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Chapitre II : Les traitements

2. Traitements actuels 1. Éducation thérapeutique

2.2. Traitements locaux

2.2.1. Hydratants

Les hydratants contiennent généralement un émollient, un humectant et un agent occlusif.

• L’émollient, l’hydratant principal, est composé des lipides présents dans le stratum corneum, mais manquants chez les patients atteints de DA, comme des céramides, du cholestérol ou encore des acides gras libres. Il pénètre facilement à travers la peau et est pris en charge par les kératinocytes pour être transformé en corps lamellaires afin de lubrifier et adoucir cette couche épidermique.

• L’humectant, comme l’urée ou le glycérol, favorise l’hydratation et la rétention d’eau du stratum corneum.

• L’agent occlusif, comme la vaseline, le diméthicone, qui a pour rôle de réduire les pertes d’eau (18).

Pour faciliter le discours, nous généraliserons les hydratants sous le terme « d’émollients ».

L’émollient est la pierre angulaire de la gestion de la DA. Il est utilisé en traitement de fond pendant toute la durée de la maladie, quel que soit le niveau de sévérité.

Ce traitement doit être utilisé de manière quotidienne et systématique. Après la douche, le corps doit être séché par tamponnement et l’émollient appliqué sur une peau encore un peu humide afin d’en améliorer l’application, la pénétration et la rétention. Le type d’émollient à utiliser dépend du niveau de sécheresse : durant l’hiver des plus épais seront administrés (cérats, baumes) alors que pendant l’été, ils seront plus fins (crèmes, laits).

Si ces applications sont faites correctement et de manière permanente, elles permettent

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dans 90% des cas d’empêcher la survenue de lésions eczématiques et donc de diminuer la consommation des traitements médicamenteux (effet épargnant des corticostéroïdes) (87).

Selon les mères de famille, les émollients sont à 68,8% la principale source d’amélioration de la DA chez les enfants (cf. Figure 21).

Figure 21 : Source d'amélioration de la DA chez des enfants atteints, selon leurs mères (88).

Le but premier des émollients est de réduire les pertes d’eau à travers la peau en hydratant bien celle-ci. Une bonne hydratation est habituellement maintenue par au moins 2 applications par jour. Le but second est de soulager le prurit et l’inflammation de la peau et d’en réduire l’intensité et la fréquence (89).

Les émollients renforcent l’efficacité des corticostéroïdes, en permettant leur pénétration plus active (80).

L’utilisation directe et unique d’émollients sur une peau inflammée est mal tolérée et peu même augmenter le risque d’infection bactérienne ou virale disséminée, c’est pourquoi ils ne sont utilisés que comme traitements adjuvants. De plus, certains émollients, comme l’urée et le propylène glycol, présentent des risques d’irritation et de dysfonctionnement des reins chez les enfants (90).

Les émollients ne sont ni listés ni remboursables(à part les génériques du Dexeryl® et

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des préparations magistrales remboursées comme le Glycérol/Vaseline/Paraffine liquide 15%-8%-2%) (91).

L’application des émollients sollicite de grandes quantités de produits pour être efficace.

En effet, il est nécessaire en moyenne d’en mettre plus de 100 g pour un enfant et jusqu’à 500 g pour un adulte, par semaine. Afin d’appliquer n’importe quel traitement topique, il est possible de suivre une unité particulière, la FTU (Fingertip Unit Rule ou unité phalangette).

Elle correspond à la quantité de topique sortant d’un tube dont le bec fait 5 mm de diamètre et étalée sur la première phalange de l’index d’un adulte (environ 0,5 g) (cf. Figure 22 et tableau 10) (90).

Figure 22 : Le Fingertip Unit Rule. A gauche, représentation de la quantité d'un FTU. A droite diamètre, du bec nécessaire pour mesurer un FTU (92).

Site anatomique Nombre de FTU nécessaire pour traiter la zone

Visage et le cou 2.5

Le tronc 7 devant et 7 derrière

Un bras 3

Une main 1

Une jambe 6

Un pied 2

Tableau 10 : Nombre de FTU nécessaire par zone à traiter (92).

2.2.2. Dermocorticoïdes

Les dermocorticoïdes (Dc) constituent le traitement de référence anti-inflammatoire dans la DA. Leur mécanisme d’action se base sur l’inhibition de la voie NF-kB (facteur de transcription impliqué dans la réponse immunitaire), diminuant alors la production de cytokines pro-inflammatoires mais aussi l’expression des gènes codant pour l’interleukine IL-2, réduisant la prolifération lymphocytaire.

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Les Dc sont répartis en quatre classes, définis par leur niveau de puissance et par leur forme galénique. L’âge du patient, l’étendue des plaies à traiter et leur localisation sont des caractéristiques à prendre en compte pour le choix de la classe à prescrire.

o Les Dc de classe 1 ont une activité faible ; ils sont inefficaces dans la DA.

o Les Dc de classe 2 ont une activité modérée ; ils sont employés en première intention chez les nourrissons et les enfants, sur les zones du visage et les plis principalement.

o Les Dc de classe 3 ont une activité forte ; ils sont employés en seconde intention chez les enfants mais ne sont pas recommandés chez les nourrissons de moins de 3 mois. Ils sont réservés à des cures courtes sur des formes très inflammatoires. En cures prolongées, ils sont utilisés sur les lésions lichénifiées des extrémités.

o Les Dc de classe 4 ont une activité très forte ; ils sont contre-indiqués chez les enfants et les nourrissons. Ils ne sont utilisés qu’en cure courte sur des zones résistantes, en évitant le visage, les plis et le siège.

La forme galénique variera en fonction de la localisation de la lésion :

o la crème utilisée, de manière préférentielle, sur des étendues larges et sur tous types de surface et de lésions ;

o la pommade, pour les lésions lichénifiées et sèches, en évitant les plis ; o la lotion étalée dans les plis et les zones pileuses ;

o et le gel ou la mousse appliqués sur le cuir chevelu.

Le tableau suivant récapitule les informations précédentes : Niveau

d’activité

Indications Produits Galénique

Faible Inefficaces dans la DA Modérée Nourrisson : visage

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Lésions

lichénifiées Difluprednate (Epitopic)

Fluticasone (Flixovate) Très forte À éviter chez l’enfant

Cures courtes :

Tableau 11 : Critères de choix et indications des Dc (93).

De manière générale, pour les Dc, il suffit d’une seule application par jour en utilisant la technique préalablement citée du FTU. Cette unique dose favorise l’observance du traitement.

Les effets secondaires des Dc dépendent en partie de la classe et de la durée d’utilisation. Ils sont majoritairement cutanés et généralement limités, comme du purpura, des éruptions acnéiformes, atrophie cutanée, allergie, hypertrichose (augmentation de la pilosité), télangiectasie (dilatation locale des petites vaisseaux ayant pour effet des rougeurs de la peau).Des effets systémiques peuvent apparaitre après une utilisation trop longue et continue (retard de croissance, syndrome de Cushing…) et sont plus à même d’apparaitre chez les enfants de par leur rapport surface/poids plus élevé.

L’objectif de la thérapie par Dc est d’obtenir une rémission rapide grâce à un traitement d’attaque et conservée par un traitement d’entretien.

• La phase d’attaque ou thérapie réactive (1 à 2 semaines) est basée sur l’utilisation une fois par jour d’un Dc adapté à l’âge du patient et à la localisation des lésions. Ainsi chez l’adulte, les poussées sont traitées avec un Dc d’activité forte au niveau du corps et le visage avec un Dc d’activité modérée ou forte. A la disparition des lésions et du prurit, il existe deux stratégies pour l’arrêt du traitement : soit l’arrêt brutal, soit l’arrêt par diminution progressive (diminution des applications à 1 jour sur 2 puis 1 jour sur 3 avant d’arrêter). Il n’y a pas de dose maximale recommandée lors de cette phase (94).

• La phase d’entretien ou thérapie proactive se base sur l’utilisation des Dc tous les jours, jusqu’à disparition complète des lésions persistantes, et d’un usage d’émollients. La quantité recommandée ne doit pas dépasser 30 g/mois de Dc d’activité modérée chez

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l’enfant et 45 g/mois de Dc d’activité forte chez l’adulte avec deux applications par semaine (79) (93) (95).

Il existe une méthode, utilisée plus particulièrement dans la DA sévère, le Wet-Wrap-Therapy (WWT), illustrée par la figure 23 ; qui consiste en :

• un Dc modéré à très fort et des émollients appliqués sur les zones atteintes,

• puis un premier bandage humide (Tubifast®),

• puis un second bandage sec (bande extensible en nylon ou bande de crêpe),

• et un vêtement collant en coton.

L’intérêt de cette technique est l’augmentation de la rapidité d’action par occlusion des traitements topiques pour augmenter la pénétration, diminuer la perte d'eau et fournir une barrière physique contre les grattements. L’ensemble est porté entre plusieurs heures (au minimum 6h) et jusqu’à 24h en continu et ce deux à trois fois par semaine, en fonction de la tolérance du patient. Une vigilance particulière est nécessaire lorsque des Dc d’activité forte à très forte sont appliqués sous les bandages car l'absorption augmente les effets indésirables (EI) systémiques.

Le WWT peut être utilisé aussi bien sur une zone particulière que sur l’ensemble du corps, en ambulatoire ou à l’hôpital (85) (96).

Figure 23 : Wet-wrapping, application du second bandage (97).

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2.2.3. Inhibiteurs topiques de la calcineurine (TCIs)

La calcineurine est une protéine nécessaire à la production des cytokines inflammatoires et dans l’activation des lymphocytes Th2. Ses inhibiteurs topiques sont des immunomodulateurs locaux non stéroïdiens (ce qui en fait des épargneurs de Dc), utilisés en tant que traitement anti-inflammatoire dans la DA modérée à sévère (82). Il existe actuellement sur le marché deux TCIs :

• La pommade de tacrolimus (Protopic®: 0.03%).

• La crème de pimécrolimus (Elidel®: 1%l), qui n’est plus disponible en France depuis Mai 2011.

Le tacrolimus, sous forme de pommade, est indiqué chez les adultes, les adolescents et les enfants à partir de 2 ans. Prescrit en seconde intention après échec des traitements conventionnels comme les dermocorticoïdes, il ne doit être pris que sur le court-moyen terme en continu (pas plus de six semaines) ou alors au long terme par intermittence (98).

De nombreuses études (dont l’une aux Etats-Unis et en Europe portant sur plus de 13 000 patients) ont démontré que le TCI réduisait efficacement et dès la première semaine de traitement les symptômes de la DA. En revanche, si aucune amélioration n’est remarquée dans les 2 semaines, un autre traitement doit être envisagé (82) (99).

De plus, le tacrolimus s’est avéré sûr et efficace dans la réduction des poussées et dans l’amélioration de la qualité de vie des patients sur une période d’un an de traitement.

La puissance anti-inflammatoire du tacrolimus 0.03% est supérieure à un Dc d’activité modérée et celle du tacrolims 0.1% supérieure à un Dc fort.

Le tacrolimus est un traitement proactif, c’est-à-dire anticipatoire. Il est appliqué deux fois par semaine sur une peau sèche et il peut être étalé sur des zones spécifiques comme le visage ou les zones de flexions (coudes, cou…) puisqu’il n’y a pas de risque d’atrophie cutanée (comme avec les Dc) (79) (95).

Les effets secondaires induits par les TCIs sont des sensations transitoires légères de brûlure ou de picotement ainsi que des exacerbations de prurit au site d’application. Ils sont fréquents mais de courte durée, généralement quelques jours.

Il est important d’éviter la prise d’alcool (risque du flush facial) et l’exposition aux rayons du soleil et donc, par extension, aux traitements par photothérapie (du fait du potentiel photocarcinogène) (98) (100).

De par les propriétés immunosuppressives du tacrolimus, l’agence de santé américaine,

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la FDA (Food and Drug Administration) avait lancé, en Mars 2005, une alerte aux professionnels de santé concernant le lien potentiel entre les TCIs et le risque de lymphome ou de cancer de la peau. Actuellement, ce lien n’a toujours pas été confirmé (101).

2.2.4. PDE inhibiteurs

La PDE4 ou phosphodiestérase 4 est une enzyme qui a pour rôle d’augmenter les cytokines pro inflammatoires, comme TNF-α ou IL-17 et de réduire l’AMP cyclique, molécule aux propriétés anti-inflammatoires. L’intérêt d’inhiber cette enzyme est d’augmenter les taux d’AMPc et par conséquent d’augmenter la réponse anti-inflammatoire (102).

Des molécules inhibitrices ont récemment été dévoilées pour cette nouvelle voie de traitement, dont l’une des caractéristiques, particulièrement prometteuse, est la réduction rapide des démangeaisons.

Le crisaborole (Eucrisa®) est le premier médicament approuvé par la FDA en 2016 dans la DA légère à modérée chez les patients âgés de plus de 2 ans. Il n’est pas encore disponible en France. Sous forme d’onguent, il s’applique deux fois par jour sur les zones affectées. Certains EI sont remontés, comme des réactions d’hypersensibilité (103).

L’aprémilast (Otezla®), molécule déjà approuvée et disponible en France pour le psoriasis, est en cours d’essais cliniques dans la DA (104).

2.2.5. Traitements antimicrobiens

Comme nous avons pu le décrire dans le chapitre précédent, la peau d’un patient atteint de DA peut être très vite colonisée par S.aureus et ce même sur une peau non lésionnelle.

En général, l’utilisation de traitements anti-inflammatoires (TCIs, Dc, UV….) présents dans l’arsenal thérapeutique de la DA permet, en partie, de diminuer cette colonialisation. En cas de surinfections, il faut combiner ces traitements avec des antiseptiques ou des antibiotiques locaux.

En antiseptiques locaux, le triclosan ou la chlorhexidine sont recommandés soit directement en association avec des émollients ou dans la technique du « Wet wrapping ». Ils offrent l'avantage d'un faible potentiel sensibilisant et d'un faible taux de résistance. Le Triclosan s’est montré efficace dans la réduction des colonies cutanées de S.aureus mais il est, en France, de plus en plus surveillé pour de possibles effets nocifs sur la santé et l’environnement (risque possible de cancer du côlon) (105).

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En termes d’antibiotiques, il est avant tout nécessaire de prendre en compte la prévalence croissante des résistances. C’est pourquoi ils ne seront prescris que dans le cas d’exacerbation et sur une courte durée.

En antibiotique topique, l’érythromycine et l’acide fusidique sont très largement utilisés en Europe. La forte résistance de S. aureus à l’érythromycine, favorise l’utilisation de l’acide fusidique qui, sous forme topique, à une bonne efficacité contre le S.aureus grâce à sa bonne pénétration tissulaire. Il est cependant nécessaire de réduire son emploi sur une courte durée (2 semaines environ).

De plus, l’ajout d’un traitement antimicrobien à un Dc s'est avéré plus efficace sur le plan clinique qu'un stéroïde topique seul (80) (101).

2.2.6. Cures thermales

Les cures thermales sont des traitements complémentaires dans de nombreuses pathologies de la peau dont le but est à la fois préventif, éducatif et curatif. En France, il existe de nombres stations thermales et plus de 14.000 curistes, souffrant de diverses maladies chroniques, les fréquentent (106).

Les eaux thermales varient dans leurs propriétés chimiques (dans la composition quantitative et qualitative de leurs éléments) comme physiques (la température, le pH…) (82).

Ces établissements permettent une prise en charge globale des patients, à la fois sur les plans thérapeutique et éducatif. L’ensemble des moyens mis en place favorise l’observance de chaque patient. Avec des durées moyennes de 3 semaines, ces cures se sont avérées bénéfiques chez les enfants avec une DA légère ou modérée avec un effet similaire à celui de Dc de classe II (90).

La prise en charge des cures s’élève à 65% du tarif conventionnel, qui tourne généralement autour de 500 euros par semaine de thérapie (107) (108).