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Réponse acquise

3.3. Étiologie et Pathogénie

3.3.2. Les différents mécanismes

Le phénotype clinique qui caractérise la DA est le produit d’interactions complexes entre les éléments suivant :

• une réponse immunitaire dérégulée,

• des altérations constitutionnelles de la barrière cutanée liées à des prédispositions génétiques,

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• des anomalies de la diversité des microbiomes digestifs et cutanés,

• des facteurs environnementaux.

Figure 8 : Les facteurs de la pathophysiologie de la DA (37).

a) Génétique

La DA est une maladie polygénique, c’est-à-dire qu’elle est causée par l’altération de plusieurs gènes. En effet, 31 loci surexprimés ont été découverts (38). Ces nombreux gènes peuvent être répartis en deux catégories : ceux codant pour les protéines structurales de la barrière cutanée (le gène FLG pour la profilaggrine par exemple) et ceux impliqués dans la réponse immunitaire (spécifiquement dans l’immunité adaptative de type Th2)

Pour rappel, 70% des patients touchés par la DA ont un antécédent familial d’atopie (39) (40).

Les gènes codant les protéines structurelles de la barrière cutanée

Il a été démontré que la zone du chromosome 1q21 codant en grande partie pour le complexe de différenciation épidermique (CDE), aurait une forte relation avec la maladie. Ce CDE contient des gènes codant pour plusieurs familles de protéines comme par exemple l’involucrine, la loricrine ou encore la profilaggrine.

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La filaggrine (filament aggregating-protein) (flg) est une protéine structurale majeure de l’épiderme. Elle est codée par le gène de la profilaggrine (FLG). Il y a pour l’instant plus d’une vingtaine de mutations de FLG identifiées.

Les mutations les plus importantes dans les populations européennes sont R501X et 2282del4, elles sont dites inactivatrices car elles entrainent une perte complète de l’expression du gène FLG et donc l’absence de production de flg. Ces mutations inactivatrices multiplient par 3 le risque de développer une DA tandis qu’une mutation hétérozygote (un des deux allèles est porteur de la mutation inactivatrice) est présent chez 33 à 40 % des patients atteints de DA et dans 10% de la population saine en générale. Ces mutations sur FLG n’expliquent donc qu’une partie de la DA (41) (42) (43).

Figure 9 : Mutations sur le gène FLG (43).

Les gènes impliqués dans la réponse immunitaire

Plusieurs gènes identifiés dans la DA codent pour des cytokines impliquées dans la régulation de la synthèse d’IgE. Chez les patients atteints par une DA, les cellules Th2 sont dérégulées et en surnombre. Elles provoquent un réarrangement génomique des cellules B en maturation, favorisant le changement d’isotypes de la classe IgM à IgE, ainsi qu’une surproduction d’IgE et l’apparition de maladies allergiques respiratoires.

Cette prédominance des cellules Th2 pourrait être expliquée par le polymorphisme du gène codant :

• pour la cytokine IL-18,

• pour des récepteurs de l’immunité innée (43).

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b) Anomalies de la barrière cutanée

Le principal problème chez les patients atteints de DA est la perméabilité de la barrière cutanée. Cela rend possible l’intrusion d’allergènes et de corps étrangers mais aussi la fuite de l’eau contenue dans les différentes couches de l’épiderme vers l’extérieur. Les patients atteints de la DA ont une barrière cutanée défectueuse aussi bien sur les peaux lésées que non lésées (39) (44).

La figure 10 ci-dessous présente les différences entre une peau saine et une peau atteinte de DA.

Figure 10 : Différence entre une peau saine et une peau atteinte de DA (45).

Comme vu précédemment, l’épiderme et plus précisément la couche la plus externe, le stratum corneum, est composé de plusieurs protéines structurelles comme la loricrine, la claudine et la flg.

Chez le patient atteint de DA, un des défauts principaux est l’appauvrissement en céramides dans la peau entrainant la perte de l’eau épidermique. Ce facteur est appelé le TEWL pour « Transepidermal Water Loss ». Ce phénomène explique la sécheresse de la peau de ces patients, appelée xérose cutanée.

Il a été démontré par des études génétiques et immunohistochimiques que le dysfonctionnement de la barrière cutanée retrouvé dans la DA serait en partie dû à des

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mutations de plusieurs gènes impliquant les protéines du stratum corneum. Les mutations les plus explorées sont celles concernant la flg (46) (47) (48).

Cette dernière a un rôle principal dans l’intégrité et le fonctionnement de l’épiderme.

C’est une protéine insoluble impliquée dans la jonction en faisceaux serrés des filaments de kératine, permettant ainsi une meilleure cohésion des cellules. L’absence de production de flg entraine différents enchainements néfastes pour la barrière cutanée (44).

Quand la flg se dégrade, elle forme des molécules hydrophiles, amenant à la constitution d’un facteur d’hydratation naturelle de la peau, le Natural Moisturizer Factor (NMF) (49).

Or, dans le cas d’une mutation du FLG, il n’y a pas de formation de métabolites, empêchant alors la rétention d’eau par le stratum corneum et provoquant une xérose cutanée.

D’autre part, la flg est un élément riche en histidine, un acide animé qui une fois dégradé en acide urocanique (sous sa forme trans-), protège l’épiderme contre les effets nocifs des rayons ultra-violet, ce qui ne sera plus le cas si la protéine n’est plus produite.

De plus, l’absence de flg augmente le pH dans la peau. La peau est normalement acide (son pH fluctue autour de 5 (50)) et sans flg elle devient plus basique et favorise alors le développement et la colonisation bactérienne (notamment le Staphylococcus aureus ou le virus de l’Herpès).

Ces anomalies de la barrière cutanée favorisent une forte pénétration des allergènes entraînant automatiquement une réponse accrue Th2 et parfois une sensibilisation médiée par les IgE et donc une inflammation de la zone et une démangeaison (cf. Figure 11) (42).

Figure 11 : Cascade liée à l'absence de filaggrine (41).

Il existe un lien entre la barrière et l’inflammation cutanées. En effet, un défaut de flg entraine automatiquement, comme vu précédemment, une inflammation cutanée mais, inversement, cette inflammation cutanée provoque une production en masse des cytokines

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Th2 (IL-4, IL-10 IL-13), qui ont un effet limitant sur l’expression de la flg et aggravent la xérose cutanée (10) (39).

Un autre phénomène qui a lieu chez les patients atopiques est la diminution de lipides dans la peau comme le cholestérol et acides gras libres. Ce phénomène est observé aussi bien sur des peaux lésionnelles que saines et peut expliquer la sécheresse excessive de celle-ci.

c) Dérégulation du système immunitaire inné et adaptatif

Phénotypes

Il existerait deux types de phénotypes atopiques : l’extrinsèque (allergique) et l’intrinsèque (non-allergique).(40)

La DA extrinsèque, la forme la plus connue, est caractérisée par l’augmentation de la production de LT et d’IgE spécifiques. C’est un comportement par immunisation face à des allergènes, le plus souvent des pneumoallergènes (acariens, pollens…) mais aussi alimentaires.

Les patients atteints par cette dermatite ont souvent d’autres atopies comme l’asthme ou la rhinite allergique (51).

La DA intrinsèque n’a aucun terrain atopique, c’est-à-dire que les patients n’ont n’y asthme, ni rhinite allergique associés.

Deux hypothèses sont possible pour la DA intrinsèque :

• l’auto-immunité : les patients sont immunisés vis-vis d’auto-antigènes épidermiques (créés à la suite d’une dégradation par une protéase).

• l’auto-inflammatoire : l’immunité innée serait la seule responsable de la maladie. Des motifs bactériens seraient les facteurs activateurs.

La DA extrinsèque serait la forme présente chez environ 2/3 des patients atteints alors que la DA intrinsèque ne représenterait qu’1/3 des patients (39).

Une étude a démontré chez des enfants porteurs de DA une non sensibilité aux allergènes au stade nourrisson puis une évolution inverse vers une forme extrinsèque en grandissant. Il se pourrait qu’il existe alors une continuité entre les deux formes (52).

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Mécanismes de la réaction inflammatoire

Il y a trois phases dans la physiopathologie de la DA (cf. Figure 12) :

sensibilisation : a lieu pendant l’enfance et qui dure de plusieurs mois à plusieurs années. Cette phase est asymptomatique et ne concerne que les individus qui sont prédisposés génétiquement,

expression : intervalle durant lequel les symptômes de la maladie se déclenchent suite à une réexposition du patient aux allergènes dont il est sensibilisé,

régulation : phase de rémission de la maladie encore mal comprise impliquant des suppresseurs et/ou des régulateurs (53).

Plusieurs acteurs sont impliqués dans ce mécanisme mais les trois principaux sont :

l’antigène / allergène qui sont des molécules à haut poids moléculaire, dont le passage transcutané est rendu possible par la défectuosité de la barrière cutanée (xérose, défaut du film hydrolipidique naturel),

• les cellules présentatrices d’antigènes (CD, macrophages…),

• les lymphocytes (principalement les T).

Figure 12 : Les phases de sensibilisation et d'expression de la réaction inflammatoire (51).

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La sensibilisation

La première étape de la sensibilisation est la pénétration des antigènes à travers l’épiderme (ou au niveau d’autres muqueuses comme au niveau respiratoire ou digestif), qui vont alors relâcher leurs molécules aux propriétés pro-inflammatoires ce qui a pour résultat l’enclenchement de la réponse immunitaire cutanée innée.

Celle-ci entraine alors un ensemble de cellules dont des mastocytes et des cellules dendritiques (CD). Les antigènes vont alors être pris en charge par les CD qui migrent jusqu’aux ganglions lymphatiques afin de les présenter aux lymphocytes T CD4+ et CD8+

(lymphocytes avec des propriétés effectrices [eff] et/ou régulatrices [reg]) ainsi qu’aux LB, qui produiront des IgE.

Si les LT reg sont activés il n’y aura pas de sensibilisation effectrice. Par contre, s’ils sont altérés, alors les LT eff seront activés provoquant une sensibilisation et un développement des lésions de la DA.

L’expression

À présent que le sujet est sensibilisé, tout prochain contact avec l’allergène en question pourra provoquer des lésions de DA. La phase d’expression débute de la même manière que dans la phase de sensibilisation. L’allergène pénètre dans le corps et les CD épidermiques l’emmènent jusqu’aux LT spécifiques.

Ceux-ci détruisent alors les cellules présentant l’allergène (induisant l’apoptose des kératinocytes) et induisent la production de cytokines de type Th2 (IL-4, IL-5). Les cytokines vont à leur tour recruter d’autres cellules comme les éosinophiles. Les IL-4 maintiennent la production élevée d’IgE tandis que les IL-5 sont responsable de l’infiltration des lésions par les éosinophiles (51) (54).

Durant les poussées de DA les LT effecteurs sont activés. La phase de régulation est mise en place par l’activation des LT régulateurs. Dans la DA, les phases de rémission correspondent à l’équilibre entre les LT effecteurs et régulateurs.

Anomalies immunitaires

Innée

Au niveau cutané, la première ligne de défense qu’est le système immunitaire inné utilise les PRR (pour Pattern Recognition Receptor), des récepteurs cellulaires situés sur

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différentes types de cellules comme les kératinocytes ou les CD et qui sont capables de reconnaitre des éléments spécifiques de pathogènes qu’on appelle les PAMP (pour Pathogen-Associated Molecular Patterns) Un type de PRR nous intéresse, les TLR (toll-like receptors) et plus particulièrement les TLR2.

Les TLR2 sont des protéines transmembranaires qui ont trois rôles importants :

• la reconnaissance du S.aureus ou des molécules associées à celui-ci,

• la stimulation de la production par les kératinocytes de peptides antimicrobiens,

• et le support aux jonctions serrées dans le maintien de la barrière cutanée.

Cependant dans la DA, deux mutations existent sur les gènes codant la TLR2, entrainant une diminution de son expression et donc une altération de leurs fonctions citées ci-dessus (40) (43).

Adaptative

Dans l’immunité adaptative le principal problème est la forte polarisation Th2. Celle-ci est liée à un ensemble de facteurs comme par exemple :

• la proportion d’allergènes, bactéries, virus rentrant par la barrière cutanée,

• l’inhibition par les IL-4 et IL-13 de l’expression de FLG ou l’expression de défensines-β humaines augmentant encore plus l’entrée des pathogènes / allergènes,

• le feed-back positif produit par les cytokines Th2,

• la TSLP (Thymic Stromal Lymphoprotein) une cytokine sécrétée par les kératinocytes.

La sur-expression du Th2 provoque une production excessive d’IgE caractéristique de l’atopie et une forte production de lymphocytes, dont les propriétés cytotoxiques entrainent des lésions eczématiques. En plus de la voie Th2, les voies Th1 et Th22 ont un rôle dans la DA.

Ainsi durant la phase aigüe de la maladie, les cytokines Th22 (comme IL-22) prévalent tandis que les cytokines Th1 (comme IFN-γ TNF-α, IL-2) sont plus présentes au niveau de l’inflammation chronique et provoquent un épaississement de l’épiderme (40) (43).

Auto-immunité

Il a été démontré que la DA pourrait être une maladie à la fois allergique et auto-immune (39). Des auto-anticorps de type IgE dirigés contre des protéines de kératinocytes et de cellules endothéliales sont retrouvés dans le sérum de 25 % des adultes atteints de DA.

Cependant ce mécanisme n’est toujours pas bien défini.

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Après les mécanismes génétiques, de la barrière cutanée et ceux immunologiques, il reste à voir le rôle du microbiome et des facteurs environnementaux.

d) Rôle du microbiome

Il existe un ensemble de micro-organismes qui peuple la peau et l’appareil digestif, appelé le microbiote. Ce dernier se forme dès la naissance à partir de celui de la mère et de la diversité environnementale du sujet. Ce microbiote interagit perpétuellement avec les cellules de la peau influençant ainsi la réponse immunitaire. Cependant chez le patient atteint de DA ce microbiote est déséquilibré, on parle de dysbiose.

Ce déséquilibre peut être expliqué par :

• un déficit de l’immunité innée (à travers les AMPs : peptides antimicrobiens),

• la mutation du FLG, des attaques exogènes (comme les savons, des produits asséchants) ou une hygiène trop fréquente, créant une barrière cutanée perméable.

Le déséquilibre se fait au profit d’autres bactéries et principalement une, Staphylococcus aureus. La colonisation par celle-ci, de la peau d’un patient atteint de DA est très fréquente (90% contre 5% dans la population saine).

Il existe un lien entre le microbiote cutané et le système immunitaire. Dans la DA, la dérégulation du Th2 entraîne deux grandes conséquences :

o empêcher l’expression des AMPs entrainant naturellement l’augmentation de S.aureus, o diminuer la production des cellules dendritiques d’IL-10, cytokine anti-inflammatoire.

En réponse à son augmentation, S.aureus va :

o exacerber encore plus le système Th2 et induire une inhibition des lymphocytes T régulateurs,

o aggraver le dysfonctionnement de la barrière cutanée en relarguant un ensemble de toxines (comme la toxine α) qui détruisent par exemple les kératinocytes de la peau (55).

A l’inverse, les bactéries commensales comme Staphylococcus epidermis augmentent la réponse anti-inflammatoire en produisant des peptides antimicrobiens actifs contre S.aureus.

Il existe aussi le même appauvrissement de la diversité du microbiome digestif entre un patient sain et un patient atteint de DA (39) (40).

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Ce cercle vicieux entre les infections locales par S.aureus et les anomalies de la barrière cutanée, est présenté dans la figure 13.

Figure 13 : Le cercle vicieux entre S.aureus et la barrière cutanée (41).

e) Les facteurs environnementaux

La prévalence globale de la DA augmente toujours et ce de manière trop rapide pour n’être que génétique, il y a donc une part de facteurs environnementaux (7). Il existe une multitude de facteurs, qu’on peut repartir en quatre groupes :

Alimentaires : le rôle d’un régime varié et basé sur des aliments frais aurait un impact protecteur à l’inverse d’aliments transformés du type fast-food. La DA étant une maladie atopique il faut bien évidemment écarter toutes nourritures réputées allergisantes (ex : lait, œufs, soja, fruits à coques…) (56).

Conditions de vie : se basent sur les travaux de la théorie hygiéniste de 1989 qui avance que les maladies atopiques surviennent plus souvent chez les individus peu touchés par les infections. Ainsi le risque de DA serait moins élevé dans des familles rurales (plus exposées à des allergènes extérieurs comme le pollen), dans des habitations moins ventilées (plus de contact avec des allergènes d’intérieurs comme les acariens), avec la présence d’animaux dans les foyers (une diminution jusqu’à 25%) (57) (58). En revanche les expositions aux antibiotiques dès le plus jeune âge augmenteraient les risques de DA de 40% tout comme une hygiène trop fréquente et

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agressive (pH alcalins des savons, cosmétiques…). Les milieux urbains avec la pollution ou les fumées de cigarettes représentent aussi un facteur de risques (59).

Climat : les températures influencent également la DA. Le froid assèche la peau, le soleil peut aggraver ou améliorer la DA. La sueur par contre, elle, a un effet négatif sur la DA (49).

Stress psychologique : comme c’est le cas dans d’autres maladies de la peau tel que le psoriasis, le stress est un facteur aggravant de la DA (60).

4. Aspect clinique et le diagnostic de la DA