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À ce jour il n’existe pas de traitements 100% efficaces pour traiter le jeu pathologique. Cependant, des thérapies qui se sont montrées efficaces pour traiter d’autres maladies psychiatriques telles que les troubles de dépendance aux substances ou encore les troubles obsessionnels compulsifs sont employées actuellement chez les joueurs pathologiques. Ces dernières sont la thérapie cognitivo-comportementale, les groupes de joueurs anonymes, et les traitements pharmacologiques (Leung and Cottler, 2009). Tous ces traitements visent une réduction de la sévérité des symptômes, mais également une amélioration de la qualité de vie et du fonctionnement général (ex. travail, relations sociales). Les traitements psychothérapeutiques et les groupes de joueurs anonymes sont considérés comme la première ligne de traitement en jeu pathologique puisqu’actuellement il n’y a pas de traitement pharmacologique approuvé par Santé Canada ni par la Food and Drug Administration (FDA).

4.1 Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)

Basée sur la thérapie employée pour diminuer les symptômes dans les troubles de comportement compulsifs et l’anxiété, cette thérapie pour le jeu pathologique a été mise en place par Ladouceur et collaborateurs en 1994 (Ladouceur et al., 1994). Elle peut se faire en groupe ou individuellement avec des effets plus ou moins similaires. C’est la thérapie la plus employée pour essayer de diminuer les symptômes chez les joueurs pathologiques, se concentrant notamment sur le contrôle des fausses croyances que les joueurs développent. Les fausses croyances ou illusions de contrôle font en sorte que les joueurs croient que la victoire est "due" après une série de pertes, ce qui participe au développement et au maintien de la pratique de jeu (Ladouceur, 2004; Nower and Blaszczynski, 2010). Ainsi, les approches de TCC proposent aux joueurs des outils pour la compréhension des fausses croyances et pour la prise de conscience ainsi que la correction de ces perceptions erronées lors du jeu. Le but, bien sûr, est d’éviter les rechutes. Les approches de TCC semblent être les plus efficaces de toutes les approches psychothérapeutiques (Cowlishaw et al., 2012), avec une méta- analyse d'essais contrôlés randomisés démontrant l'amélioration des variables liées au jeu après le traitement (taille d’effet = 2.01, p < 0.01) et au suivi 17 mois après (taille d’effet = 1.50, p < 0.01) chez les joueurs pathologiques (Pallesen et al., 2005). Malheureusement le nombre d’arrêts de traitement s’élève à environ 30 % (Perkins et al., 2007; Tolchard, 2016).

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4.2. Rencontre de « joueurs anonymes »

Basée sur des principes similaires à ceux employés dans les réunions d’alcooliques anonymes, cette thérapie se déroule en groupe, avec des rencontres hebdomadaires et emploie la méthode des 12 étapes notées dans « The Big Book » (Bill, 1939). Ici, les joueurs pathologiques partagent leurs expériences et reçoivent l’aide d’un « sponsor » qu’ils peuvent appeler dès qu’ils ressentent le besoin de jouer. Il y a aussi la remise de jetons de « sobriété » de jeu. Les étapes impliquent d'admettre la perte de contrôle sur le comportement de jeu ; reconnaître une puissance supérieure qui peut donner de la force ; examiner les erreurs passées (avec l'aide d'un sponsor ou d'un membre expérimenté) et essayer de les corriger ; apprendre à vivre une nouvelle vie avec un nouveau mode de comportement ; et aider à transmettre le message à d'autres joueurs pathologiques (Joueurs Anonymes 2016 : www.ja-

quebec.com). Malheureusement, plusieurs études ont montré que souvent les joueurs

pathologiques quittent prématurément ces traitements ou que la rémission (critères DSM-5 pour le jeu pathologique absents depuis plus de 12 mois) n’est pas toujours atteinte (Rash and Petry, 2014).

4.3. Médicaments

Bien que certaines études aient été conduites chez des joueurs pathologiques utilisant différents types de médicaments, il n'y a pas de traitement pharmacologique spécifique approuvé par Santé Canada ni par la FDA pour le jeu pathologique à l'heure actuelle. En outre, la plupart des médicaments utilisés dans les études sur le jeu pathologique ont été choisis parce qu’ils avaient montré des résultats encourageants dans les troubles de dépendances aux substances (Lupi et al., 2014).

D’une part, les antidépresseurs de type inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (SSRI) tels que la fluoxetine, la paroxetine, la sertraline, l’escitalopram, le citalopran ou le bupropion ont été testés sur des joueurs pathologiques dans des essais cliniques contrôlés par placébo. Ces études ont obtenu tant des résultats positifs (Hollander et al., 2000; Kim et al., 2002; Zimmerman et al., 2002; Grant and Potenza, 2006; Black et al., 2007b; Blanco et al., 2009; Chung et al., 2009) que négatifs (Blanco et al., 2002; Grant et al., 2003; Saiz-Ruiz et al., 2005; Black et al., 2007a) sur le craving, la sévérité et le comportement de jeu.

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D’autres médicaments tels que les antagonistes opioïdes comme la naltrexone ou le nalmefene, ont démontré une supériorité par rapport au placébo dans plusieurs études cliniques randomisées et contrôlées par placébo conduites chez les joueurs pathologiq ues (Kim and Grant, 2001; Grant et al., 2006; Grant et al., 2008; Grant et al., 2010b). Par exemple, une étude en aveugle à deux niveaux a suggéré l'efficacité de la naltrexone dans la réduction de l'intensité du craving, des pensées reliées au jeu, de la sévérité du problème de jeu et du comportement de jeu chez 89 joueurs pathologiques. En particulier, les personnes ayant signalé un niveau plus élevé de craving ont répondu préférentiellement à ce traitement qui avait une durée de 12 semaines (Kim and Grant, 2001). Ces résultats ont été reproduits dans une autre étude étalée sur 18 semaines conduite chez 77 joueurs pathologiques (Grant et al., 2008) dont les effets positifs ont persisté même après l’arrêt de la naltrexone. Par la suite deux études consécutives de l’équipe de Grant et collaborateurs ont démontré une supériorité du nalmefene sur le placébo lorsqu’il était administré pendant 11 semaines chez des grandes cohortes de joueurs pathologiques (N > 200), (Grant et al., 2006; Grant et al., 2010b) . Cependant, une étude conduite chez 58 joueurs pathologiques ayant reçu le naltrexone pendant 11 semaines n’a pas montré une supériorité au placébo (Toneatto et al., 2009).

D’autre part, les médicaments glutamatergiques ont aussi montré une supériorité par rapport au placébo dans plusieurs études cliniques (Pettorruso et al., 2014). En particulier, le N-acétylcystéine, un acide aminé qui semble restaurer la concentration de glutamate dans le noyau accumbens et une étude en aveugle à deux niveaux et contrôlée par placébo conduite chez 27 joueurs pathologiques a révélé une réduction du craving et du comportement de jeu chez 59.3 % des sujets (Grant et al., 2007). D’autre part, une étude conduite chez 29 joueurs pathologiques a mis en évidence des effets positifs de la memantine, un antagoniste des récepteurs D-aspartate N-methyl qui diminue l’excitabilité du glutamate, sur la sévérité du jeu pathologique et la flexibilité cognitive (Grant et al., 2010a).

En contraste, les agents GABAergiques tels que le baclofène et l’acamprosate, qui sont des agonistes des récepteurs de GABA, ont donné des résultats divergents : certaines études cliniques ont obtenu une diminution du craving et de la sévérité du jeu pathologique (Raj, 2010; Black et al., 2011) alors que d’autres études ont obtenu des résultats négatifs (Dannon et al., 2011). Par exemple, dans une étude ouverte d’une durée de 8 semaines, 26 joueurs pathologiques ont reçu de l'acamprosate. Une amélioration de la sévérité du jeu, du craving

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et du nombre d’épisodes de jeu a été observée (Raj, 2010; Black et al., 2011). En contraste, dans une étude aveugle à deux niveaux, conduite chez 17 joueurs pathologiques ayant reçu le baclofène et l'acamprosate, aucun changement significatif au niveau du comportement et de la sévérité du jeu n’a été observé (Dannon et al., 2011).

Enfin, des agents tels que le topimarate, la gabapentine ou prégabaline, qui sont à la fois des agonistes GABAergiques et des antagonistes glutamatergiques, ont montré une diminution du craving (Dannon et al., 2005; Pettorruso et al., 2013; Pettorruso et al., 2014) ainsi que du niveau d’impulsivité chez les joueurs pathologiques (Berlin et al., 2013).

Même si l’utilisation des médicaments antidépresseurs, des antagonistes opioïdes et des médicaments glutamatergiques/GABAergiques a montré des résultats préliminaires bénéfiques sur certains symptômes du jeu pathologique, ces médicaments sont probablement des options de traitement inférieures par rapport aux thérapies comportementales (Pallesen et al., 2007; Leung and Cottler, 2009; Hodgins et al., 2011). De plus, les résultats de ces études sont limités en raison de la faible taille des échantillons utilisés et des courtes durées de traitement. Ainsi, une autre approche est abordée par les cliniciens : combiner la psychothérapie avec des médicaments. Par exemple, la N-acétylcystéine, en conjonction avec un traitement comportemental a montré que le la N-acétylcystéine facilitait la thérapie à long terme (Grant et al., 2014a). D’autre part, une étude combinant la TCC avec des antidépresseurs a démontré que cette combinaison contribuait au maintien des effets bénéfiques du traitement sur la sévérité de jeu (Choi et al., 2016). Par contre, il ne faut pas oublier que l’utilisation pharmacologique de ces médicaments est souvent accompagnée d’effets secondaires tels que des maux de tête, des changements d’humeur, des nausées, des problèmes de sommeil, etc. et que leur efficacité peut être très variable d’un individu à l’autre (Grant and Kim, 2006).

En outre, le consensus dans la littérature au sujet des traitements pour le jeu pathologique est qu’il faut chercher des thérapies alternatives permettant d’améliorer la prise de décision mal adaptée et de réduire le craving efficacement afin de promouvoir l’abstinence à long terme chez les joueurs pathologiques. Le développement récent de méthodes de stimulation non invasive, telle que la stimulation électrique transcrânienne en courant continu (tDCS), offre la possibilité d’agir de façon non invasive sur les symptômes et substrats neuronaux de plusieurs maladies neurologiques et psychiatriques. Il est donc envisageable

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que cette technique puisse être appliquée chez les joueurs pathologiques. Dans la prochaine partie, nous allons décrire cette technique et son mode de fonctionnement ainsi que présenter les différents travaux pertinents dans le cadre des questions de recherche de cette thèse.