majoritairement les GBM secondaires (Parsons et al. 2008; Yan et al. 2009). La mutation IDH2 est également détectée mais moins fréquemment, et elle est absente dans les GBM primaires (Yan et al. 2009). La détection génétique du statut IDH1 muté est cruciale au diagnostic et à la classification des gliomes selon les règles dictées par l’OMS. La mutation est aussi un marqueur pronostic favorable lié à une meilleure survie des patients (Sanson et al. 2009).

Figure 18 - Les mutations IDH1 et IDH2 et leur conséquences dans la progression des gliomes (d’après (Chen, McKay, and Parada 2012)).

c. Modifications épigénétiques

La plus importante dans les GBM affecte l’expression du gène MGMT qui code pour une enzyme de réparation de l’ADN. Le promoteur de ce gène est fréquemment hyperméthylé, ce qui inhibe son expression et donc son rôle protecteur des dommages à l’ADN (Esteller et al. 2000). Dans les GBM, cette méthylation est corrélée à un meilleur pronostic et à une meilleure réponse thérapeutique au TMZ (Hegi et al. 2005). Dans 70% des GBM, l’hyperméthylation du gène SFRP, codant pour un ligand antagoniste de Wnt, est également observée. Sa répression transcriptionnelle favorise indirectement la prolifération cellulaire en permettant l’activation de la voie Wnt (Gotze et al. 2010).