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2. Caractéristiques comportementales associées au jeu pathologique

2.1. Prise de décision

2.1.3. Impulsivité

La définition de l’impulsivité varie selon les auteurs. Selon Nower et Blaszczynski (2006), la notion d’impulsivité recouvre différentes notions : action avec un manque de préméditation, décision rapide faite sans considération, absence de planification, prise de risque et recherche de sensation, activation motrice et manque de délibération (Nower and Blaszczynski, 2006). D’autre part, Moeller, Gerard et collaborateurs (2011) stipulent que l’impulsivité peut être réduite à trois éléments : 1) sensibilité moins importante aux conséquences négatives du comportement. 2) réactions rapides et non planifiées aux stimuli avant le traitement complet de l’information. 3) manque de considération pour les conséquences à long terme (Moeller et al., 2001). L’impulsivité est d’une part considérée comme un facteur de vulnérabilité au développement du jeu pathologique, mais elle est aussi perçue comme une conséquence de ce comportement (Ledgerwood et al., 2009).

L’outil clinique par excellence pour l’évaluation de l’impulsivité est la « Barratt Impulsiveness Scale » (BIS). Cette échelle consiste en un autoquestionnaire qui distingue l'impulsivité cognitive (prendre des décisions rapidement), l'impulsivité motrice (agir sans penser), et l'impulsivité de planification (absence de mesure des conséquences futures (Patton et al., 1995; Bayle et al., 2000). L’échelle contient au total 34 items dans la version BIS-10 et 30 items dans la version BIS-11 et les réponses sont fournies à l'aide d'une échelle de type « Likert » de 4 points allant de « rarement / jamais » à « presque toujours / toujours ». Plus les scores obtenus sont élevés, plus le niveau d’impulsivité est élevé. Une autre échelle d’impulsivité couramment utilisée est la « UPPS Impulsive Behavior Scale » (Whiteside and Lynam, 2001). Elle permet de distinguer quatre dimensions de l’impulsivité : (1) l'urgence, la tendance à agir imprudemment dans des conditions pouvant engendrer des conséquences négatives (2) la préméditation, la tendance à réfléchir sur les conséquences de nos actes avant d’agir ; (3) la persévérance, la capacité d'un individu à rester concentré dans cet acte ; (4) la recherche de sensations, soit la tendance à poursuivre des activités

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passionnantes et l’ouverture d’esprit à des nouvelles expériences qui pourraient être dangereuses. L’échelle contient 45 items au total.

Un niveau plus élevé d’impulsivité a été observé chez les joueurs pathologiques comparés aux sujets contrôles à l’échelle de Barratt (Clarke, 2004; Forbush et al., 2008; Dannon et al., 2010; van Holst et al., 2010a) et l’échelle « UPPS Impulsive Behavior Scale » (Kraplin et al., 2014a; Kraplin et al., 2014b) notamment dans la sous-catégorie « urgence ».

D’autre part, des tâches cognitives telles que la Delay-Discounting Task (DDT) permettent d’avoir une mesure comportementale de l’impulsivité. En effet, la DDT est un reflet direct du choix impulsif (Kirby and Marakovic, 1996). La tâche consiste à faire des choix hypothétiques entre une petite récompense immédiate ou une plus grande récompense différée. Par exemple : « Préférez-vous 14 $ aujourd'hui ou 25 $ dans 19 jours ? » Cette tâche illustre jusqu’à quel point une personne peut réduire la valeur accordée aux récompenses futures. Ce phénomène de choix inter-temporel suit une loi hyperbolique. Le critère d'évaluation de l'impulsivité sera la valeur k qui détermine la pente de la réponse hyperbolique du sujet testé (Hecht et al., 2013). Plus la pente est raide (plus le k est grand) plus les choix à petites récompenses immédiates sont favorisés par rapport aux choix à plus grandes récompenses différées. Ainsi, le ratio des choix immédiats sur les choix différés est aussi utilisé pour mesurer l’impulsivité dans cette tâche.

Dans plusieurs études un niveau d’impulsivité plus élevé a été observé chez les joueurs pathologiques comparativement aux volontaires sains, illustré par plus de choix à petite récompense immédiate à la DDT (Petry, 2001; Dixon et al., 2003; Madden et al., 2009; Petry, 2012). Des études ont aussi relevé que la performance à la DDT était corrélée à la sévérité du problème de jeu chez ces derniers (Alessi and Petry, 2003; Miedl et al., 2012; Kraplin et al., 2014b).

La prise de décision mal adaptée est une caractéristique du joueur pathologique. Celle - ci le conduit à prendre des risques élevés et à faire des choix impulsifs lors de la recherche de récompense pendant qu’il est en train de jouer, comportement menant souvent à de fortes conséquences négatives. Or, lorsqu’il n’est pas en train de jouer, il ressent tout de même une forte envie de retourner jouer, une sensation qui l’empêche de lâcher prise et qui le conduit à la rechute, le craving.

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2.2. Craving

2.2.1. Définition

Le craving est un symptôme commun à toutes les dépendances (Tiffany and Wray, 2012) et est maintenant reconnu comme un critère essentiel dans le diagnostic de trouble de dépendance aux substances. Une définition basée sur ce qui est connu dans le domaine du trouble de dépendances aux substances est celle d’une motivation à chercher un objet ou un sentiment particulier, impliquant un besoin, ou un désir intense (Tassin, 2007). Le craving peut être induit classiquement par l’abstinence, mais également par le stress et l’exposition à des stimuli environnementaux. Souvent, cet état d’esprit survient dans l’environnement où le sujet a déjà consommé auparavant (DSM-5 critère craving dans trouble des dépendances aux substances). Par ailleurs, c’est cette sensation forte de besoin qui mène souvent aux comportements de prise de décisions mal adaptées et pousse l’individu à aller se procurer la substance désirée.

Même si le craving n’a pas été retenu en tant que tel dans les critères du DSM-5 pour le jeu pathologique, d'autres critères de diagnostic et de dépistage tels que les efforts infructueux pour quitter le jeu et chasser les pertes, impliquent l'expérience psychologiq ue d'un désir intense ou de la contrainte subjective de jouer. De plus, de nombreux chercheurs, cliniciens et joueurs prétendent que le craving est un facteur prépondérant dans le développement et le maintien du jeu pathologique (Sharpe, 2002) et qu’elle serait un fort prédicteur de la rechute (Oei and Gordon, 2008) et de l’attrition au traitement (Smith et al., 2010).