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La sortie à proximité de l’école correspond souvent à un espace du quotidien déjà fréquenté par les enfants scolarisés. Ils n’ignorent pas tout de cet environnement mais la connaissance qu’ils en ont est souvent liée à leur vécu personnel et à leur pratique. Cette connaissance est inégale d’un individu à l’autre et a priori morcelée. Le but de la sortie est de placer les enfants devant des aspects de notre monde mal connus voire inconnus d’eux et de s’efforcer de mettre de l’ordre dans la complexité du Monde. Plusieurs questions émanent de cette courte introduction. Qu’est-ce qu’on entend par quotidien ? Quel lien peut exister entre l’école et la vie quotidienne ? Peut-on apprendre en dehors de l’école ? L’exploration d’un lieu du quotidien des élèves de faible distance avec l’établissement scolaire peut-il créer une rupture avec les pratiques ordinaires de l’espace de ces élèves ?

6.1 Définition

Le quotidien, c’est, selon une définition courante, ce qui revient chaque jour, ce qui se produit dans la vie de tous les jours. C’est quelque chose d’habituel qu’on a parfois envie de quitter pour ses aspects monotones, routiniers ou ennuyeux. Il trouve un écho dans l’expression « métro, boulot, dodo91 ». En même temps, la routine assure la disponibilité à autre chose. Plus précisément, le quotidien est associé à des actes physiques ou de pensée que l’on fait toujours de la même manière, de façon mécanique et sans prendre la peine d’y porter une quelconque attention.

La vie quotidienne s’accorde en général avec l’échelle locale, celle du quartier ou de la commune, en tout cas sur un niveau d’organisation spatiale de faible étendue :

Le niveau local. C’est l’échelle familière et immédiate, qui sous-tend la vie quotidienne de l’individu, qu’il s’agisse de son quartier, de sa commune, de son pays pris au sens de petite région. Les liens y sont personnalisés entre habitants qui se connaissent, l’horizon borné, les déplacements sur de faibles distances, les groupes restreints et bien identifiés. Le ciment en est un tissu serré dont les composantes sont clairement identifiées par l’homme dans son activité professionnelle, son lieu de résidence, son choix de relations sociales, la fréquentation d’équipements. Le contact en est direct et bien repéré, car

91 Formule issue d’un vers de Pierre Béarn extrait du recueil de poésie Couleurs d’usine paru en 1951. L’auteur y

critique un quotidien qu’il considère monotone et répétitif parce que rythmé par le seul horizon du travail (déplacement pour sa journée de travail, temps d’activité professionnelle et retour chez soi pour dormir).

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l’espace constitue un territoire balisé, cerné, défini, à la fois identifié et identifiant.

(Ferras, dans Bailly et al., 1995, p.407).

6.2 Le quotidien et le hors-quotidien en géographie

En géographie, les approches du rapport à l'espace des personnes (y compris des enfants) s'appréhendent aujourd'hui avec des grilles de lecture qui mettent en avant le quotidien et le hors quotidien. Une des variables de ce rapport dans la façon dont il est mis en œuvre se rapportent aux notions de quotidienneté/non quotidienneté (Stock, 2003), notions qu’il s’agit ici de distinguer. Ces notions se rapportent à des pratiques de lieux in situ caractérisées par un déplacement pour lesquelles des recherches ont été menées depuis la fin des années 1990 par l’équipe M.I.T. (Mobilités, itinéraires, territoires92

). Elles apparaissent en même temps que l’émergence d’une approche géographique du tourisme qui distingue « les loisirs (dans le

temps du quotidien et l'espace local) et le tourisme (dans le temps du hors-quotidien et l'espace au-delà du local, impliquant de séjourner ailleurs que chez soi) » (Knafou, 2011). Le

hors quotidien permet donc de distinguer les loisirs du tourisme, ce dernier appartenant au hors quotidien. En suivant cette distinction, on s’aperçoit que quotidien/hors quotidien sont des notions à la fois spatiales et temporelles qui relèvent de pratiques qui se différencient en fonction de l’accessibilité et du sens, de l’intentionnalité de la pratique : certaines se déroulent dans le quotidien, d’autres dans le hors-quotidien (Stock, 2003). La différence entre quotidien/hors-quotidien se fonde précisément sur des critères géographiques d’accessibilité et d’altérité/étrangeté des lieux. Elle se base aussi sur des critères temporels. Dans nos sociétés occidentales majoritairement urbaines, le quotidien est marqué et contraint par les mêmes temporalités : les rythmes scolaires, les temps d’ouvertures des commerces et des administrations ou les pratiques sportives et culturelles. C’est ce que Thierry Paquot appelle le « quotidien urbain » (Paquot, 2001a).

Quel lien existe entre la sortie dite de terrain et la question du quotidien/hors quotidien ? En sortie, l'accessibilité ne pose pas de problèmes majeurs puisqu’on peut s’y rendre à pied directement à partir de l’école ou par les transports en commun avec un groupe d’élèves. En revanche, la connaissance d’un lieu, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent consacré au proche/lointain, n’est pas forcément corrélée à la distance qui sépare l’enfant de son lieu de vie habituel. La sortie de proximité qui relève a priori plutôt du quotidien peut

92 L’équipe de recherche a été créée en 1993 à l'université Paris 7 et a disparu en 2008 (Knafou et al., 1997 ;

76 correspondre à une pratique d’espace original qui peut susciter de la curiosité et l’envie de découverte. La sortie peut ainsi se définir comme une pratique spatiale de mobilité par des acteurs (enfants scolarisés, enseignants, intervenants extérieurs et accompagnateurs) en déplacement pédestre temporaire hors de l’école dans des lieux du quotidien.

7. Problématique et hypothèses