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Étude #1: Expression of serotonin receptor 2B and effects of an antagonist on

Une signature moléculaire pronostique reflète la capacité d’une tumeur à métastaser [6]. Le récepteur 2B de la sérotonine (HTR2B) représente le transcrit le plus discriminant du test pronostique utilisé en clinique pour le mélanome uvéal et il est surexprimé dans la tumeur de patients qui développent plus tard des métastases [7]. HTR2B a déjà été décrit comme un oncogène dans plusieurs cancers [8-11], mais son rôle fonctionnel dans la progression du mélanome uvéal demeure encore mal connu. L’étude présentée au Chapitre 2 supporte un rôle de HTR2B dans la progression métastatique du mélanome uvéal.

Dans un premier temps, un immunobuvardage de type Western a permis de démontrer que les lignées dérivées de tumeurs primaires de patients ayant développé des métastases expriment fortement le récepteur HTR2B, suggérant que les trois lignées de mélanome uvéal choisies pour notre étude sont de bons modèles pour analyser l’impact de la répression de HTR2B. Dans un deuxième temps, nous avons inhibé pharmacologiquement HTR2B à l’aide de l’antagoniste sélectif PRX-08066. La structure de PRX-08066 est très similaire à celle de la sérotonine, nous pensons qu’elle lui permet de compétitionner avec le

ligand sur le site de liaison du récepteur HTR2B. Des traitements avec cet antagoniste ont réduit in vitro la viabilité, la prolifération, l’auto-renouvellement et la migration des cellules cancéreuses, avec une efficacité variable en fonction des lignées cancéreuses. Ainsi, l’antagoniste PRX-08066 a induit une réduction de la prolifération des lignées traitées en affectant notamment la phase mitotique du cycle cellulaire, ce qui a déjà été observé dans d’autres cancers avec des inhibiteurs spécifiques de HTR2B [8, 10]. De plus, une diminution du nombre de colonies sur méthlycellulose a été mesurée dans les lignées traitées avec PRX-08066, ce qui supporte un rôle de HTR2B dans la capacité d’auto- renouvellement des cellules cancéreuses du mélanome uvéal. Nos essais de migration ont démontré une réduction de la motilité des cellules cancéreuses traitées avec PRX-08066. Cet effet a déjà été observé dans les tumeurs neuroendocrines du petit intestin [10] et il est connu que les inhibiteurs de HTR2B interfèrent avec la migration des précurseurs des mélanocytes [12]. Enfin, les données obtenues avec les protéomes de phospho-kinases ont confirmé l’inhibition par l’antagoniste PRX-08066 de l’activité de kinases telles que la β- caténine, PYK2, STAT5A et STAT5B, impliquées dans des voies de signalisation favorisant la prolifération, l’auto-renouvellement et la migration. Ainsi, ces protéines sont associées à la capacité d’auto-renouvellement des cellules souches cancéreuses [13-16]. Nous sommes les premiers à rapporter une activation constitutive de STAT5 dans le mélanome uvéal. STAT5 est phosphorylée dans 60% des métastases du mélanome cutané par rapport aux mélanocytes normaux [17] et cette phosphorylation permet aux cellules cancéreuses de surpasser la réponse anti-proliférative médiée par l’interféron alpha [18]. Aussi, il a déjà été rapporté que l’inhibition pharmacologique de la β-caténine réduit la croissance des lignées cancéreuses dérivées des mélanomes uvéal et cutané [19, 20]. Récemment, il a été démontré qu’un inhibiteur de HTR7 diminue la phosphorylation de la β-caténine dans l’hépatocarcinome cellulaire [21] et que le récepteur HTR1D favorise la progression des métastases en activant la β-caténine [22]. Notre étude a donc permis de démontrer que le récepteur HTR2B est un promoteur de métastases et qu’il représente une cible intéressante dans le cas d’une thérapie adjuvante du mélanome uvéal qui pourrait être administrée en association avec une chimiothérapie pour obtenir une réponse plus durable chez les patients.

Pour la suite de notre étude, nous avons utilisé la technologie d’édition du génome CRISPR/Cas9 (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats/Cas9) dans le but de réprimer la transcription du gène HTR2B pour une étude préclinique chez le modèle murin. Découverte dans le génome de E. coli en 1987, suite à l’observation de courtes séquences répétées palindromiques et régulièrement espacées, cette technologie a révolutionné la biologie moléculaire [23, 24]. Le système requiert la protéine Cas9, une endonucléase qui possède deux sites actifs qui permettent de cliver chacun un brin d’une molécule d’ADN double brin. La Cas9 est guidée sur sa cible par un ARN guide (ARNg), une molécule d’ARN contenant une séquence complémentaire à celle à cliver, délimitée par un motif PAM. La Cas9 induit une coupure double brin spécifique, qui est ensuite réparée par les systèmes de recombinaison homologue ou non homologue. Lors de la recombinaison homologue, un ADN donneur peut être inséré au site de coupure (Figure 5.1) [25]. Cette technique peut être utilisée dans des cellules humaines, animales ou bactériennes et permet de muter ou de corriger un gène [26-29].

Figure 5.1: Édition du génome avec CRISPR/Cas9. Adaptée de [25].

Nous avons établi une collaboration avec l’équipe du Pr Jacques P. Tremblay (CHUL, Québec) afin d’utiliser leur expertise avec la technologie CRISPR/Cas9 pour modifier nos lignées métastatique du mélanome uvéal. Un total de 16 ARNg ciblant les exons 1 et 2 du gène HTR2B ont été synthétisés et clonés dans le plasmide « pSpCas(BB)-2A-GFP-

gRNA » [30]. Ces plasmides ont ensuite été transfectés dans la lignée HEK293T (Figure 5.2).

Figure 5.2: Cellules HEK293T transfectées à la lipofectamine avec l’un des plasmides pSpCas(BB)-2A-GFP-ARNg HTR2B.A. Morphologie en contraste de phase 48h post-

transfection. B. Cellules GFP+ 48h post-transfection. L’intensité de la fluorescence est proportionnelle à l’efficacité de transfection.

Un test enzymatique de surveyor (IDT) a ensuite été effectué avec l’ADN des cellules HEK293T transfectées avec les 16 plasmides afin de détecter la présence de mutations dans les deux exons du gène HTR2B. La nucléase surveyor reconnaît et clive les mésappariements causés par des insertions/délétions ou des polymorphismes mononucléotidiques.

Figure 5.3: Test enzymatique de surveyor.Amplification PCR des exons 1 et 2 du gène HTR2B

effectuée avec l’ADN des cellules HEK293T transfectées avec les 16 ARNg, suivi du test enzymatique de surveyor qui permet de détecter la présence de mutations selon le nombre de produits clivés. Les flèches rouges indiquent les puits avec coupures.

En perspectives, nous testerons l’activité des six ARNg sélectionnés dans nos lignées métastatiques de mélanome uvéal. Les cellules GFP+ les plus fluorescentes seront triées dans des plaques 96-puits par cytométrie en flux. Suite à leur expansion, l’ADN des colonies sera extrait pour effectuer du séquençage afin de choisir des clones avec des mutations tronquantes dans les 2 allèles du gène HTR2B. Ces clones de lignées métastatiques HTR2B- seront ensuite injectés dans la rate de souris immunodéficientes afin d’étudier leur potentiel métastatique. Le nombre et la taille des métastases hépatiques seront déterminés par des analyses immunohistochimiques avec le marqueur MART1. Cette étude in vivo permettra de confirmer le rôle central de HTR2B dans la dissémination du mélanome uvéal.

5.2 Étude #2: Analysis of DNA hydroxymethylation in melanocytes and