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Spécification vasculaire dans le SNC et établissement de l’unité neurovasculaire

B. Spécification des cellules neurales et vasculaires au cours de l’embryogénèse

3. Spécification vasculaire dans le SNC et établissement de l’unité neurovasculaire

La vascularisation embryonnaire du SNC implique deux grands mécanismes : la vasculogénèse des angioblastes, permettant la formation du plexus vasculaire primitif puis perineural ; et l’angiogénèse aboutissant au plexus vasculaire intraneural.

a. Vasculogénèse et spécification artério-veineuse

Les cellules souches à l’origine des vaisseaux sont des progéniteurs issus du mésoderme latéral qui prolifèrent pour former les ilots vasculo-sanguins dans le sac vitellin, et l’aorte dorsale dans l’embryon. Les cellules endothéliales primordiales ou angioblastes, vont tout d’abord former par vasculogénèse active le plexus vasculaire primitif, un réseau de tubules irrégulier et désorganisé. Ce réseau doit tout d’abord s’étendre et se remodeler dynamiquement pour aboutir à des structures vasculaires matures. Tout comme les cellules neuroépithéliales, les angioblastes sont soumis à des contraintes spatio-temporelles et des signaux moléculaires qui vont dicter l’acquisition d’un phénotype endothélial spécifique de l’organe vascularisé, et une identité artérielle, veineuse ou lymphatique (Corada, Morini, and Dejana 2014).

IHH, FGF2 et BMP4 sont des signaux moléculaires précoces sécrétés par l’endoderme viscéral qui assurent la spécification du mésoderme et l’engagement vers une identité endothéliale. Un autre facteur de croissance majeur sécrété par l’endoderme est le VEGF, précisément le VEGF-A dont le dosage précis est requis pour activer ses récepteurs respectifs VEGFR1 et VEGFR2, et réguler la survie et la prolifération des angioblastes

(Marcelo, Goldie, and Hirschi 2013). L’état prolifératif des angioblastes est aussi négativement régulé par la signalisation de l’acide rétinoique RA et la voie du TGFȕ, cascades activées également par l’endoderme viscéral. L’identité artérielle ou veineuse des CE est par la suite définie par l’expression antagoniste et mutuellement exclusive des Ephrines (Eph) en aval de la signalisation Notch-Dll4-Hey1-Hey2. Précisément, EphB2 détermine une identité artérielle alors que EphB4 spécifie l’identité veineuse (Lawson et al. 2001). Les récepteurs Nrp interviennent aussi dans la spécification artério-veineuse (Nrp1 pour les artères, Nrp2 pour les veines) (Corada, Morini, and Dejana 2014).

Concernant le contrôle transcriptionnel de cette spécification, plusieurs facteurs ont été impliqués. Ils comprennent notamment les familles des bHLH, des E-twenty six (ETS), des GATA, des Krupped-like factor (Klf), et des forkhead (FOX) (Corada, Morini, and Dejana 2014). Etv2, facteur de transcription de la famille ETS, est considéré comme un régulateur majeur de l’identité des angioblastes (Koyano-Nakagawa et al. 2012) et a récemment été montré comme suffisant à l’induction d’une transdifférenciation endothéliale de fibroblastes

in vitro (Morita et al. 2015). En coopération avec FOXC, Etv2 active l’expression spécifique

des gènes endothéliaux par fixation sur une séquence ci régulatrice spécifique (motif FOX :ETS). Le facteur de transcription COUP-TFII serait également déterminant de l’identité veineuse (Corada, Morini, and Dejana 2014) (Figure 5).

Figure 5 - Spécification des cellules endothéliales primordiales (ou angioblastes) et spécification artério-veineuse (d’après (Marcelo, Goldie, and Hirschi 2013).

INTRODUCTION

b. Angiogénèse du SNC embryonnaire

Spécifiquement dans le SNC, le plexus vasculaire primitif est remodelé pour former le plexus vasculaire périneural qui entoure le tube neural par colonisation des angioblastes. Cette vasculogénèse active permet la spécification des principales artères et veines cérébrales. Puis, les angioblastes vont pénétrer de manière tangentielle dans le parenchyme neural vers la zone sous-ventriculaire pour constituer le plexus vasculaire intraneural. Cette vascularisation intraneurale de régions précises du cerveau s’effectue principalement par bourgeonnement angiogénique, la formation de nouveaux vaisseaux à partir de vaisseaux pré-éxistants (Walchli et al. 2015) (Figure 6). L’angiogénèse est un processus très dynamique qui implique différentes étapes, notamment :

x La rupture des jonctions serrées entre les cellules endothéliales du vaisseau existant. x La dégradation de la membrane basale.

x La migration d’une cellule « tip » en association avec les cellules «stalk » qui prolifèrent. x Le contact et l’anastomose entre les prolongements de deux cellules « tip ».

x La stabilisation de la structure vasculaire par les péricytes. x Le recrutement des acteurs clé de la BHE.

Au niveau moléculaire, l’angiogénèse implique des signalisations moléculaires communes à celles de la vasculogénèse, à savoir les axes VEGF-Nrp1, Notch-Dll4, les Ephrines et TGFȕ (Marcelo, Goldie, and Hirschi 2013). La signalisation des Angiopoiétines (Ang1/2) et Récepteurs Tie est quant à elle spécifique de l’angiogénèse : elle implique la sécrétion des angiopoiétines, des cytokines qui se fixent sur les récepteurs Tie et déclenchent un programme pro- ou anti-angiogénique. Le récepteur Tie2 est exprimé majoritairement par les cellules endothéliales. L’Ang2 sécrétée par les cellules endothéliales a un effet déstabilisateur et pro-angiogénique; alors que l’Ang1 stabilise les CE et est sécrétée par les péricytes (Armulik, Genove, and Betsholtz 2011; Thurston et al. 1999). Les CE angiogéniques « tip » sécrètent également le PDGF-BB qui permet le recrutement et la prolifération des péricytes via activation du PDGFRȕ (Sweeney, Ayyadurai, and Zlokovic 2016). L’anastomose entre les branchements parallèles forme le plexus sous-ventriculaire, qui se situe proche de la zone ventriculaire VZ et des RGC en neurogénèse/gliogénèse active (Bjornsson et al. 2015). Les CE sont directement compétentes à assurer leur rôle de barrière par la formation des jonctions serrées, et les vaisseaux embryonnaires sont cohésifs de manière très précoce (Saunders, Liddelow, and Dziegielewska 2012). Le réseau vasculaire formé est par la suite stabilisé par les acteurs clé de la BHE, constituant donc l’unité

neurovasculaire spécialisée et hautement spécifique du SNC (Sweeney, Ayyadurai, and Zlokovic 2016).

Figure 6 - Angiogénèse cérébrale et formation du plexus intraneural à partir du plexus perineural (d’après (Walchli et al. 2015)) : INVP : Intraneural vascular plexus ; PNVP : Perineural vascular plexus.

c. Origine et spécification des péricytes

L’ontologie des cellules murales au cours du développement demeure très obscure, en raison de spéculations sur l’existence d’un précurseur mésenchymateux commun que l’on ne peut identifier formellement (Drake, Hungerford, and Little 1998). Ces précurseurs seraient en fait multiples et spécifiquement déterminés de manière régionalisée au cours du développement (Majesky et al. 2011).

Néanmoins, il a été montré que les cellules murales des structures cœlomiques sont dérivées du mésoderme (Armulik, Genove, and Betsholtz 2011). Dans le SNC, des expériences de chimérisation caille-poulet ont démontré que les péricytes du télencéphale dérivent du neurectoderme et des cellules de crête neurale ; alors que les péricytes du mésencéphale, tronc cérebral et moelle épinière proviennent majoritairement des cellules mésodermiques (Etchevers et al. 2001) (Figure 7).

Un processus commun de leur spécification implique une transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) de leur précurseurs mésodermiques, suivie de leur délamination, migration et enfin colonisation des sites de vasculogénèse active (Armulik, Genove, and Betsholtz 2011). Ces progéniteurs mésenchymateux pourraient acquérir leur identité au contact des progéniteurs endothéliaux par les différents signaux régulant leurs interactions (Armulik, Genove, and Betsholtz 2011).

INTRODUCTION

Figure 7 - Origines embryonnaires des péricytes du SNC (d’après (Winkler, Bell, and Zlokovic 2011)) : (1) les cellules de crête neurale dérivées du neurectoderme sont à l’origine des péricytes du prosencéphale ; (2) les cellules souches mésenchymateuses (MSC) du mésoderme sont à l’origine des péricytes du mésencéphale, tronc cérébral et moelle épinière ; (3) génération de péricytes à partir du réservoir local pré-existant ; (4) les cellules mésenchymateuse de la moelle osseuse et autres sources inconnues de péricytes aux stades post-nataux.

Les régulations moléculaires de leur spécification au cours de la vasculogénèse embryonnaire demeurent encore imprécises. En effet, la plupart des études se placent dans un contexte pathologique qui ne reflète pas forcément la situation physiologique de leur croissance. Au cours de l’embryogénèse et le stade post-natal, la prolifération et l’expansion des péricytes du SNC s’effectuent via un recrutement longitudinal qui est intimement intriqué avec le réseau vasculaire en expansion. Notamment, la sécretion de PDGF-BB par les CE semble majeure pour le recrutement des péricytes via la signalisation PDGFRȕ (Lindahl et al. 1997; Sweeney, Ayyadurai, and Zlokovic 2016).

La régulation transcriptionnelle de l’identité péricytaire demeure à ce jour largement méconnue, notamment car très peu de régulateurs spécifiques des péricytes ont été identifiés. Etant donné les ressemblances phénotypiques de ces cellules avec les cellules vasculaires lisses vSMCs, des facteurs communs sont exprimés dans les deux types cellulaires. La spécification des vSMCs est quant à elle bien caractérisée (Majesky et al. 2011). Des travaux récents ont démontré que le facteur de transcription Foxf2 est exprimé spécifiquement dans les péricytes du SNC. L’inactivation de ce gène par KO in vivo provoque des défauts sévères de la BHE, et la dérégulation des signalisations PDGFRȕ et TGFȕ (Reyahi et al. 2015).

L'expansion des péricytes est graduelle au cours du développement et durant la période post-natale, de manière concomittante à l’expansion des CE et des neurones.