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1.3 Le mélanome uvéal

1.3.4 Diagnostic et traitement du mélanome uvéal

1.3.4.2 Le traitement des métastases

Après le traitement de la tumeur primaire, il est important de surveiller l’apparition de métastases hépatiques. Un bilan sanguin comprenant des tests biochimiques sur la fonction hépatique et une imagerie du foie (ultrasonographie abdominale et tomographie à émission de positron) sont réalisés de 1-2 fois par année afin de diagnostiquer des lésions [67]. La survie des patients suite au diagnostic des métastases hépatiques varie de 4 à 30 mois [68]. Des études ont démontré que la survie des patients est indépendante de la méthode de traitement de la tumeur primaire [24, 69] et le taux de survie des patients demeure inchangé depuis les années 70s [69]. Plusieurs données supportent le concept de micrométastases

précoces dans le mélanome uvéal [61, 66]. Ainsi, des métastases cliniquement indétectables se développeraient avant le diagnostic de la tumeur oculaire [61, 66].

Dans les rares cas de métastase hépatique isolée, le patient peut être traité par résection chirurgicale. Cette technique permet d’allonger significativement la survie des patients [16, 68]. Il a été rapporté dans la littérature que la survie moyenne après chirurgie varie de 23 à 27 mois [70-72].

Avec une réponse thérapeutique inférieure à 10%, le mélanome uvéal est un cancer chimiorésistant [73]. Une détection précoce des métastases permet d’utiliser des traitements comme la chimioembolisation qui associe une injection dans le foie d’un agent chimiothérapeutique qui va agir au plus proche de la tumeur à un blocage de la circulation sanguine qui alimente la tumeur à l’aide d’emboles [74]. Un cathéter est inséré dans l’artère fémorale pour remonter jusqu’à l’artère hépatique. Un colorant radio-opaque ainsi qu’une angiographie permet de détecter les branches de l’artère qui alimentent la tumeur. Une éponge de gélatine est ensuite injectée dans l’artère, ce qui va emprisonner l’agent chimiothérapeutique dans le foie [75]. La chimioembolisation est recommandée lorsque la résection chirurgicale n’est pas possible [70]. Les principaux agents utilisés sont la doxorubicine, la mitomycine, la dacarbazine, la carmustine, la fotémustine et la cisplatine. La survie moyenne est de 6 à 14 mois en utilisant la cisplatine comme chimioembolisant, 6 mois pour la fotémustine et 11 mois pour la doxorubicine et la mitomycine [16, 75]. La survie moyenne peut être augmentée à 16 mois avec une combinaison des agents cisplatine, vinblastine et dacarbazine [76]. Enfin, la chimiothérapie systémique peut représenter une autre option de traitement qui permet d’allonger la survie des patients avec une régression partielle des métastases, mais le cancer finit par l’emporter [16].

L’ablation laparoscopique par radiofréquences peut également être utilisée pour le traitement des métastases hépatiques [77]. Ce traitement utilise la chaleur produite par le courant électrique des électrodes pour détruire les cellules cancéreuses [77]. Il s’utilise dans le cas où une chirurgie n’est pas réalisable [77].

L’immunothérapie est une option plus récente de thérapie et s’est révélée efficace dans plusieurs types de tumeurs [78-80]. Elle stimule le système immunitaire afin de reconnaitre

et détruire plus efficacement les cellules cancéreuses du patient [81]. Il existe plusieurs stratégies d’immunothérapie notamment utilisées dans le traitement du mélanome cutané: les inhibiteurs de « checkpoints », les cytokines, la thérapie virale oncolytique et le vaccin du Bacille Calmette-Guérin (BCG). Les inhibiteurs de « checkpoints » ciblent des protéines sur les cellules immunitaires, des freins du système immunitaire qui doivent être activées ou réprimées pour stimuler une réponse immunitaire [81]. Les cellules cancéreuses du mélanome modulent parfois ces « checkpoints » pour éviter d’être détruites par le système immunitaire. Le CTLA-4 (cytotoxic T-lymphocyte associated protein 4) est l’un des « checkpoints » immunologiques. C’est un récepteur présent à la surface des cellules T qui bloque la réponse immunitaire en stoppant leur activation par interaction avec son ligand. L’inhibiteur de CTLA-4 (ipilimumab) fut la première drogue approuvée pour le traitement du mélanome cutané métastatique par immunothérapie [82]. Il est administré par intraveineuse toutes les 3 semaines pendant 4 traitements dans le cas du mélanome. Une amélioration significative de la survie globale des patients a été rapportée dans deux essais cliniques de phase III [79, 80]. Depuis 2015, l’ipilimumab a été accepté comme thérapie adjuvante pour les patients atteints de mélanome cutané au stade III. Il augmente de 30% la survie des patients prétraités avec d’autres types de thérapies [83]. Cependant, l’ipilimumab a une activité clinique limitée chez les patients atteints de mélanome uvéal métastatique [84, 85]. D’autres inhibiteurs de « checkpoints » ont été développés. Le PD-1 (programmed

cell death 1) est un autre récepteur présent à la surface des lymphocytes T. Son interaction

avec son ligand PD-L1 (programmed cell death ligand 1), présent à la surface des cellules cancéreuses, inhibe la réponse immunitaire. Des inhibiteurs de PD-L1, comme le nivolumab et le pembrolizumab sont utilisés pour traiter le mélanome cutané et le mélanome uvéal [86]. Ils sont administrés par intraveineuse toutes les 2-3 semaines pendant 4 traitements dans le cas du mélanome. Il a été démontré qu’une combinaison du nivomulab et de l’ipilimumab augmentait la survie des patients [82].

La thérapie par transfert adoptif de lymphocytes T est une stratégie d’immunothérapie de plus en plus utilisée. Ce type de traitement consiste à prélever des lymphocytes T d’un patient, puis à les manipuler en laboratoire et les réinjecter à ce même patient, de manière à ce que la réponse induite par le système immunitaire soit plus efficace [87].

Les virus oncolytiques sont également utilisés pour le traitement du cancer en infectant et en tuant spécifiquement les cellules cancéreuses [81]. Un des plus connus est le Talimogene laherparepvec (T-VEC) qui a démontré des résultats probants dans le mélanome cutané [88].

Enfin, le vaccin BCG est parfois utilisé pour traiter les patients au stade III en l’injectant directement dans la tumeur toutes les 2 semaines pour stimuler leur système immunitaire. Étant donné qu’une activation constitutive de la voie des MAPK est observée dans le mélanome uvéal, une thérapie ciblée avec des inhibiteurs de cette voie, visant notamment

GNAQ/GNA11 et MEK, est prometteuse [89]. Plusieurs molécules ont été testées mais la

plus efficace semble être le selumetinib (AZD6244), un inhibiteur des récepteurs de tyrosine kinase qui présente des effets anti-angiogénique et anti-prolifératif [90, 91]. Le sorafénib, un inhibiteur de plusieurs kinases telles que RAF, VEGFR et PDGFR, a été testé chez les patients atteints de mélanome uvéal, mais aucune efficacité n’a été observée [92]. L’inconvénient majeur avec les inhibiteurs de la voie des MAPK est le manque de réponse thérapeutique durable; ces drogues agissent en général de 6 à 10 mois. Il est possible qu’un traitement adjuvant avec des inhibiteurs de la voie des MAPK conduise à une récurrence plus agressive [90].

Enfin, la thérapie épigénétique est une autre option de traitement adjuvant. Contrairement aux mutations génétiques qui sont irréversibles, les marques épigénétiques sont dynamiques et plusieurs drogues épigénétiques ont été développées pour traiter les cancers [93]. Ainsi, dans le mélanome uvéal, les inhibiteurs des enzymes DNMTs (DNA methyltransferases) et HDACs (histones deacetylases) avaient un effet anti-cancéreux in vitro [93, 94]. Un inhibiteur des HDACs tel que l’acide valproïque a entrainé la différenciation des cellules du mélanome uvéal in vitro et prolongé la dormance des micrométastases in vivo [74, 94]. Par ailleurs, la combinaison de drogues épigénétiques, telles que la décitabine (agent déméthylant) ou le panobinostat (inhibiteur des HDACs), avec de la chimiothérapie (i.e. temozolomide) a généré des résultats suffisamment convaincants pour débuter une étude clinique de phase II [95].