• Aucun résultat trouvé

Des entretiens ont été réalisés avec des groupes d’enfants et des enseignants (dans ce cas, il s’agit, à chaque fois, d’un échange individuel avec l’adulte) à l’issue des sorties. Enregistrés, ils ont ensuite été systématiquement et intégralement transcrits (Voir annexes 2 à 13).

4.1 Le passage de l’oral à l’écrit

La transcription d’un entretien pose un certain nombre de problèmes qui concernent notamment le passage d’une forme orale à sa traduction littérale et l’analyse issue de la lecture des écrits. En l’occurrence, la traduction de la forme originale orale en forme écrite consiste souvent à utiliser le code écrit en mettant des majuscules et une ponctuation avec des virgules et des points d'interrogation.

Au contraire, l’idée ici est d’adopter un système de transcription qui ne fait pas d'hypothèse de ponctuation en restant au plus près de la forme orale et en restituant ce qui en fait sa spécificité, c’est-à-dire en conservant et en transcrivant les répétitions, les hésitations ou les réticences (marquées par des interjections comme « heu », « hum », « bah »142…), les silences ou temps de pause (indiqués par une ou plusieurs barres obliques). La forme orale est marquée par des hésitations, des rectifications, des ruptures de ton et de construction, témoignages de la recherche par l’interviewé du terme juste et de sa préoccupation de formuler tel ou tel énoncé, tel ou tel processus. L’idée est de ne pas perdre ces éléments caractéristiques par rapport à l’énonciation en adoptant une manière de transcrire originale, en tout cas très peu présente dans les transcriptions d’entretien rencontrées143

.

Ce choix de transcription est aussi lié à l’âge des personnes enquêtées. En effet, plus les personnes dans ce genre d'entretien sont jeunes ou peu habituées aux codes de l'échange avec des adultes et plus les déperditions sont grandes dans une transcription « classique » par rapport à l'énonciation, c'est-à-dire qu'il peut manquer beaucoup d'hésitations et de ruptures de ton. Ainsi, par ces choix, je tente de garder le côté spontané dans les entretiens en restituant le plus fidèlement possible la forme orale et en gardant les marques de cette spontanéité telles que la vitesse, l’enchainement ou les temps de pause, la présence de nombreuses interjections.

142 « Heu » est une interjection qui peut exprimer le doute ou témoigner d’une réflexion à ce que l’on va dire.

« Bah » peut marquer l’évidence, le doute ou l’étonnement.

143 Les transcriptions « classiques » font habituellement apparaître la ponctuation. La méthode de transcription

132 Finalement, les « modifications » apportées par rapport à la forme orale sont limitées. Elles consistent par exemple à ajouter entre parenthèses un commentaire pour préciser une situation, un contexte, une information importante pour la bonne compréhension du lecteur. Des parenthèses encadrent aussi parfois des précisions sur les gestes importants qui sont en rapport avec des non-dits, un langage non verbal (hochements de tête...). Ces parenthèses peuvent contenir aussi des points de suspension symbolisant des propos incompréhensibles ou inaudibles.

Par ailleurs, le texte relatif à l’entretien mené avec des adultes a systématiquement été soumis à l’interviewé pour relecture, pour me signaler des erreurs éventuelles de transcription et pour approbation. Un travail précis d’écoute attentive a été nécessaire pour transcrire les entretiens pour ne pas trahir les propos des participants et tenter de réaliser une copie aussi conforme que possible des échanges.

Par contre, le choix de transcription ne permet pas de faire apparaître la vitesse d’élocution des participants. Est-ce qu'ils parlent lentement ou très vite ?

4.2 Choix du codage et premiers éléments d’analyse

Un codage spécifique a été retenu pour traduire au plus près le rythme des échanges. La marque de la pause est évaluée par une échelle. Une barre oblique équivaut à une seconde (/). Ce qui est important, c’est la signification du codage utilisé qui peut être intéressant dans l’analyse. Par exemple, la durée des silences plus ou moins longs peut être un signe d’embarras ou bien d’élaboration d’une pensée (recherche d’un terme précis, d’une expression…). La fréquence des silences est aussi à considérer en fonction des thèmes, des questions, des tensions....

Le codage est identique pour l’ensemble des transcriptions : - C : prise de parole du chercheur ;

- P.E. (Professeur des écoles) ou prénom d’un élève : prise de parole de l'enseignant ou

de l’élève ;

- / : marque une pause (une barre oblique = une seconde) ; - (italique) : commentaire précisant le contexte.

133

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

Cette première partie a eu pour objectif une appropriation des problématiques de la géographie contemporaine dans le cadre de la sortie en géographie scolaire. Les notions de sortie, de terrain et de sensible ont été définies en prenant en compte les travaux les plus récents et les plus critiques, notamment les recherches en épistémologie de la géographie. Cette dernière soulève des problèmes vis-à-vis du terrain et ses positions permettent d’éclairer et d’ouvrir des possibilités dans la géographie scolaire. Ainsi, le terrain s'envisage comme une pratique et surtout comme une relation singulière, inédite, évolutive, dynamique, biographique et donc comme un rapport profondément relationnel entre une personne et un objet. Le terrain ne serait pas l'objet étudié mais bien la relation entre une personne et un objet. Le sensible, étudié au prisme de disciplines dans le champ des sciences sociales et de la philosophie, serait quant à lui, un acte de perception, un mode d’accès à la cognition aussi pertinent que les autres et surtout une manière affective d’appréhender le monde. Il existe une possibilité de transférer les notions de « terrain » et de « sensible » des disciplines scientifiques vers la géographie scolaire et la didactique de la géographie. Dès lors, il semble tout à fait envisageable d’imaginer des scénarios en didactique de la géographie qui favoriseraient cette rencontre entre des enfants et les espaces parcourus en sortie scolaire par une approche sensible à la fois sensorielle et affective.

Le chapitre deux s’est intéressé à comprendre ce qui pouvait s’apprendre dans les situations de sortie, à préciser les obstacles scientifiques liés à la géographie savante (en particulier épistémologiques), les points de blocage issus de l’institution scolaire, de la société et de la formation des enseignants vis-à-vis du processus d’apprentissage et d’enseignement de la géographie en sortie. Ce chapitre a également voulu montrer en quoi la sortie pouvait être une situation d’apprentissage singulière privilégiant la construction d’une relation humaine et sensible au terrain.

Le chapitre trois a permis d’exposer les choix méthodologiques retenus et d’expliquer en quoi consiste les méthodes utilisées. Observer les enseignants et leurs élèves et les solliciter, après la sortie, dans des entretiens, c’est prendre leur parole comme source principale pour produire de la théorie. C'est une façon de concevoir l'activité scientifique qui se réfère à la Grounded

theory et qui s'appuie sur des méthodologies que je mettrai en œuvre dans les deuxièmes et

134 comportements, aux lieux, aux ambiances). Le protocole développé repose sur les principes suivants : les enfants peuvent être acteurs ou sujets en sortie, les sorties sont vecteurs d’apprentissage dans un « ordinaire » qui sort du quotidien, enfin le protocole prévoit de faire expliciter et de faire réagir les enfants sur place et sur le vif vis-à-vis de ce qu’ils perçoivent et de ce qui les touchent (au sens figuré).

La présentation de cette démarche qualitative a permis de montrer comment j’ai été amené à les subvertir ou en tout cas à me les attribuer parce que la population à laquelle j'ai à faire n'est pas celle que les auteurs originaux (Glaser & Strauss, 2010) ont pu étudier et que mon travail ne s’inscrit pas dans la même période non plus.

La deuxième partie s’intéressera à la géographie scolaire au prisme des sorties. Qu’est-ce que les sorties nous disent de la géographie scolaire ? Qu’en est-il du sensible dans la géographie préconisée et enseignée en sortie ? C’est ce que je vais explorer à la lumière de son histoire, des pratiques « ordinaires » d’enseignants du premier degré, des recommandations d’un inspecteur de l’Éducation nationale associées au discours d’enseignants sur leurs pratiques et le témoignage d’une chercheure. On a donc quatre prismes sur un même objet.

Pour résumer, la démarche s’organisera en deux temps distincts. Dans un premier temps (inclus dans la deuxième partie de la thèse), il s’agira de faire un état des lieux des pratiques en rattachant ce que je vois à des traditions, à des façons de faire qui sont souvent installées depuis longtemps. Ensuite, je présenterai les résultats de sollicitations d’enseignants (sur des pratiques habituelles de sorties - observations puis analyses), d’un inspecteur et d’une chercheure. Un deuxième temps (dans la troisième partie de la thèse) sera consacré au montage et à l’expérimentation d’un dispositif particulier où je testerai des hypothèses autour d’une approche multi-sensorielle en utilisant un scénario avec privation momentanée, mais délibérée et motivée, de la perception visuelle. Je testerai et j'ouvrirai ainsi des pistes très pragmatiques et très concrètes. La particularité de cette démarche est qu’elle évite une tension souvent présente dans les recherches en didactique. Schématiquement, soit ces travaux cherchent à décrire et rendre compte des pratiques majoritaires, soit ils consistent en la conception et l’expérimentation d’une innovation par et pour le chercheur. Les premières sont des recherches souvent très intéressantes sur le plan théorique, sur le plan de la critique et de la possibilité d’introduire des problématiques nouvelles dans la géographie scolaire. Elles sont efficaces parce qu'elles construisent un modèle d'analyse qui rend bien compte des pratiques. Mais elles sont assez décevantes du point de vue du formateur, du citoyen ou même du

135 chercheur lui-même car ces recherches pointent surtout des pratiques qui ne changent pas. D’un autre côté, il existe des recherches ciblées sur une innovation où le chercheur fait tout à la fois : il conçoit, il fait pratiquer et critique avec un tel effet Pygmalion qu’ensuite, le dispositif innovant ne peut que fonctionner sans que l’on ne puisse réellement tirer aucune conclusion. L'innovation reste enfermée dans la bulle où elle est née. Ce sont deux types de recherches qui sont bien connues aujourd’hui. Face à ces difficultés en termes de recherche en didactique, l’idée serait d'assumer à la fois le compte rendu de ce qui se pratique, de l'inscrire dans une histoire et d’établir des distinctions (grâce à cet état des lieux historique et des pratiques) entre différents types de sorties. À ce stade, une expérimentation est envisagée en travaillant avec des enseignants et leurs classes et en posant des hypothèses qui s'appuieraient sur des méthodologies et des travaux de recherches actuels en géographie. Ce sera l’objet principal de la deuxième partie ainsi que d’une section de la troisième partie de cette thèse.

     



136

DEUXIÈME PARTIE. DES PRATIQUES DE SORTIES OBSERVÉES « HORS LES

MURS » DE L'ÉCOLE : UN HÉRITAGE MULTIPLE POUR DES PRATIQUES MIXTES

ENTRE INERTIES, TRADITIONS ET CHANGEMENTS

Le chapitre qui suit s’attache à replacer l'étude des sorties de « terrain » dans une perspective historique, c’est-à-dire qu’il aborde la sortie dans l'histoire de la géographie scolaire, principalement à partir de travaux récents sur la question, en particulier ceux de Jean-Pierre Chevalier (2001, 2003a, 2003b, 2007a, 2007b et 2009a). Mon hypothèse est en effet que ces travaux permettront d'éclairer ce qui a pu se passer jusqu'à présent : les ambiguïtés, les idéologies, les mythes qui sont véhiculés sur la géographie scolaire à l’égard des sorties. Aussi cette étude historique a-t-elle pour fonction de produire une grille de lecture de pratiques contemporaines de sorties.

CHAPITRE UN. Exploration des pratiques anciennes par la synthèse d’une

histoire riche et diversifiée des sorties : les textes officiels, les géographes et

les pédagogues