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Chapitre 1 : Revue de la littérature

1.1 Description des papillomavirus

1.1.3 Traitements disponibles et en développements

1.1.3.2 Traitements en développement

Sachant que les traitements approuvés et offerts sur le marché ne permettent pas une guérison complète d’une infection aux VPH, il est essentiel d’explorer des méthodes alternatives pour diminuer le taux d’échec dans la lutte contre les condylomes et les lésions malignes causés par les papillomavirus. Plusieurs stratégies thérapeutiques sont en cours de développement et elles ciblent essentiellement les différentes phases de l’infection virale, soit l’attachement et l’entrée du virus, la réplication du génome viral et les oncogènes E6 et E7, ainsi que les protéines cellulaires interagissant avec les composantes virales des VPH (Bharti et al., 2009).

Une première stratégie envisagée est le développement de molécules ciblant les activités communes à tous les VPH comme la réplication virale. Par exemple, des inhibiteurs sont en développement pour tenter d’intervenir au niveau de l’interaction entre

les protéines virales E1 et E2, essentielles à cette activité. Entre autre, les inhibiteurs de la famille des indandiones, créés par Boehringer Ingelheim, ont montré une forte activité à contrer l’interaction entre E1 et E2 en s’associant spécifiquement et de façon réversible aux protéines E2 des VPH6 et -11 (Wang et al., 2004; White et al., 2003). Une autre tactique déployée est l’utilisation de polyamides qui bloquent l’interaction entre les protéines virales E1 et E2 et l’ADN, ce qui empêche l’initiation de la synthèse de l’ADN des VPH (Fisher, 2006).

Une voie intéressante est le développement d’inhibiteurs ciblant l’interaction entre les protéines virales des VPH et les protéines de l’hôte (revue dans (Fradet-Turcotte and Archambault, 2007)). Des inhibiteurs de la kinase essentielle à la prolifération cellulaire Cdk2, donnent de bons espoirs de traitement. Deux protéines des VPH sont connues pour interagir avec Cdk2, soit E1 et E7, et ces liaisons promeuvent la réplication virale, la prolifération cellulaire et l’instabilité génomique (Duensing and Munger, 2003a; Lin et al., 2000; Ma et al., 1999). D’autres inhibiteurs réduisent la propagation du génome viral en s’associant avec des co-facteurs de transcription cellulaire. Le co-facteur transcriptionnel Bromodomain-containing 4 (Brd4) est reconnu pour être le partenaire cellulaire majeur de E2 et cette interaction permet une ségrégation du génome viral dans les cellules en division ainsi qu’une activation de la transcription des oncogènes (revue dans (McBride et al., 2004; Wu and Chiang, 2007)). Une équipe a construit un peptide de la région C-terminale de la protéine Brd4 qui empêche l’interaction entre E2 et Brd4 et inhibe la ségrégation du génome viral ainsi que l’activité transcriptionnelle de E2 (Abbate et al., 2006; Schweiger et al., 2006).

L’utilisation des inhibiteurs des histones déacétylases de classe I (HDAC) est devenue une voie intéressante pour lutter contre les cancers car ils induisent la différenciation, l’arrêt de la croissance et l’apoptose chez différentes cellules cancéreuses.

De plus, ces inhibiteurs tels que le sodium butyrate, le phénylbutyrate et la trichostatine A, génèrent une très faible toxicité chez les cellules saines. Les HDAC sont des enzymes qui vont réguler négativement la transcription des gènes en enlevant un groupement acétyl retrouvé sur les acides aminés arginines et lysines localisés au sein de la queue des histones. Ce retrait permet une augmentation de la charge positive des histones et favorise un meilleur contact avec l’ADN chargé négativement, générant ainsi une condensation du matériel génétique. Des études ont montré que les inhibiteurs de HDAC utilisés pour le traitement des cancers du col de l’utérus vont provoquer l’arrêt du cycle cellulaire en G1/S en neutralisant les fonctions des oncogènes E6 et E7. Ce mode d’action fait intervenir l’augmentation de la transcription des inhibiteurs des kinases dépendantes des cyclines p21 et p27 tout en supprimant l’activité de cdk2 (Finzer et al., 2001; Finzer et al., 2003). De plus, il semble que les inhibiteurs des HDAC induisent l’apoptose en provoquant la dégradation de pRb sans affecter son partenaire E2F-1 qui s’accumule dans la cellule et peut alors activer la transcription du gène proapoptotique p73 (un homologue de p53) (Finzer et al., 2004). Récemment, une étude a démontré qu’un prétraitement avec des inhibiteurs des HDAC et le TNF-α dans les kératinocytes exprimant l’oncogène E7, va induire l’apoptose par la voie extrinsèque en réprimant la production de c-FLIP une protéine anti-apoptotique (Darvas et al., 2010). D’autres études sont nécessaires afin de mieux cerner le mécanisme d’action des inhibiteurs des HDAC au sein des cancers causés par les VPH mais cette voie thérapeutique reste prometteuse.

Des stratégies thérapeutiques ciblant les oncogènes viraux E6 et E7 des VPH à haut risque ont été mises de l’avant. Entre autre, des molécules antivirales sont utilisées pour inhiber la dégradation du suppresseur de tumeur p53 par la protéine E6 en bloquant l’association entre E6 et l’ubiquitine ligase E6AP qui forment un complexe menant à la destruction de p53 par le protéasome (revue dans (Fradet-Turcotte and Archambault, 2007)). En bloquant la dégradation de p53, ces molécules thérapeutiques permettent

l’augmentation de la quantité du suppresseur de tumeur dans la cellule infectée ce qui va mener à un arrêt du cycle cellulaire et subséquemment, l’apoptose. D’autres approches vont cibler directement l’expression des oncogènes par des ARN interférents ou des ribozymes. Le principe d’ARN interférent est basé sur la création de petits ARN (ARN interférents) qui vont s’associer spécifiquement à des ARN messagers (ARNm) provoquant la dégradation de ces derniers par le système d’interférence cellulaire. Ainsi, de petits ARN interférents (small interfering RNA, siRNA) et des ARN courts en épingle à cheveux (small or short hairpin RNA, shRNA) ont été créés afin de s’associer spécifiquement aux ARNm des oncogènes viraux E6 et E7 et de promouvoir la diminution de l’expression des oncogènes (revue dans (Bharti et al., 2009)). La déplétion de E6 et E7 génère une diminution de la croissance cellulaire ainsi qu’une inhibition de la formation de tumeurs dans un modèle murin (Steele et al., 1993; Steele et al., 1992; von Knebel Doeberitz et al., 1992). Par contre, le problème majeur rencontré avec l’utilisation des ARN interférents est qu’ils doivent être injectés localement et en grande quantité dû à leur instabilité. Afin d’améliorer la livraison des ARN interférents au niveau des noyaux des cellules malignes, des particules ressemblant au virus du VPH sont utilisées comme moyen de transport (Kirnbauer et al., 1993; Le Cann et al., 1994). Ces pseudovirions (virus-like particule, VLP) sont composés d’une agglomération de la protéine L1 de la capside des VPH dans lesquelles les ARN interférents, codés sur des vecteurs d’expression, ont été insérés (Bousarghin et al., 2009). En plus d’augmenter la spécificité de localisation, l’utilisation de pseudo-VPH permet de stimuler une protection immunitaire contre une réinfection par un VPH. Une autre façon élaborée afin de cibler les oncogènes viraux est l’utilisation des ribozymes qui sont des ARN ayant une activité catalytique pouvant cliver les ARNm sans requérir la présence du système d’interférence. De plus, une molécule de ribozyme peut lier et cliver plusieurs molécules d’ARNm permettant de réduire la dose.

Une autre méthode préconisée pour le traitement des lésions bénignes et malignes causées par les VPH est l’utilisation de vaccins thérapeutiques qui ont pour but d’activer les lymphocytes T envers les protéines virales E6 et E7 retrouvées dans les cellules pré- cancéreuses et malignes (Stern et al., 2000). Les essais cliniques qui sont présentement en cours utilisent des peptides des oncogènes E6 et E7 des VPH16 et -18 en présence d’un adjuvant servant à induire une réponse immunitaire innée. Ces protéines sont favorisées dû à leur caractère oncogénique et aussi à leur présence constante au cours de la progression en cancer du col utérin. De plus, ces protéines sont requises pour le maintien du phénotype transformé des cellules infectées (zur Hausen, 2002). Aussi, ces immunogènes sont responsables de la production d’une réponse immunitaire humorale mais surtout cellulaire en activant les lymphocytes T cytotoxiques et T auxiliaires (helper) qui sont requis pour permettre une régression des lésions cancéreuses (van der Burg and Melief, 2011). L’administration des vaccins thérapeutiques chez les animaux a démontré des résultats encourageants. Par contre, ces vaccins génèrent une réponse immunitaire de courte durée et demandent des rappels, en plus d’être dispendieux à préparer.

Beaucoup d’espoirs sont fondés sur les dérivés naturels de plantes qui ciblent notamment l’expression des gènes des VPH et induisent l’apoptose des cellules infectées (revue dans (Bharti et al., 2009)). Entre autre, le cumin et les polyphénols du thé vert semblent être des agents anti-oxydants possédant des activités anti-inflammatoires et anti- tumorales (Divya and Pillai, 2006). En 2006, un nouvel onguent à base de catéchines extraites du thé vert ayant des activités immuno-modulatoire, anti-proliférative et anti- tumorale, nommé Polyphenon-E, a été approuvé pour le traitement des verrues génitales (Tatti et al., 2010). Une crème à base de neem, un arbre venant d’Inde, est présentement en phase II d’étude clinique où elle montre une élimination du VPH16 dans 80% des cas (Shukla et al., 2009). Le carraghénane prévient l’entrée virale dans la cellule et a été suggéré comme un microbicide qui promet d’être efficace pour pallier aux infections aux

VPH (Marais, 2010). Par contre, il est important de noter que ces composés naturels ne sont pas spécifiques aux infections induites par les VPH et peuvent donc activer des processus cellulaires indésirables et non-caractérisés. Malgré la disponibilité d’une variété de traitements contre les infections aux VPH, la prévention et la recherche fondamentale sur les VPH sont les fondements pour contrer ce fléau.