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1.2 L’imagerie médicale nucléaire

1.2.2 La tomographie à émission de positons

La tomographie à émission de positons (TEP) est, comme la TEMP, une technique d’ima-gerie nucléaire qui permet d’obtenir une image tri-dimensionelle de la répartition d’un radiotra-ceur dans le corps. La principale différence est dans le fait que le radioisotope est un émetteur β+. Celui-ci va s’annihiler avec un électron situé dans le corps du patient. Il en résultera l’émis-sion de deux photons gammas d’une énergie de 511 keV, à 180° l’un de l’autre. Ces deux pho-tons vont être détectés en coïncidence par une couronne de détecteurs (figure1.7) située autour du patient, ce qui donnera la ligne le long de laquelle aura été émis le positon. L’accumulation de ces lignes de réponses (encore appellées LOR, pour Line Of Response) permettra l’obtention d’une image en utilisant une méthode de reconstruction itérative. Nous allons présenter dans la suite de cette partie les détecteurs utilisés en TEP, leurs performances ainsi que les principaux

axes de recherche pour le développement des futurs générations d’appareils. Nous aborderons uniquement l’aspect instrumental et ne parlerons donc pas des principes de reconstruction.

FIGURE1.7 – Schéma de principe de la tomographie par émission de positons

Le détecteur

Le tomographe à émission de positon consiste en une couronne de modules de détection. La couronne a un diamètre de l’ordre de 80 cm. Chaque module est composé d’une matrice de cristaux scintillants et de plusieurs PM, comme on peut le voir sur la figure1.8.

BGO LSO GSO BaF2

Masse volumique (g·cm−3) 7,13 7,4 6,71 4,88

Numéro atomique effectif 75 66 54 54

Vitesse de décroissance de la scintillation (ns) 300 40 56, 600 0,8 Nombre de photon émis par MeV déposés 8200 27000 12500 1400

Résolution en énergie (% FWHM à 662 keV) 9 8 7

TABLE1.2 – Comparaison de quelques cristaux couramment utilisés en TEP [24]

Le cristal scintillant : Le rayonnement issu de la désintégration β+ étant plus énergétique que ceux utilisés en TEMP, le NaI:Tl n’est pas le mieux adapté à la TEP. Sa densité, notamment, n’est pas suffisante. L’épaisseur nécessaire génère un effet de parallaxe important. De plus, ces photons y interagissent principalement par effet Compton. Le tableau1.2 résume les caracté-ristiques de différents types de cristaux utilisés en TEP. On peut voir que leur densité est assez élevée, afin d’atténuer au maximum le flux de photons dans l’épaisseur la plus faible possible. Leur numéro atomique effectif est assez élevé, afin de favoriser l’effet photoélectrique. Les mé-canismes de scintillation de ces cristaux sont sensiblement les mêmes que ceux du NaI. Le BGO est le cristal le plus anciennement utilisé en TEP. Son principal défaut est le faible nombre de photons optiques émis lors d’interacton avec une particule ionisante incidente, ce qui dégrade la résolution en énergie et oblige à une bonne efficacité de collection de ces photons et à un gain important lors de l’amplification du signal. Plus récent, le LSO possède une luminosité bien plus importante et une constante de temps plus faible. Cette dernière caractéristique permet de limiter le nombre de coïncidences fortuites et le temps mort du détecteur. Le défaut est que de par son numéro atomique plus faible, la proportion d’effet Compton est plus importante qu’avec le BGO [23].

Segmentation du cristal : Dans un module, le cristal n’est pas monolithique comme avec la gamma caméra. Il est composé en réalité d’une matrice de 8 × 8 cristaux, séparés les uns des autres par des réflecteurs (en téflon par exemple). Cette segmentation du détecteur permet d’augmenter grandement la résolution spatiale sur la détection de l’évènement. À noter que la séparation des cristaux par des réflecteurs se fait par une longueur différente selon la position du cristal. Cela permet d’avoir une proportion différente de photons sur chaque PM selon le cristal dans lequel a eu lieu l’interaction. On a ainsi une identification du cristal qui a scintillé. Du point de vue des dimensions, la largeur des cristaux se doit d’être la plus petite possible pour bénéficier d’une meilleure résolution spatiale, cela étant limité par le fait qu’en dessous d’une certaine taille, les cristaux ne sont plus identifiables, notamment à cause des interactions multiples des photons gammas. La longueur des cristaux doit, au contraire, être assez importante pour bénéficier d’une efficacité de détection la plus grande possible. Là encore, il existe une limite de taille, à cause de l’effet de parallaxe qui augmente avec la longueur des cristaux.

Le photomultiplicateur : Les photons issus de la scintillation du cristal sont détectés, comme dans une gamma caméra, avec des PMT. En effet, les PMT sont rapides et possèdent un fort gain, ce qui a longtemps été important dans les générations précédentes de TEP utilisant le BGO, peu lumineux. Pour chaque bloc de cristaux, quatre PMT permettent, comme dit plus haut, d’identifier le cristal où a eu lieu l’interaction, en plus de donner l’énergie déposée lors de cette interaction. Une alternative aux PMT est disponible pour la TEP, il s’agit des photodiodes à avalanche (APD). Les PMT sont relativements encombrants et sensibles aux champs magné-tiques importants, il est possible de les remplacer lorsqu’il y a de fortes contraintes de place, par exemple dans des caméras TEP dédié au petit animal où les blocs de détection sont réduits, ou encore pour des TEP couplés à des IRM, des appareils multi-modalités qui sont en cours de développement [25].

Les photodiodes à avalanches : Une APD est un semi-conducteur, typiquement du sili-cium . Elle est consistuée d’une jonction p-n, c’est-à-dire de trois régions. L’une de ces régions, p, est dopée (avec du bore par exemple) de telle sorte que les porteurs de charges majoritaires sont des trous, et une autre, n, a une majorité d’électrons comme porteurs de charges (grâce à l’ajout de phospore). Entre ces deux régions existe une troisième, dite région de déplétion. Cette région est soumise à un champ électrique dû au dipôle électrique composé par les régions p-n. De par ce champ électrique, elle est désertée par les porteurs de charge. On applique à cette jonction p-n une tension inverse, c’est-à-dire que la région n est portée à un potentiel supérieur à celui de la région p. La zone de déplétion va alors augmenter en taille. Le flux de photons optiques pénètre par le coté p de l’APD, et est atténué progressivement dans le matériau. Les photons qui interagissent dans la zone de déplétion vont créer des paires électrons-trous qui vont se mettre à dériver et à accélérer sous l’effet du champ électrique. Les porteurs de charge vont alors à leur tour créer des paires électrons-trous en ionisant des atomes de silicium, ce qui va produire le phénomène d’avalanche. Cette avalanche nécessite un champ électrique de l’ordre de 100 kV·cm−1. Le signal électrique sera alors amplifié et utilisable. Les APD possèdent un gain maximal de l’ordre de 104.

Les traceurs utilisés

L’isotope le plus utilisé en TEP est le18F, lorsque celui-ci est couplé avec le fluoro-désoxy-D-glucose, ou FDG, un analogue du glucose. Ce marqueur permet de suivre le métabolisme du glucose, notamment dans le cerveau, le myocarde et dans les tumeurs. On peut également citer le15O qui peut être couplé avec une molécule d’eau pour observer le flux sanguin cérébral ou la perfusion myocardique. Le11C peut-être couplé à la 5-hydroxytryptamine pour observer les récepteurs de la sérotononine. Enfin, le82Rb et le13N, ce dernier inclus dans une molécule d’ammoniac, permettent l’imagerie du myocarde. À part le 82Rb, tout ces isotopes sont pro-duits en cyclotron et leur temps de vie limité, 110 minutes pour le18F, nécessite une proximité géographique avec l’un d’eux pour une utilisation en routine clinique.

Les performances de la TEP

Comme la TEMP, la TEP est utilisée en cardiologie, en neurologie et en oncologie. C’est pour cette dernière que la TEP est la plus usitée. En effet, l’imagerie du métabolisme du FDG a constitué une révolution à sa parution. Elle peut être utilisée pour la majorité des cancers, que ce soit des poumons, des reins, du sein, du côlon, etc. Elle permet d’effectuer un diagnostic, mais aussi d’observer l’extension du cancer par les métastases ou encore l’évolution des tumeurs lors des traitements, ce qui permet d’ajuster les thérapies. Le FDG peut aussi être utilisé en neurologie, par exemple pour l’étude des maladies d’Alzheimer ou de Parkinson.

La résolution spatiale en TEP atteint 4 à 6 millimètres pour un scanner clinique, et une résolution inférieure à 2 mm pour la TEP du petit animal. La quantification en TEP rencontre aussi des obstacles, sensiblement les mêmes qu’en TEMP. Quelques phénomènes s’ajoutent cependant, ou influencent différemment.

− La diffusion Compton des photons entraîne une mauvaise localisation de l’interaction entre le positon et l’environnement, telle qu’illustrée sur la figure1.9.

− Un autre phénomène qui entraîne une mauvaise localisation de cette interaction est l’effet de parallaxe, déjà cité auparavant et illustré figure1.9. Pour corriger cet effet, une identi-fication de la profondeur d’interaction dans le cristal est possible, notamment par l’effet Phoswich.

− Une source supplémentaire de bruit dans l’image sont les coïncidences fortuites dans la fenêtre temporelle. Celle-ci est de l’ordre de 10 ns. Pour limiter au maximum ces coïncidences, une fenêtre plus petite, et donc des cristaux scintillants plus rapides, sont nécessaires.

− Un autre phénomène qui entraîne une mauvaise localisation de cette interaction est l’effet de parallaxe, déjà cité auparavant et illustré figure1.9. Pour corriger cet effet, une iden-tification de la profondeur d’interaction dans le cristal est envisageable, notamment par l’approche phoswich.

Comme en TEMP, les appareils multi-modalité tels que les TEP-scanner X ou TEP-IRM fa-cilitent grandement l’interprétation des images, la localisation des tumeurs ou encore certaines corrections. Par ailleurs, un des axes de recherches principal pour la TEP du future concerne la TEP-temps de vol (ou TOF-PET, pour Time Of Flight Positron Emission Tomography). Celle-ci cherche à déterminer très précisément (à l’ordre de la picoseconde idéalement) les temps d’in-teractions des photons, afin de limiter la longueur de la LOR, et donc d’améliorer grandement la résolution. Afin de donner un ordre de grandeur, une résolution temporelle de 100 ps permettrait d’obtenir une longueur sur la LOR de 3 cm.

FIGURE 1.9 – Quelques effets physique altérant la quantification : a) diffusion Compton, b) coïncidence fortuite, c) effet de parallaxe

Le futur de la TEP

La TEP fait l’objet de nombreux travaux afin d’en améliorer les performances. Un des axes principaux de recherche concerne la TEP à temps de vol (ou TOF-PET, pour Time Of Flight Positron Emission Tomography). La TOF-PET cherche à remonter au lieu de désintégration du positon en mesurant précisement les temps d’arrivée de chaque gamma. Idéalement, pour localiser le positon avec une résolution de 3 mm, ce qui correspond peu ou prou à son par-cours moyen dans le corps du patient, il faut mesurer les temps d’arrivée avec une résolution de l’ordre de la dizaine de picosecondes. Cela permettrait de se passer des reconstructions algorith-miques. Une telle précision constitue un réel challenge technologique. Des moindres précisions temporelles, de l’ordre de quelques centaines de picosecondes, suffisent à améliorer la préci-sion et la qualité des images après reconstruction. Une résolution de l’ordre de 500 ps a été atteinte dans les années 1980, mais les performances des appareils étaient bien moindre que celles des TEP classiques, l’électronique, les cristaux et l’informatique ne permettant d’obtenir un modèle cliniquement exploitable. Le développement de l’électronique, des cristaux rapides tels que le LYSO et des Silicon PhotoMultiplier, ou SiPM, qui utilisent des APD, permettent désormais d’envisager des résolutions temporelles de l’ordre de la centaine de picosecondes. Le frein principal à l’utilisation de la TOF-PET sera l’augmentation du coût de ces appareils dûe à la multiplication du nombre de voies électroniques et des cristaux.

Un autre axe de recherche prometteur en TEP est le développement de détecteurs capables d’identifier les coordonnées spatiales en trois dimensions de chaque interaction. Plusieurs concepts sont possibles pour aboutir à cela. On peut citer l’utilisation de l’effet phoswich pour identifier la profondeur d’interaction dans le cristal, la résolution en largeur et en hauteur dépendant alors de la taille des cristaux. Une autre méthode est l’utilisation d’une géométrie différente avec de longs cristaux comme dans le projet AX-PET [26]. Ce genre de détecteur permettrait de

sup-primer l’effet de parallaxe. Il est aussi possible d’envisager d’utiliser les interactions Comptons afin d’augmenter la sensibilité de ces appareils. Une fois encore, ce genre de technologie im-plique l’utilisation de nombreux cristaux et voies électroniques, et donc un prix important. Enfin, une autre voie explorée est la combinaison d’un PET et d’un IRM afin d’obtenir un ap-pareil hybride de très haute précision. Le travail dans un fort champ magnétique représente là un défi technologique important.