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CHAPITRE II : Effets de la tDCS sur la concentration de métabolites neuronaux chez

3. Effets comportementaux de la tDCS chez les joueurs pathologiques

L’étude 1 a permis d’évaluer les effets de la tDCS sur la prise de risque et le craving chez 15 joueurs pathologiques. Pour ce faire, ces individus ont effectué la tâche de prise de risque BART et ont complété une échelle évaluant le craving pour le jeu grâce à quatre EVA avant et après la séance de tDCS.

Prise de risque :

Les résultats de cette étude ne nous ont pas permis de valider notre hypothèse de départ, stipulant que la tDCS active diminuerait la prise de risque chez les joueurs pathologiques. En effet, cette hypothèse était basée sur les résultats de l’étude de Fecteau et collaborateurs (2007) montrant qu’une seule session de tDCS appliquée bilatéralement sur le DLP FC (durée

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de 20 min, intensité de 2mA) induisait une diminution la prise de risque telle que mesurée à la BART (Fecteau et al., 2007b). Dans cette étude présentant un paradigme en « Online », la BART était administrée pendant la tDCS. En revanche, nos résultats s’inscrivent dans la ligne des travaux de Weber et collaborateurs (2014) qui ont tenté sans succès de répliquer ces résultats chez des volontaires sains en appliquant la tDCS bilatéralement sur le DLPFC (durée de 15 min, intensité de 1.5mA) et en administrant la BART avant et après la stimulation, soit un paradigme « Offline » (Weber et al., 2014).

À partir de ces études, deux grandes hypothèses ont pu être émises pour expliquer la divergence dans nos résultats par rapport à la littérature. Premièrement, les effets de la tDCS sur la prise de risque varieraient entre les protocoles « online » et « offline ». Il a été suggéré que les effets de la tDCS perdurent l’équivalent du temps de la stimulation et peuvent même durer jusqu’à 90 minutes après la fin de celle-ci dans une étude mesurant des potentiels évoqués moteurs (Stagg et al., 2009). Cependant, il se peut que ceci ne soit pas le cas avec une mesure comportemental de type prise de risque telle que celle utilisées dans notre étude. Deuxièmement, ces divergences pourraient s’expliquer par des paramètres tels que l’intensité de la stimulation utilisée dans notre étude (1 mA), empêchant ainsi d’obtenir des effets suffisamment importants après la période de stimulation.

Un autre point à soulever est la possibilité que notre groupe de joueurs ne présentait pas un comportement plus risqué qu’une population de volontaires sains. En effet, pendant la BART, le nombre moyen de gonflements du ballon dans notre groupe était de 33 ± 17.2, alors que dans la seule autre étude évaluant la BART chez les joueurs pathologiques, ce nombre s’élevait à 42.6 ± 25.3 pour les joueurs et à 23.4 ± 17.5 pour le groupe contrôle. D’autre part, dans l’étude de Fecteau et collaborateurs (2007) ce nombre était de 42 pour le groupe de volontaires sains recevant le placébo et passait à 25 pour ceux recevant la tDCS active (Fecteau et al., 2007b). Ainsi, nous pourrions proposer que la présence d’un comportement peu risqué chez nos joueurs a causé un « effet plancher » de la tDCS. Par ailleurs, dans l’étude de Sela et collaborateurs (2012), cet « effet plancher » a notamment été observé lorsque la stimulation transcrânienne à courant alternatif (tACS) a été appliquée au niveau du DLPFC chez des volontaires sains qui effectuaient la BART (Sela et al., 2012). Dans cette étude, le nombre moyen de gonflements du ballon était de 30 et la stimulation du DLPFC droit n’a eu aucun effet.

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Craving :

En deuxième lieu, nous n’avons pas trouvé de changements liés aux niveaux de craving dans aucune des quatre EVA administrées suite à l’application de la tDCS au niveau du DLPFC. Le craving est suggéré comme étant un facteur clé dans le maintien des dépendances ainsi qu’un facteur prédicteur de la rechute (Tiffany and Wray, 2012). D’autre part, il pourrait possiblement constituer un facteur prédictif de l’efficacité d’une intervention visant à réduire les comportements addictifs (Witkiewitz et al., 2011). En outre, des diminutio ns significatives du niveau de craving ont été observées auparavant chez les individus avec un trouble de dépendance aux substances lorsque la tDCS était appliquée au niveau du DLPFC. Dans certains cas, la diminution de craving était accompagnée d’une diminution de la sévérité du trouble et d’une diminution de la consommation de la substance recherchée (Jansen et al., 2013; Hone-Blanchet et al., 2015). De plus, chez les joueurs pathologiques, le

craving a été associé à la connectivité fonctionnelle au repos des circuits fronto-striataux. En

effet, dans l’étude de Koehler et collaborateurs, la connectivité fronto-striatale anormalement accrue chez les joueurs pathologiques était positivement reliée au score de craving obtenu à partir d’une seule EVA (c.-à-d. quelle est l’intensité de votre envie de jouer ?) (Koehler et al., 2013). Il était donc pertinent de penser qu’en ciblant le DLPFC et le réseau fronto-stritatal avec la tDCS, il aurait été possible d’induire des changements dans le niveau de craving.

Une explication plausible pour le manque de résultats serait la méthode employée dans l’étude pour mesurer le niveau de craving. En effet, nous avons opté pour des mesures en forme de EVA à questions ouvertes (ex : j’ai envie de jouer/je n’ai pas envie de jouer) sans avoir induit le craving. Il semblerait que cette méthode ne soit pas la plus efficace pour mesurer le craving lié au jeu (Ashrafioun and Rosenberg, 2012). En effet, les paradigmes de

craving induit (« cue-induced craving »), passant par l’utilisation d’une tâche d’observation

passive présentant des stimuli liés au jeu ou par des vidéos de jeu, sont considérés comme les approches les plus écologiques pour évaluer le craving chez les populations présentant une dépendance aux substances et sont couramment utilisés dans les études appliquant la tDCS ou la TMS pour réduire le craving (Jansen et al., 2013; Grall-Bronnec and Sauvaget, 2014; Hone-Blanchet et al., 2015). Par ailleurs, dans une étude récente, le craving induite par des vidéos présentant des scénarios de gambling a été réduite chez 22 joueurs pathologiques après une seule session de rTMS active sur le DLPFC gauche (Gay et al., 2016).

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Un autre point à mentionner est que le craving a été mesuré avant et environ 5 minutes après la stimulation, soit un paradigme « Offline ». Encore une fois, il est suggéré que les effets de la tDCS perdurent l’équivalent du temps de la stimulation et peuvent dépasser cette durée, voire même persister plusieurs heures (Stagg et al., 2009). Or, il se peut possiblement que dans notre étude la persistance dans le temps des effets de la stimulation d’ont pas été suffisamment durables pour moduler le comportement de craving tel que mesuré par nos EVA. Ainsi, considérant que nous avons observé des changements au niveau de la connectivité fonctionnelle pendant la tDCS, il aurait peut-être été plus pertinent de mesurer le niveau de craving pendant la stimulation.

Enfin, il est important de noter que les paramètres de stimulation utilisés (30 min, 1mA) ont été choisis en fonction des recommandations d’utilisation de la tDCS pendant une session d’IRM. Ces paramètres diffèrent de ceux utilisés dans la plupart des études ayant démontré des effets bénéfiques de la tDCS sur le craving chez des patients souffrant de troubles de dépendance aux substances. En effet, ces études utilisent fréquemment une intensité de courant supérieure (1.5-2mA) et appliquent souvent des protocoles de sessions répétées (Hone-Blanchet et al., 2015). Il est donc possible qu’une intensité de courant plus élevée et des sessions répétées de tDCS puissent provoquer des effets comportementaux plus marqués. D’autre part, il est possible qu’employer le montage inverse lors de la stimulation bilatérale du DLPFC, c'est-à-dire avec l’anode à gauche et la cathode à droite, ait un effet plus important sur le craving (pour métanalyse Jansen et al., 2013; pour revue Hone-Blanchet et al., 2015).

4. Effets de la tDCS sur les concentrations de métabolites