3.4. Approche pluridisciplinaire pour définir la structure interne
3.4.3.2. Tomographie de sismique réfraction
(A) Profil de résistivités apparentes, (B) Profil de résistivités apparentes simplifié, (C) Matrice d'incertitude, (D) Profil géologique interprété.
Figure 3‐32. Tomographie de résistivité électrique Wenner‐Schlumberger du profil 6 d'orientation nord‐sud
sur le glissement du Cirque des Graves.
3.4.3.2. Tomographie de sismique réfraction
a) Protocole de mesures
Fell et al. (2000) et Jongmans & Garambois (2007) font le point des différentes méthodes géotechniques
et géophysiques disponibles pour étudier en profondeur les instabilités de versant. Selon eux et de
nombreux autres auteurs, en plus de l’imagerie par tomographie électrique, la méthode d’investigation par
tomographie sismique est l’une des méthodes géophysiques les plus efficaces pour identifier les structures
en sous‐sol de larges glissements de terrain. Les méthodes les plus répandues sont les méthodes par sismique réflexion ou réfraction. Ces méthodes géophysiques permettent une acquisition importante de
données par une instrumentation assez ‘légère’ et un traitement de données simple (Méric et al., 2007). La
méthode choisie peut être dite passive (mesure de vibrations naturelles) ou active (mesure de vibrations
provoquées) (Reynolds, 1997).
Cette méthode est ici combinée à la méthode par tomographie électrique car elle fournit des
informations complémentaires sur les propriétés géophysiques des matériaux par mesure directe et non
intrusive des ondes réfléchies par les structures géologiques de subsurface. Cette technique permet donc comme la tomographie électrique, d’obtenir une image du sous‐sol à 2 ou 3 dimensions.
Cette méthode permet, dans certains cas, de définir la surface de rupture principale lorsque les
contrastes de vitesses de propagation des ondes sont suffisamment importants (Caris & van Asch, 1991 ;
Glade et al., 2005 ; Jongmans et al., 2009) ou bien, de délimiter la position de la nappe. Cette technique
permet de prospecter à quelques dizaines de mètres de profondeur. Cette profondeur d’investigation
dépend notamment de la longueur du profil et de l’atténuation des ondes sismiques qui est considérable
dans les milieux hétérogènes (Jongmans & Garambois, 2007).
Ainsi, pour compléter les investigations de sub‐surfaces, un profil en sismique réfraction a été réalisé dans la zone est du Cirque des Graves, le secteur de l’ancien Camping (Figure 3‐15). Sa
localisation et son tracé (perpendiculaire aux principales courbes de niveau) ont été choisis de façon à
traverser la totalité de la zone active tout en se superposant aux deux profils de tomographies électriques
réalisés précédemment (profils 14 et 6 réalisés à deux dates différentes). Pour cela, un dispositif de terrain
spécifique a été mis en place avec le BRGM en mars 2011.
b) Dispositifs de mesures et traitement des données
Étant donné la topographie du site et l’hétérogénéité de la structure interne du versant, et pour espérer
atteindre des profondeurs importantes, des sources explosives ont été utilisées. Le profil sismique a une
longueur totale de 450 m. Le dispositif est constitué de 134 géophones de 10 Hz placés tous les 2 m. Vingt‐
sept tirs au cordon détonant (100g) espacés de 6 m ont été effectués.
La tomographie par sismique réfraction permet d’imager en 2 dimensions les structures de vitesses
sismiques des ondes de compression Vp (vitesse des ondes P) du sous‐sol, grâce à un algorithme d’inversion
de type SIRT (Simultaneous Iterative Reconstruction Technique) implémenté dans le logiciel de
tomographie sismique JaTS (Grandjean & Sage, 2004). Ce logiciel reconstruit le champ de vitesse Vp à partir
des temps de trajet de l’onde sismique qui sont modélisés par des volumes de Fresnel (Gance et al., in
press).
c) Résultats : Interprétation de la pseudo‐section et modèle de vitesses sismique
Les investigations ont permis d’obtenir une image du sous‐sol jusqu’à plus de 25 mètres de profondeur.
La campagne sismique met en avant un milieu très hétérogène caractérisé par une large gamme de vitesses de propagation des ondes P qui varient selon un gradient vertical, allant de 167 à plus de 2 500 m.s‐1. Les vitesses de propagation sont caractérisées par une augmentation des valeurs en profondeur
qui dépend probablement de l’altération de la roche mère (Godio et al., 2006), mais également de la dureté
et du degré de saturation des matériaux.
L’interprétation des résultats a été réalisée sur la base des valeurs de vitesses sismiques Vp relevées dans
la littérature pour différents faciès de matériaux (Tableau 3‐6). Ainsi, la distribution des champs de vitesses
de propagation indique la présence de quatre ‘couches’ distinctes (Figure 3‐33). La première couche
détectée correspond aux formations superficielles épaisses de quelques mètres, avec des vitesses sismiques
comprises entre 200 et 400 m.s‐1. Ces formations recouvrent les formations de craie associées aux sables
plus ou moins glauconieux.
Ces deux couches intimement liées sont caractérisées par des vitesses de propagation qui augmentent
progressivement en profondeur entre 600 et 1 600 m.s‐1. Le tracé en profondeur en ‘gradins’ successifs
indique très clairement, comme on pouvait s’y attendre, l’hétérogénéité liée à l’existence de ces panneaux
de craie. Au dessous, les vitesses comprises entre 1 600 et 2 200 m.s‐1 correspondent aux formations argilo‐
marneuses recouvrant les calcaires gréseux. Ces derniers présentent des vitesses supérieures à 2 200 m.s‐1.
Auteur Valeurs Vp (m.s‐1) Interprétation lithofaciès
Carris, 1991 340
1700
2800
Formation non saturée
Formation saturée Bedrock Filliat, 1981 300‐500 1500‐2000 1800‐2500 2000‐3000 3500‐5000
Couche aérée de surface
Sable humide, argile alluviale
Craie Marne Calcaires compacts Glade, 2005 370 1100 Colluvion
Sédiments marneux calcaires
Godio, 2006 400‐800 2000‐2400 Débris Substrat Granjean, 2006 300‐600 900‐1200 2100‐2400 Formations superficielles Socle marneux Israil, 2003 566 702 1062‐1815 Argiles Sable Grès saturé Jongmans, 2008 1000 1800‐1900
Moraine, argile non saturée
Argile, argile saturée
Malet, 2003 450‐600 2200‐5000 Marne remaniée Socle marneux Mauritsch, 2000 300‐800 1000‐1800 3300‐4300 Formations superficielles
Formations saturées, débris dépôts de
pente, roche altérée
Schiste, argiles plus ou moins sableux
Meric, 2005 500
4000
Débris, formation de surface
Substrat
Tableau 3‐6. Gammes de valeurs de vitesses sismiques Vp mesurées en sismique réfraction pour différentes
Figure 3‐33. Profil de tomographie de sismique réfraction n°18 ‘Camping’ réalisé au Cirque des Graves et profil