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Le récepteur 2B de la sérotonine (HTR2B) dans la signature moléculaire

1.4 Les mécanismes moléculaires du cancer

1.4.4 Le récepteur 2B de la sérotonine (HTR2B) dans la signature moléculaire

1.4.4 Le récepteur 2B de la sérotonine (HTR2B) dans la signature moléculaire pronostique du mélanome uvéal

Le potentiel métastatique serait inscrit génétiquement dans la tumeur primaire; une signature moléculaire pronostique reflèterait donc la capacité de la tumeur à métastaser et permettrait de déterminer le suivi clinique du patient et son traitement [108]. Depuis quelques années, la découverte de signatures moléculaires pronostiques pour plusieurs cancers comme celui du sein s’est accélérée [103, 109].

Actuellement, une signature moléculaire pronostique de 15 gènes a été identifiée dans le mélanome uvéal [110]. Cette signature est basée sur l’expression différentielle de 12 transcrits (HTR2B, ECM1, RAB31, CDH11, FXR1, LTA4H, EIF1B, ID2, ROBO1, LMCD1, SATB1 et MTUS1) (Figure 1.13) qui permet de diviser les mélanomes uvéaux en 2 classes [110], ainsi que 3 contrôles endogènes (MRPS21, RBM23, SAP130) exprimés de façon similaire entre les 2 classes.

Figure 1.13: Signature moléculaire pronostique du mélanome uvéal et survie selon la classe.

Carte thermique d’expression génique présentant l’expression des 12 ARNm de la signature. Le bleu représente une faible expression génique et le rouge représente une forte expression génique (A). Diagramme de survie de Kaplan-Meier montrant la survie (en mois) chez 172 patients en fonction de la classe 1 et de la classe 2 (B). Adaptée de [110].

Cette signature moléculaire a fait l’objet d’un test commercialisé sous le nom de

DecisionDX-UM, qui a été utilisé sur plus de 1 500 patients dans 100 centres en Amérique

du Nord, avec un taux de succès de 97% [53]: la classe 1A indique une très faible probabilité de développer des métastases (2% sur 5 ans), la classe 1B une faible probabilité de développer des métastases (21% sur 5 ans) et la classe 2 un fort risque de développer des métastases (72% sur 5 ans). Le récepteur 2B de la sérotonine (HTR2B) est le transcrit le plus discriminant de cette signature et il est surexprimé dans les cas métastatiques [110].

1.4.4.1 Les récepteurs de la sérotonine

Les récepteurs de la sérotonine (5-HTs) sont divisés selon la classification internationale des récepteurs de la sérotonine en sept sous-familles en fonction de leurs propriétés pharmacologiques, leurs séquences en acides aminés, leurs organisations géniques et leurs voies de signalisation [111]. Les récepteurs 5-HT1, 5-HT2, 5-HT4, 5-HT5, 5-HT6 et 5-HT7

sont couplés aux protéines G (GPCRs), alors que le récepteur 5-HT3 forme des canaux

ioniques [112]. Les récepteurs couplés aux protéines G présentent une structure commune avec sept hélices alpha transmembranaires (TM), une extrémité amino-terminale

extracellulaire glycosylée et une extrémité carboxy-terminale intracellulaire orientée vers le cytoplasme. Cette dernière interagit avec les protéines G et les sites de phosphorylation par l’intermédiaire de sérine-thréonine kinases [112, 113]. Les sept hélices alpha transmembranaires sont connectées par trois boucles intracellulaires (i1 à i3) et trois boucles extracellulaires (e1 à e3) (Figure 1.14) [114]. Une hélice alpha supplémentaire nommé « hélice 8 » est localisée derrière la septième hélice alpha transmembranaire. Deux cystéines présentes après cette hélice supplémentaire sont associées à un palmitate et permettent un ancrage supplémentaire à la membrane.

Figure 1.14: Structure typique des récepteurs couplés aux protéines G. Adaptée de [114].

Protéine conduisant à la formation de l’hétérotrimère αßγ pour la transmission du signal.

L’activation des récepteurs couplés aux protéines G se divise en plusieurs étapes: la génération d’un signal induit par la liaison d’un ligand, le transfert du signal à travers les domaines transmembranaires (I à VII), la transduction du signal à des seconds messagers, puis la désensibilisation du récepteur. Le signal est généré lorsqu’un ligand se lie sur le récepteur et favorise une conformation active. Une fois activé, le récepteur interagit avec une protéine Gq hétérodimérique et la stimule en catalysant l’échange d’un GDP (guanosine diphosphate) en GTP (guanosine triphosphate) sur la sous-unité Gα. Cette étape

nécessite la formation d’un complexe ternaire formé avec le ligand, pour que la transduction du signal soit initiée. La sous-unité Gα active la phospholipase C (PLC) qui va hydrolyser le phosphatidylinositol biphosphate (PIP2) en inositol triphosphate (IP3) et 1,2- diaglycerol (DAG). La protéine kinase C (PKC) est ensuite activée. Enfin, le signal est arrêté par l’hydrolyse du GTP en GDP grâce à l’activité enzymatique intrinsèque présente dans la sous-unité Gα, ce qui entraîne une reformation de l’hétérotrimère αßγ inactif [114]. Ces récepteurs sont la cible de 30 à 40% des médicaments et de nombreuses structures ont été cristallisées en présence d’agonistes ou d’antagonistes [114]. Les GPCRs interagissent avec des partenaires transmembranaires ou solubles (interactions avec la queue en C- terminale), nommés GIPs (GPCR-interacting proteins) (Figure 1.14) [114].

1.4.4.2 La sérotonine

La sérotonine a été identifiée en 1946 sous le nom d’entéramine et deux ans plus tard, elle a été décrite comme un vasoconstricteur présent dans le sang. Elle a ainsi été renommée « sérotonine » pour la contraction des mots « sérum », sa source, et « tonique » pour son action sur les vaisseaux sanguins [115]. L’année suivante, la sérotonine est appelée chimiquement 5-hydroxytryptamine (5-HT), puis elle est synthétisée en 1951. Elle a été mise en évidence dans le système nerveux central des mammifères en 1953 [116].

La sérotonine est une monoamine de la famille des indolamines [112]. Elle est synthétisée de façon endogène à partir du tryptophane. Une partie est produite au niveau du système nerveux central par les cellules du raphé, mais la majeure partie est produite dans les cellules chromaffines intestinales pour être stockée dans les plaquettes sanguines [112]. La sérotonine est ensuite métabolisée puis dégradée par les monoamines oxydases [112]. La sérotonine joue à la fois un rôle d’hormone et de neurotransmetteur dans le système nerveux. Elle possède de nombreux rôles physiologiques dans la thermorégulation, le sommeil, l’appétit, le comportement, la fonction cardiaque, la pression artérielle et les mouvements digestifs [112, 117]. Elle est également impliquée dans de nombreuses pathologies telles que la dépression, la migraine et l’hypertension artérielle systémique et

pulmonaire [118]. L’impact de la sérotonine sur la progression tumorale est méconnu, mais certaines études lui attribuent des propriétés mitogéniques et angiogéniques [118, 119].

1.4.4.3 Le récepteur 2B de la sérotonine (HTR2B)

La sous-famille des récepteurs 5-HT2 regroupe trois membres: HTR2A, HTR2B et HTR2C.

Ils activent la PLC qui hydrolyse le PIP2 en IP3 et DAG, ce qui entraine l’augmentation de la concentration intracellulaire de calcium. Ces récepteurs présentent des similarités dans leurs structures et les voies de signalisation qu’ils affectent [112, 113, 120, 121]. Le récepteur HTR2B a été décrit pour la première fois en 1957 [122]. Il est connu pour être le premier récepteur à médier les contractions de l’estomac [122]. Localisé sur le chromosome 2q36.3-2q37.1 HTR2B contient deux introns similaires à HTR2A et HTR2C [123]. La protéine comporte 481 acides aminés et possède 42-45% d’homologie avec les deux autres membres de la sous-famille[124]. Chez l’humain, le récepteur HTR2B est surtout exprimé dans le système gastro-intestinal, le système cardiovasculaire, les muscles lisses de l’intestin, les poumons et l’estomac [125, 126]. Il joue plusieurs rôles dans l’oncogenèse, la prolifération et la survie cellulaire [112]. Il est également impliqué dans la morphogénèse embryonnaire en prévenant la différenciation des cellules des crêtes neurales (précurseurs des mélanoblastes et des mélanocytes) pendant leur migration [127]. Ainsi, il a été démontré que les antagonistes du récepteur HTR2B interfèrent avec la migration des cellules des crêtes neurales en induisant leur apoptose [112].

La voie de signalisation principale des récepteurs 5-HT2 se fait par l’activation de la PLC

(Figure 1.15) [128]. De plus, HTR2B peut activer la voie de l’acide arachidonique via la phospholipase A2 et la voie de synthèse de l’oxyde nitrique via un motif PDZ [129]. Ensuite, en l’absence de facteurs de croissance, la stimulation de HTR2B provoque une activation rapide et transitoire du produit du proto-oncogène p21ras [130]. L’activation du récepteur HTR2B est mitogénique et conduit à la progression du cycle cellulaire via la voie des MAPK. Dans cette voie, SRC et PDGFR (platelet-derived growth factor receptor) sont stimulés et conduisent à l’hyperphosphorylation de la protéine RB1 (retinoblastoma 1) via l’activation des cyclines D1/CDK4 et E/CDK2 [131, 132].

Figure 1.15: Voies de signalisation sous le contrôle du récepteur HTR2B. Tirée de [131].

HTR2B peut activer plusieurs voies: la voie de l’acide arachidonique, la voie de l’oxyde nitrique ou la voie des MAPK kinases qui conduit à la progression du cycle cellulaire.

Le récepteur 2B de la sérotonine a déjà été identifié comme un oncogène dans les cancers du sein, du petit intestin et de la prostate, ainsi que dans le carcinome hépatocellulaire [119, 133-135]. Cependant, il joue un rôle de suppresseur de tumeurs dans le cancer de l’ovaire [136]. Plusieurs inhibiteurs spécifiques de faible toxicité ciblant HTR2B sont disponibles commercialement (e.g. SB204741, RS127445 et PRX-08066).