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2. Décrire la géométrie d'un milieu poreu

2.2 Connectivité et propriétés de transport élémentaires

2.2.2 Tortuosité et facteur de formation

• Définition par la conductivité électrique

La tortuosité d'un matériau peut se définir par l'expérience de pensée suivante :

U

I

Matériau Electrode

S L

Un échantillon cylindrique de matériau, de section S et de longueur L, saturé avec une solution électriquement conductrice de conductivité σ0, est placé entre deux électrodes. La matrice du matériau est supposée électriquement isolante. Lorsqu'on applique une tension U entre les électrodes, un courant électrique I traverse le matériau. Les équations microscopiques décrivant cette expérience de pensée sont :

rj = −σ0grad(

V ) et div(rj )=0 dans les pores (I-12) rj .nr =0 à la surface pore-solide (I-13) avec V le potentiel électrique, dont la valeur est imposée au niveau de chaque électrode, rj la densité de courant électrique, et n un vecteur normal à l'interface. Si lar quantité de matériau utilisée est suffisante, c'est à dire, plus grande que le volume élémentaire représentatif, on a la relation (Guéguen et Palciauskas, 1992) :

Ieff S LU avec σeff = σ 0 F =φ σ 0 τ (I-14)

σeff est la conductivité électrique apparente de l'ensemble matériau-liquide

conducteur. Elle ne dépend pas des dimensions S et L de l'expérience. Les nombres F et τ ainsi définis, intrinsèques au matériau, sont respectivement appelés facteur de formation et tortuosité du système.

• Définition par le transport par diffusion

L'expérience électrique est en fait formellement la même que l'expérience suivante de transport par diffusion. Le même matériau, saturé d'un fluide porteur immobile, est placé entre deux réservoirs de fluide contenant une espèce dissoute (un traceur) à des concentrations C1 et C2<C1. Cette différence de concentration induit à travers le matériau un flux diffusif de traceur J du réservoir 1 vers le réservoir 2.

J L

C2

C1

Figure I-13 : Expérience de transport par diffusion qui permet de définir la tortuosité.

On a alors à l'échelle microscopique :

rj = −D0grad(C) (loi de Fick) et div(rj )=0 dans les pores (I-15) rj .nr=0 à la surface solide pore (I-16) où cette fois, C est la concentration locale de traceur dans les pores, imposée sur les surfaces de contact avec les réservoirs, rj la densité de flux de traceur, et D0 le coefficient de diffusion du traceur dans le fluide, supposé indépendant de la concentration. L'analogie formelle avec le problème de conductivité électrique est

évidente, est fait que le coefficient de diffusion apparent Deff est aussi relié à D0 via le facteur de formation et la tortuosité. On obtient pour cette expérience :

J =Deff S L

(

C1−C2

)

avec Deff = D0 FD0 τ (I-17)

F et τ sont des paramètres sans dimension, indépendants du fluide conducteur ou du traceur utilisé, et donc intrinsèques au matériau. Ils sont bien entendu sensibles à la connectivité telle que décrite par le squelette du matériau, mais intègrent également une information relative à la forme des pores. Il sont en revanche insensibles à la taille de ces derniers : appliquer une homothétie sur un réseau poreux ne modifie pas sa tortuosité. De manière imagée, il est aussi facile de diffuser dans un pore, que celui-ci soit large ou étroit. Dans le cas où le matériau poreux est anisotrope, facteur de formation et tortuosité dépendent de la direction considérée dans le matériau, et on définit alors les grandeurs tensorielles d'ordre deux

( )

1F et

( )

1τ .

• Interprétations microscopiques de la tortuosité

La compréhension de la tortuosité au niveau microscopique n'est pas chose aisée. On peut néanmoins en saisir deux aspects essentiels sur les deux exemples suivants.

Le premier exemple est celui d'un réseaux poreux tubulaire.

L

L'

I II

L L

Figure I-14 : Interprétation de la tortuosité comme une mesure de l'écart à la rectitude des pores.

La figure ci-dessus représente deux matériaux poreux. Le 'réseau' poreux de gauche est un tube rectiligne de longueur L. A droite, le tube est sinueux, de longueur 'curviligne' L©>L. La section de ce dernier est réduite d'un facteur L©L par rapport au premier de sorte à assurer l'égalité des porosités globales des deux matériaux. De toute évidence, la tortuosité du premier matériau dans la direction parallèle au tube est :

τ1=1 (I-18)

Pour le deuxième matériau, on calcule sans peine à partir des définitions ci-dessus que : τ1= L    2 (I-19) La tortuosité dévoile ici son premier aspect qui est celui d'une mesure de l'écart à la rectitude des chemins de traversée du matériau.

Le deuxième exemple concerne plus directement la connectivité des pores.

I II

L L

Figure I-15 : Interprétation de la tortuosité comme mesure de la quantité de zones 'faiblement

connectées' du réseau poreux.

Là encore, la figure ci-dessus représente deux milieux poreux de même porosité. Le réseau poreux I est constitué de deux canaux parallèles d'égale section, connectés par une étroite conduite dont nous négligeons la contribution à la porosité totale. De même que dans l'exemple précédent. La tortuosité parallèlement aux canaux est égale à 1. Dans le réseau poreux II, nous avons simplement 'bouché' l'entrée et la sortie du canal inférieur. Il ne peut plus participer au transport à travers le matériau, alors même que la présence de la conduite entre les deux canaux conserve le caractère connecté du réseau. La capacité de transport du matériau est divisée par deux : sa tortuosité est donc doublée et vaut ici 2. Nous illustrons ainsi le deuxième aspect de la tortuosité, qui est celui d'une mesure de la quantité de porosité 'inefficace' vis à vis du transport par diffusion.

Les travaux relatifs à l'estimation de la tortuosité sont nombreux (voire Annexe I- B). Une de ses propriétés essentielle est qu'elle est toujours supérieure ou égale à 1. Outre les méthode 'électrique' et 'diffusive', nous verrons au chapitre III que tortuosité et facteur de formation sont également mesurables par RMN.

2.2.3 La perméabilité

La perméabilité mesure la facilité avec laquelle un fluide peut s'écouler à travers le réseau poreux. Elle se définit (et peut parfois se mesurer) dans l'expérience suivante :

Q S Matériau L

P1 P2

Figure I-16 : Principe de l'expérience de mesure de perméabilité

Un fluide incompressible Newtonien de viscosité η est poussé à travers un échantillon cylindrique de section S et de longueur L avec une pression P1 supérieure à la pression P2 qui règne sur la face opposée. Les faces latérales de l'échantillon sont supposées étanches. Les équations microscopiques de cette expérience sont dans les pores :

grad(P)+η ∆→vr =0 (loi de Navier Stokes où sont négligés les termes inertiels) (I-20) div(v )r =0 (condition d'incompressibilité) (I-21) et vr=0 sur l'interfacer (I-22) avec P le pression locale dans les pores et v la vitesse locale d'écoulement.r Notons que le fait de négliger les termes inertiels dans la loi de Navier-Stokes suppose que la vitesse d'écoulement est faible. Si le volume de matériau utilisé est supérieur au VER, le débit de liquide à travers le matériau obéit à la loi de Darcy (1856) :

Q= k η

S(P1P2)

L (I-23)

k est la perméabilité du milieu poreux. C'est un paramètre homogène au carré d'une longueur, intrinsèque au matériau, et qui ne dépend pas du fluide utilisé. Contrairement à la tortuosité, ce paramètre est extrêmement sensible à la taille des pores et à la présence de resserrements le long des chemins de traversée du réseau : appliquer une homothétie d'un facteur α sur un poreux conduit à multiplier sa perméabilité par

α2

. Tout comme la tortuosité, la perméabilité d'un matériau anisotrope peut dépendre de la direction dans laquelle l'écoulement est créé. On définit alors un tenseur de perméabilité k .