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Chapitre 1 : Revue de la littérature

1.3 E2 : la protéine régulatrice des papillomavirus

1.3.4 Les fonctions de la protéine E2

1.3.4.4 L’apoptose

Il est connu que la surexpression de la protéine E2 des VPH à haut risque, telles que les VPH16 et -18, induit l’apoptose, par contre, selon les études, ce facteur de transcription viral y est impliqué de différentes façons. Tout d’abord, il a été démontré que l’expression cytoplasmique de la protéine E2 des VPH à haut risque tels que VPH16 et -18, induit l’apoptose (Blachon et al., 2005; Klucevsek et al., 2007). De plus, la production de la protéine E2 d’un virus à faible risque oncogénique dans le cytoplasme va aussi induire l’apoptose, suggérant que la localisation cytoplasmique de la protéine E2 est un pré-requis pour mener à la mort cellulaire programmée (Blachon et al., 2005).

La surexpression de la protéine E2 dans les cellules transformées par un VPH de haut risque mais où le gène codant pour E2 est interrompu telles que les cellules SiHa et HeLa, va induire l’apoptose (Desaintes et al., 1997; Parish et al., 2006b; Sanchez-Perez et al., 1997). La mort cellulaire programmée est amorcée lorsque la protéine E2 lie ses sites de liaison dans le LCR, empêchant ainsi les facteurs de transcription cellulaire TBP et Sp1 de

E2 E2BS

s’associer à la région de contrôle. Cette liaison a pour effet de réprimer la transcription des oncogènes E6 et E7 et permettre l’accumulation du suppresseur de tumeur p53 qui déclenche l’apoptose (Demeret et al., 1994; Desaintes et al., 1997; Desaintes et al., 1999; Dong et al., 1994; Dostatni et al., 1991; Dowhanick et al., 1995; Tan et al., 1992). Il a été aussi démontré que la protéine E2 des VPH16, -18 et -31 peut provoquer l’apoptose dans les cellules non-infectées par un VPH. En effet, Frattini et al. ont utilisé un adénovirus recombinant exprimant la protéine E2 du VPH31 qu’ils ont introduite dans les cellules CIN 612-9E ayant la capacité de maintenir l’épisome viral sur une longue période. Cette surexpression de E2 a déclenché un arrêt du cycle cellulaire en phase S avec l’apparition de cellules ayant moins d’ADN, une caractéristique de l’apoptose (Frattini et al., 1997). Webster et al. ont confirmé ces résultats en observant une augmentation des cellules apoptotiques dans les lignées non-transformées par des VPH mais dans lesquelles E2 est exprimée, suggérant que l’activité pro-apoptotique de E2 est indépendante du type cellulaire et des autres facteurs viraux tels les oncogènes (Webster et al., 2000). De plus, même si la protéine E2 du VBP1 exprimée dans les cellules HeLa génère la stabilisation de p53, la version tronquée du domaine N-terminal de E2 qui réprime l’expression des oncogènes, E2-TR, n’est pas en mesure d’initier l’expression de p53 et d’induire l’apoptose (Desaintes et al., 1997; Desaintes et al., 1999). Des analyses subséquentes ont montré que seul l’expression du domaine de transactivation de E2 est responsable de l’induction de l’apoptose indépendamment de son activité transcriptionnelle ainsi que la présence de la protéine p53 (Demeret et al., 2003; Desaintes et al., 1999; Webster et al., 2000).

Le déclenchement de la mort cellulaire programmée serait dépendant de la voie extrinsèque de l’apoptose. En effet, la protéine E2 du VPH18 active la caspase 8 par une interaction directe entre les acides aminés 27 à 53 de la deuxième hélice-α du domaine N- terminal de E2 et le domaine effecteur (death effector domain, DED) porté par la caspase 8 (Blachon et al., 2005; Demeret et al., 2003; Thierry and Demeret, 2008). Cette interaction

provoque l’oligomérisation de la caspase 8 et amorce une cascade menant à la mort cellulaire. Une autre étude a démontré, par l’utilisation d’un inhibiteur de la caspase 8, le Z- IETD-FMK, que l’induction de l’apoptose par la protéine E2 du VPH16 vient de l’activation de la caspase 3 via la caspase 8 (Wang et al., 2011). De façon un peu différente à ce qui avait été observé avec E2 du VPH18, ils ont observé par co-immunoprécipitation, une interaction entre E2 et c-FLIP. c-FLIP est un régulateur de la mort cellulaire impliqué dans la voie de signalisation des récepteurs de l’apoptose Fas/FasL. Le recrutement de c- FLIP au niveau du complexe de signalisation de la mort cellulaire (DISC, death-inducing signaling complex, complexe regroupant les domaines effecteurs) des récepteurs Fas, va inhiber l’activation de la caspase 8 en l’empêchant de s’associer au récepteur. Leur données suggèrent que l’interaction entre E2 et c-FLIP abolie les effets anti-apoptotiques de c-FLIP activant la caspase 8 et rendant ainsi la cellule sujette à l’apoptose via la voie Fas/FasL (Wang et al., 2011).

D’autres analyses ont montré une induction de l’apoptose mais contrairement à ce qu’il vient d’être vu, par une voie dépendante du suppresseur de tumeur p53 (Massimi et al., 1999; Parish et al., 2006b; Webster et al., 2000). Dans un premier temps, des essais d’interaction protéine-protéine in vitro de « GST pull-down » et de « far western », ainsi qu’in vivo par co-immunoprécipitation, ont démontré que le domaine de liaison à l’ADN de la protéine E2 du VPH16 interagit avec la protéine p53 (Massimi et al., 1999; Parish et al., 2006b). Cette interaction n’influence pas l’activité transcriptionnelle ainsi que la capacité à lier l’ADN des deux protéines. Aussi, le DBD de la protéine E2 portant les substitutions en alanines du tryptophane 341 (W341A) et des acides aspartiques 344 (D344A) et 338 (D338A) n’interagit plus avec p53 in vitro (Parish et al., 2006b). Cette protéine mutante est en mesure d’induire l’apoptose dans les lignées cellulaires transformées par le VPH mais, contrairement à la protéine sauvage, elle est incapable d’initier la mort cellulaire dans les cellules non-transformées par un VPH (Parish et al., 2006b). Ces données sur l’induction de

l’apoptose de façon dépendante de la protéine p53 selon le type cellulaire, suggèrent qu’il existerait deux mécanismes distincts véhiculés par E2. Le premier nécessiterait l’interaction directe entre le DBD de E2 et p53 dans les cellules transformées ou non par un VPH mais exprimant le suppresseur de tumeur. Le second utiliserait plutôt la réduction de l’expression des oncogènes par la liaison de E2 au niveau du LCR situé au sein du génome viral (Parish et al., 2006b).

Afin de réconcilier la manière que E2 utiliserait pour promouvoir l’apoptose soit de façon dépendante ou indépendante de p53, Bellanger et al. suggèrent que la voie dépendante de p53 s’effectuerait uniquement dans les cellules exprimant le suppresseur de tumeur, tandis que pour l’activation de la voie extrinsèque, où le TAD de E2 est requis, l’apoptose s’amorcerait autant dans les cellules exprimant ou pas p53 (Bellanger et al., 2011). À ce jour, l’implication de cette fonction de la protéine E2 dans le cycle viral n’est pas bien comprise. L’hypothèse la plus probable est que lorsque la protéine est exprimée en plus grande quantité au niveau des couches supérieures de l’épithélium, elle provoquerait l’apoptose des cellules et ainsi favoriserait la relâche des virions dans l’environnement.