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Chapitre 1 : Revue de la littérature

1.3 E2 : la protéine régulatrice des papillomavirus

1.3.4 Les fonctions de la protéine E2

1.3.4.1 La transcription des gènes viraux

En absence de la protéine E2, la transcription des gènes précoces des VPH est activée par des facteurs de transcription cellulaire qui vont lier des séquences en 5’ du promoteur précoce majeur et favoriser l’entrée de la machinerie de transcription. Ces facteurs dont Sp1, TBP, AP-1, E2F2, Oct-1, c-Jun, C/EBP-α et C/EBP-β, induisent l’expression des gènes viraux dans les cellules non-différenciées de l’épithélium à partir du promoteur précoce, le maintenant constitutivement actif et ainsi, permettant la production du facteur de régulation E2 (Bernard, 2002; Hummel et al., 1992; Rohlfs et al., 1991; Wooldridge and Laimins, 2008). La protéine E2 est un facteur de transcription qui s’associe aux séquences palindromiques ACCgNNNNcGGT retrouvées dans le LCR. La modulation de la transcription par E2 s’effectue lorsque cette dernière s’associe à ces sites de reconnaissance tout en interagissant directement ou indirectement avec les facteurs cellulaires nécessaires à la transcription ou bien, en empêchant ces facteurs de lier les séquences en 5’ du promoteur.

Pour la majorité des papillomavirus à haut risque oncogénique, nous retrouvons quatre sites de liaison par la protéine E2 dans la région de régulation tandis que chez le VPB1, 12 sites ont été localisés dans le LCR. En liant ses sites, la protéine E2 du VPB1 va fortement activer le promoteur précoce responsable des transcrits codant pour les gènes E6, E7, E1, E2, E4 et E5. Par contre, les études effectuées sur E2 des VPH ont démontré que la protéine possède plutôt un rôle de répresseur de la transcription virale. Les sites de liaison par la protéine E2 chez les VPH sont positionnés de façon conservée, où les sites numéro un et deux sont juxtaposés et à une distance de 50 nucléotides en amont du gène E6, tandis que les sites trois et quatre sont respectivement à 150 et 550 nucléotides du gène E6 (Figure 1.20).

Figure 1.20. Schématisation de l’activité transcriptionnelle de E2.

Chez les VPH à haut risque oncogénique, 4 sites de liaison par la protéine E2 sont retrouvés le LCR. L’occupation de ces sites par le facteur de transcription viral va définir l’inhibition ou l’activation de la transcription des gènes viraux par l’ARN polymérase II.

La conséquence biologique de l’interaction entre E2 et ses sites varie selon l’ordre d’occupation de ces séquences d’ADN, et aura un impact direct sur le cycle viral car E2 régule l’expression des gènes E6, E7, E1 et E2 lui-même. Ainsi, la liaison par E2 aux sites un, deux et trois, seuls ou en combinaison, mène généralement à une inhibition de la transcription des transcrits précoces. Cette répression du promoteur est causée par le déplacement de facteurs de transcription comme TBP et Sp1 par compétition avec leurs sites de liaison se trouvant à proximité ou chevauchant les sites de liaison par E2 (Demeret et al., 1997; Newhouse and Silverstein, 2001; Soeda et al., 2006; Stubenrauch et al., 1998b; Thierry and Howley, 1991). E2, liant le site numéro quatre, promeut l’augmentation du niveau des transcrits des oncogènes (Dong et al., 1994; Rapp et al., 1997; Steger and Corbach, 1997). Il est à noter que l’interruption du gène E2 lors de l’intégration de l’épisome dans le génome de l’hôte va initier la transcription active des oncogènes menant à l’accumulation excessive des protéines E6 et E7, un phénotype associé au cancer. Le degré d’affinité que possède E2 pour chacun de ces sites aura aussi un impact sur l’activité transcriptionnelle du régulateur des papillomavirus. Par exemple, E2 du VPH16 possède une très grande affinité pour le site 4 et une plus faible association pour les sites 1 et 2.

Ainsi, une basse concentration de E2 favorisera le site numéro 4 et une augmentation de la transcription sera remarquée tandis qu’une haute concentration de E2 inhibera la transcription des oncogènes (Sanders and Maitland, 1994). Malgré l’affinité et la spécificité de E2 pour ses sites de liaison dans le LCR, d’autres facteurs vont aussi influencer la modulation de la transcription de l’épisome viral. Ainsi, certaines protéines s’associent à des séquences spécifiques dans le LCR et vont activer ou inhiber la transcription selon l’état de différenciation cellulaire comme Sp1 et Sp3 (Apt et al., 1996). Il ne faut pas oublier l’état compacté de l’épisome viral par la présence de nucléosomes qui subiront des modifications par les histones-acétyletransférases (HAT) et déacétylases (HDAC) permettant ou pas la transcription. Finalement, la méthylation des cytosines des îlots CpG retrouvées dans le génome viral vont aussi influencer la transcription ainsi que la réplication virale. Il a été observée que la méthylation dans les E2BS empêche sa liaison et inhibe la transcription des oncogènes et que l’état de méthylation varie selon la différenciation cellulaire (Kim et al., 2003b).

Certains papillomavirus codent pour des versions tronquées de la protéine E2 qui contiennent le DBD de la protéine (E8^E2C et E2-TR). Ces protéines sont surtout associées à la répression de la transcription par leur capacité à lier l’ADN sans recruter les facteurs nécessaires à l’activation car le domaine d’interaction entre ces composants et E2, le TAD, est manquant. Le TAD est le domaine qui interagit avec l’hélicase E1 afin de promouvoir la réplication de l’épisome, ainsi qu’avec des facteurs cellulaire favorisant la transcription virale, comme la protéine Brd4 (Abbate et al., 2004; Abbate et al., 2006; Benson and Howley, 1995; Wu and Chiang, 2007). L’interaction entre la protéine E2 du VPB1 et Brd4 a été définie, dans un premier temps, essentielle à la ségrégation de l’épisome viral lors de la mitose (You et al., 2004; You et al., 2005). Des analyses subséquentes ont montré que cette interaction était aussi importante pour l’activation et la répression des gènes viraux (Baxter et al., 2005; McPhillips et al., 2006; Schweiger et al., 2006; Senechal et al., 2007;

Wu et al., 2006). Des études de mutagenèse ont permis de séparer les fonctions de réplication et de transcription de la protéine E2 et plus particulièrement, les substitutions de l’arginine 37 et de l’isoleucine 73 par une alanine, abolissent la capacité de E2 d’activer ou de réprimer la transcription sans affecter la réplication du génome viral (Abroi et al., 1996; Breiding et al., 1996; Brokaw et al., 1996; Cooper et al., 1998; Ferguson and Botchan, 1996; Grossel et al., 1996; Nishimura et al., 2000; Sakai et al., 1996). De plus, ces mutations empêchent l’interaction entre les protéines Brd4 et E2, soutenant l’idée que Brd4 est un facteur essentiel à l’activité transcriptionnelle de E2 (Ilves et al., 2006; Senechal et al., 2007). Il ne faut pas oublier que ces deux résidus seraient aussi impliqués dans la formation d’un dimère de E2 favorisant le rapprochement des sites de liaison par E2 retrouvés dans le LCR, et d’activer la transcription virale (section 1.3.1.1). L’importance de cette surface d’interaction pour l’activité transcriptionnelle de E2, a poussé une équipe à produire un peptide codant pour le C-terminal de Brd4 qui lie spécifiquement la protéine E2 dans la région comprenant les résidus R37 et I73. L’ajout de ce peptide en présence des protéines E2 et Brd4 a pour effet d’affecter négativement la ségrégation et la transcription du génome viral tout en stabilisant la protéine E2, ouvrant la voie à une nouvelle approche thérapeutique contre les infections au VPH (Abbate et al., 2006; Gagnon et al., 2009; Schweiger et al., 2006).

Plusieurs études ont été entamées afin de découvrir si la protéine E2 des papillomavirus était en mesure d’influencer directement l’activité transcriptionnelle des gènes cellulaires. Entre autre, une équipe a analysé si la protéine E2 du VPB1 s’associait à des régions spécifiques des chromosomes humains. Ils ont faiblement exprimé la protéine E2 dans la lignée cellulaire C33A (cellules du col utérin) pour ensuite, effectuer une immunoprécipitation de la chromatine suivi d’une hybridation sur des puces d’ADN (chIP- Chip) contenant les régions promotrices de 23000 gènes. Ils conclurent que la protéine E2 lie les régions transcriptionnellement actives, sans toutefois influencer le niveau de

transcription ainsi que le recrutement des autres facteurs de transcription (Jang et al., 2009). Aussi, cette même étude a observé la présence simultanée de la protéine E2 et du facteur cellulaire Brd4 dans les régions promotrices. Étant donné l’absence d’activité transcriptionnelle, ils conclurent que cette interaction entre E2 et Brd4 au sein des promoteurs actifs assure que le génome viral est retenu dans les domaines actifs du noyau afin d’échapper à la répression génique (Jang et al., 2009). Une autre étude a analysé la présence et la fonctionnalité des sites de liaison par la protéine E2 du VPH11 (E2BS) au sein du génome humain. Leurs études informatiques ont indiqué que la plupart des sites sont retrouvés dans les régions répétées du génome et que leur séquence espaceur (N dans ACCgNNNNcGGT) est composée surtout de guanines et de cytosines (G et C) plutôt que des adénines et des thymines (Vosa et al., 2012). En utilisant E2 du VPH11 afin d’immunoprécipiter la chromatine, ils ont pu déterminer eux aussi, que E2 s’associait au niveau des régions transcriptionnellement actives de la chromatine. Par contre, cette liaison ne présentait que très peu ou pas d’effet sur la transcription des gènes cellulaires. Ils conclurent que la préférence de E2 pour un domaine espaceur riche en adénines et thymines, assurait une liaison spécifique au génome viral plutôt qu’à l’ADN cellulaire empêchant ainsi, des changements importants dans la transcription des gènes cellulaires en réponse à la protéine virale (Vosa et al., 2012). Une autre analyse, a remarqué que le niveau d’interleukine-10 (IL-10) exprimé dans les cellules de l’épithélium du col utérin de patientes atteintes de dysplasie, était anormalement élevé comparativement à celui des cellules du col de l’utérus normal (Bermudez-Morales et al., 2008; Clerici et al., 1997; Diaz-Benitez et al., 2009; El-Sherif et al., 2001). Aussi, l’expression d’IL-10 est directement reliée au degré de sévérité des lésions utérines associées à une infection au VPH (Clerici et al., 1997). Ces indications suggèrent que l’IL-10 est produite par les cellules de l’épithélium du col utérin en réponse à une infection au VPH ou par l’entremise des protéines virales. Des analyses de la région régulatrice de l’IL-10 ont montré qu’en plus des sites de liaison de facteurs de transcription cellulaire, il y avait la présence d’un site de liaison par la protéine E2 des VPH (Kube et al., 1995). Récemment, une équipe a démontré

par retard sur gel que la protéine E2 du VPH s’associe à ce site dans la région de contrôle de l’IL-10 et que cette interaction résulte à une augmentation de l’activité transcriptionnelle. De plus, la présence de E2 dans les cellules épithéliales du col de l’utérus induit une production du transcrit en ARNm de l’IL-10. Cette étude suggère que la protéine E2 serait responsable de l’augmentation de l’IL-10 dans les cellules infectées afin de créer un environnement privé d’une réponse immunitaire locale, un des rôles associés à l’IL-10 (Bermudez-Morales et al., 2011). De la même façon, la protéine E2 du VPH8 active la transcription du promoteur de la métalloprotéinase-9 de la matrice des kératynocytes humains (MMP9), une composante associée à la croissance tumorale des cancers de la peau (Akgul et al., 2011).