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Chapitre II : Gliomes, Glioblastome Multiforme et Néovascularisation

B. Le Glioblastome Multiforme

5. Les cellules souches de glioblastome

Le concept de cellules souches cancéreuses (CSC) a été introduit pour la première fois dans le contexte des tumeurs hématopoïétiques (Bonnet and Dick 1997). Ce modèle propose qu’au sein d’une tumeur, seule une sous-population de cellules serait capable de donner naissance aux autres cellules tumorales. Ces cellules alors dénommées cellules souches cancéreuses (CSC) ; partagent des propriétés communes aux cellules souches saines et sont définies par des critères stricts (Figure 22) ; à savoir 1-leur auto-renouvellement ; 2-leur capacité quasi-illimitée à proliférer ; 3-leur multipotence et 4-leur potentiel tumorigène in vivo après transplantations (Reya et al. 2001). Les CSC seraient donc à l’origine de l’hétérogénéité tumorale selon un modèle hiérarchique ; et présentent un intérêt considérable du fait de leur résistance aux thérapies anti-cancéreuses. De nombreuses terminologies sont employées pour désigner ces cellules, certaines pouvant prêter à confusion par rapport aux critères définissant les CSC. Par exemple, le terme « cellule initiatrice de tumeur » renvoie directement à l’idée de la cellule à l’origine de la tumeur. Hors les CSC ne doivent pas être confondues avec la cellule d’origine d’une tumeur; et sont plutôt définies comme les cellules qui maintiennent et propagent une tumeur déjà formée (Chen, McKay, and Parada 2012). Le modèle des CSC a par la suite été étendu aux tumeurs solides, notamment dans le cancer du sein (Al-Hajj et al. 2003) et dans les GBM

INTRODUCTION

(Ignatova et al. 2002; Galli et al. 2004; Singh et al. 2004). Pour désigner les CSC isolées à partir des GBM, nous emploierons la terminologie GSC, pour glioblastoma stem-like cell.

Figure 22 - Propriétés cardinales des GSC (d’après (Lathia et al. 2015)) : Les GSC sont définies par des critères fonctionnels stricts qui incluent l’auto-renouvellement, le maintien de la prolifération, et les capacités tumorigènes après transplantation, qui correspond au test fonctionnel définitif. Les GSC partagent aussi des caractéristiques communes aux cellules souches somatiques: la fréquence dans la tumeur, l’expression de marqueurs spécifiques, et la capacité de multipotence.

b. Isolement et identification

Depuis plusieurs années, la culture des GSC est réalisée selon le modèle des neurosphères. A l’origine, cette technique a été utilisée pour isoler les cellules souches de cerveaux murins. Ces cultures en suspension et en milieu riche en facteurs de croissance (EGF, bFGF) se rapprocheraient davantage des conditions réelles in vivo de maintien des cellules souches. Ce système permet notamment d’apprécier in vitro leurs propriétés de prolifération et auto-renouvellement, ainsi que leur multipotence après retrait des facteurs de croissance et ajout de sérum (Reynolds and Weiss 1992). Cette méthode a ensuite été transposée au contexte tumoral, et a permis d’isoler les GSC directement à partir de biopsies de patients (Vescovi, Galli, and Reynolds 2006) (Figure 23). Le modèle des neurosphères est néanmoins critiqué et d’autres méthodes en monocouches ont aussi été proposées pour entretenir in vitro les GSC (Pollard et al. 2009).

De nombreux marqueurs sont aussi utilisés pour les identifier ; la plupart étant également exprimé dans les cellules souches neurales saines et caractéristiques de l’état indifférencié des cellules. L’usage d’un marqueur unique de GSC fait actuellement débat. En effet, des travaux récents tendent à prouver que les GSC constituent une population de cellules hétérogène (Rennert et al. 2016); ce qui remet en question l’isolement de ces cellules à partir d’un marqueur unique. Parmi ces marqueurs, on retient les protéines de surface telles que CD133, A2B5, CD15 et CD44 ; les protéines intracellulaires comme la nestine ; ou encore les facteurs de transcription SOX2, OLIG2, BMI1 et ASCL1 (Lathia et al. 2015) (Figure 22).

Enfin, une analyse fonctionnelle in vivo après transplantation est nécessaire pour valider leurs capacités tumorigènes. Ceci constitue le critère définitif à leur identification en « bonne et due » forme (Figure 22).

Figure 23 - Isolement des GSC à partir de biopsies humaines de GBM (d’après (Vescovi, Galli, and Reynolds 2006)).

c. Régulations intrinsèques et extrinsèques des GSC

Les GSC subissent des régulations à la fois intrinsèques de par leur nature cancéreuse, mais également extrinsèques de par l’environnement qui les entoure. Les facteurs intrinsèques incluent notamment l’instabilité génomique ainsi que des régulations épigénétiques et métaboliques spécifiques. Les facteurs extrinsèques incluent les signaux fournis par les niches tumorales, le microenvironnement cellulaire et le système immunitaire de l’hôte. La coordination fine de ces régulations permet le maintien et la résistance de la population de GSC ; tout en favorisant leurs propriétés tumorigènes (Lathia et al. 2015).

INTRODUCTION

d. Chimio/Radiorésistance

Les GSC seraient déterminantes dans les récidives et dans l’échec des thérapies actuelles. En effet, leur résistance aux chimiothérapies et radiothérapies a été démontrée dans plusieurs études (Bao, Wu, McLendon, et al. 2006). Les GSC présenteraient une activation exacerbée des points de contrôle des dommages à l’ADN via les protéines ChK1 et ChK2 (checkpoint kinases 1 et 2); ainsi qu’une augmentation de l’efficacité des mécanismes de réparation de l’ADN (Rich 2007). Elles surexpriment également des gènes de la famille des transporteurs ABC (ATP binding cassette) qui permettent l’efflux des agents de chimiothérapies (Liu et al. 2006).

e. Hétérogénéité des GSC

Les différentes techniques d’isolement des GSC entre différents groupes de recherche révèlent que ces cultures sont très hétérogènes. Cette hétérogénéité est hautement dépendante des paramètres expérimentaux pris en compte lors de l’identification des GSC. Néanmoins, elle peut aussi être considérée comme un reflet de l’hétérogénéité moléculaire des GBM. En effet, plusieurs publications ont montré des différences phénotypiques in vitro rappelant les différences moléculaires in vivo de la tumeur dans son ensemble; notamment des cultures au phénotype plus proneural, ou des cultures au phénotype plus mésenchymateux (Chandran et al. 2015). Ces différences favoriseraient différentes fonctions des GSC, notamment des capacités invasives ou angiogéniques différentes. Plus récemment, il a également été démontré par des techniques génomiques à l’échelle d’une cellule ; que plusieurs sous-types de GSC pouvaient co-exister au sein d’une même tumeur, suggérant aussi une hétérogénéité intratumorale des GSC (Rennert et al. 2016). L’hétérogénéité des GSC pourrait aussi refléter différentes cellules d’origine putatives des GBM (Siebzehnrubl et al. 2011). Ceci complique grandement le ciblage spécifique des GSC, qui peuvent alors être considérées comme des « cibles mouvantes » aux identités multiples (Nakano 2015).