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Chapitre 1 : Revue de la littérature

1.3 E2 : la protéine régulatrice des papillomavirus

1.3.4 Les fonctions de la protéine E2

1.3.4.3 La ségrégation du génome viral

Certains virus ont développé un mécanisme robuste afin de retenir leur génome dans le noyau des cellules infectées en division. Chez les papillomavirus, cette fonction est régie

E2BS

#4 #3 #2 #1

par la protéine E2. Suite à l’infection, le génome des papillomavirus se réplique à faible nombre de copies et est maintenu en tant qu’élément réplicatif extrachromosomique. Sous cette forme épisomale, l’ADN sera répliqué en même temps que celui de l’hôte. Par sa capacité à se lier à plusieurs sites spécifiques retrouvés dans le LCR via son DBD, E2 va s’attacher à l’épisome d’une part, et d’autre part, s’associera aux chromosomes ou aux fuseaux mitotiques par son TAD, avec ou sans l’intermédiaire de partenaires d’interaction (Abroi et al., 2004; Bastien and McBride, 2000; Ilves et al., 1999; Lehman and Botchan, 1998; Skiadopoulos and McBride, 1998; Van Tine et al., 2004). Ce mécanisme assure la propagation et le maintien du génome viral, pour une longue période, dans le noyau des cellules infectée et dans celui des cellules filles après chaque division cellulaire (Abroi et al., 2004; Piirsoo et al., 1996). Ce processus aide à conserver une infection persistante dans l’hôte en s’infiltrant dans les cellules basales qui sont le réservoir de cellules infectées ayant conservées leur capacité à se diviser et qui vont se différencier tout en migrant vers les couches supérieures de l’épithélium en propageant le virus.

Pour le VPB1, 12 sites de liaison par E2 sont retrouvés dans le LCR et forment l’élément de maintien du génome (MME, minichromosome maintenance element). La liaison de E2 par son DBD à au moins 8 de ces sites ainsi que l’origine de réplication minimale, sont suffisantes pour le maintien à long terme de l’épisome viral dans une cellule (Piirsoo et al., 1996). Le TAD de E2 du VPB1 va, quant à lui, s’associer aux chromosomes mitotiques de l’hôte tout au long de la mitose, en interagissant avec le domaine C-terminal de l’isoforme long de la protéine Brd4 (Abroi et al., 2004; Bastien and McBride, 2000; Skiadopoulos and McBride, 1998; You et al., 2004; Zheng et al., 2005). Brd4 contient deux bromodomaines qui s’associent aux histones acétylées des nucléosomes lui conférant une interaction avec la chromatine tout au long de la mitose. Il a été démontré que la forme dimérique de la protéine E2 est requise pour une interaction efficace avec Brd4 et avec les chromosomes de l’hôte (Cardenas-Mora et al., 2008). Ainsi, Brd4 va servir de pont entre le

complexe viral E2-épisome et l’ADN de l’hôte en mitose et permettre la ségrégation du génome viral (Abbate et al., 2006; Baxter et al., 2005; You et al., 2004).

Oliveira et al. ont fait des études de localisation de treize protéines E2 animales et humaines et ont découvert que neuf des protéines E2 étudiées, s’associent aux chromosomes mitotiques tout au long de la mitose comme la protéine E2 du VPB1 (Oliveira et al., 2006). Ils ont noté que certaines protéines E2 s’associaient de façon aléatoire aux chromosomes en mitose tandis que pour d’autres, une interaction plus localisée était observée. Cette différence a mené McPhillips et al. à découvrir que malgré l’association avec les chromosomes mitotiques et leur capacité d’interagir avec Brd4, les protéines E2 de différents genres n’utilisaient pas la protéine Brd4 comme intermédiaire d’interaction. De plus, l’utilisation de la protéine E2 du VPH31 portant les mutations empêchant l’interaction avec Brd4, était tout de même associées aux chromosomes mitotiques (McPhillips et al., 2006). Ainsi, certaines protéines E2 n’utilisent pas la protéine Brd4 pour leur association aux chromosomes mitotique. C’est le cas de E2 du VPH8, qui lie la région péricentromérique des chromosomes, et plus précisément, au niveau des locus d’ADN ribosomaux (McPhillips et al., 2006; Oliveira et al., 2006; Poddar et al., 2009). Des études subséquentes ont révélé que les 16 derniers acides aminés de la région charnière de la protéine E2 du VPH8 en présence du domaine de liaison à l’ADN, sont suffisants pour lier les chromosomes mitotiques (Poddar et al., 2009). Cette section de la région charnière contient un motif arginine-X-X-sérine (RXXS) où l’arginine et la sérine sont toutes deux requises pour l’association avec les chromosomes et ainsi, permettent la ségrégation de l’épisome viral dans les cellules infectées en division (Sekhar et al., 2010).

Oliveira et al. ont aussi analysé la localisation des protéines E2 du genre α- papillomavirus (VPH11, -16, -31 et -57). Ces dernières divergent du lot, en s’associant aux chromosomes mitotiques uniquement au stade précoce (prophase) et tardif (télophase) de la

mitose. Ces protéines E2 n’étaient pas visibles lors de la métaphase et l’anaphase, ou lorsqu’elles l’étaient, elles se situaient dans le cytosol. Oliveira et al. expliquent cette différence par l’absence d’un facteur viral ou cellulaire qui permettrait de stabiliser l’association de E2 aux chromosomes mitotiques (Oliveira et al., 2006). Ce résultat diffère de celui obtenu par Van Tine et al. où la protéine E2 du VPH11 est associée aux fuseaux mitotiques via une partie de son DBD (Van Tine et al., 2004). Cette association a été définie comme étant dynamique, identique à celle observée chez les protéines dites de passage, s’associant aux fuseaux mitotiques lors des phases tardives de la mitose afin de se retrouver dans les cellules filles après la division cellulaire (Dao et al., 2006). De façon similaire, il a été montré par microscopie qu’une faible quantité de la protéine E2 du VPB1 co-localisait au niveau des fuseaux mitotiques en s’associant avec la protéine MKlp2 (mitotic kinesin-like protein 2) (Yu et al., 2007). La fonction de cette protéine motrice est de transporter ou bien, de positionner des composantes cellulaires le long des microtubules lors de la mitose. Ainsi, il est possible que la protéine E2 du VPB1 se lie à MKlp2 afin de favoriser la ségrégation du génome viral. D’autres protéines cellulaires semblent être requises pour le partitionnement du génome viral. Tout d’abord, la protéine TopBP1 (topoisomerase II binding protein 1) est impliquée à différents niveaux lors de la transcription, la réplication de l’ADN et les processus de réparation de l’ADN (revue dans (Sokka et al., 2010)). Dans un premier temps, l’interaction entre la protéine E2 du VPH16 et le domaine C-terminal de TopBP1 a été identifiée et les auteurs avaient suggéré que leur association modulait les fonctions de transcription et de réplication de E2 (Boner and Morgan, 2002; Boner et al., 2002). Par la suite, une autre étude a montré que ces deux protéines co-localisaient sur les chromosomes mitotiques uniquement à un stade tardif de la mitose. Ces études suggèrent que la protéine TopBP1 aurait un rôle de récepteur pour E2 au niveau des chromosomes mitotiques et que l’association entre ces deux protéines serait importante dans la ségrégation du génome viral (Donaldson et al., 2007). L’hélicase ChlR1 est une autre protéine d’importance qui a été identifiée comme étant nécessaire à la ségrégation de l’épisome des papillomavirus. Cette protéine est associée au complexe de

cohésines impliqué dans la stabilisation des chromatides sœurs lors de la mitose (Hirota and Lahti, 2000; Parish et al., 2006c). Parish et al. ont démontré que la substitution du tryptophane 130 par une arginine (W130R) chez la protéine E2 du VPB1 empêchait l’interaction avec ChlR1 et ne permettait plus l’association de E2 avec les chromosomes mitotiques, malgré la capacité de E2 à lier Brd4 et TopBP1 (Feeney et al., 2011). Aussi, la diminution de la quantité de ChlR1 par ARN interférant, menait à la perte du génome viral (Parish et al., 2006a). Finalement, des études de FRET ont permis de définir que le complexe E2-ChlR1 s’associait uniquement au cours de la phase G1 et S du cycle cellulaire, au début de la mitose, suggérant que l’hélicase ChlR1 à pour rôle de charger le complexe E2-épisome sur les chromosomes mitotiques afin de permettre la ségrégation lors de la division cellulaire (Feeney et al., 2011). Cette interaction serait rompue pour permettre l’association de E2 à une autre protéine afin de rester attachée aux chromosomes en mitose.

Malgré ces variations, le mécanisme de ségrégation des génomes des papillomavirus reste commun et est véhiculé par la protéine E2 en association avec les chromosomes mitotiques, en complexe ou non avec d’autres partenaires cellulaires (Figure 1.21).

Figure 1.22. La ségrégation du génome viral par la protéine E2.

En liant l’épisome viral par son DBD et les chromosomes ou les fuseaux mitotiques via son TAD, la protéine E2 des papillomavirus permet la répartition du génome viral dans les cellules filles lors de la mitose. Pour plusieurs VP, la ségrégation de l’ADN viral se fait par l’interaction entre E2 et la protéine cellulaire Brd4, mais d’autres partenaires de E2 sont impliqués dans cette activité.