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1.3 Le xénon liquide comme milieu de détection

1.3.3 Quelques expérimentations en cours et passées

Plusieurs expériences ont utilisé, ou utilisent, du xénon liquide comme milieu de détec-tion. Dans la recherche d’évènements rares, la grande sensibilité du xénon liquide et sa densité rendent son utilisation très intéressante. On peut ainsi citer la détection directe de matière noire par l’expérience XENON ou la recherche de désintégrations interdites avec l’expérience MEG. En astronomie gamma, un téléscope Compton au xénon liquide a été développé, c’est l’expé-rience LXeGRIT. Nous allons dans la suite développer un peu plus ces quelques exemples.

LXeGRIT

LXeGrit est un téléscope Compton au xénon liquide embarqué par un ballon-sonde. Ce détecteur est utilisé pour l’observation des photons gammas dans un domaine d’énergie compris entre 0,3 et 10 MeV [72]. Outre les différents blindages et vetos, le détecteur en lui-même est une chambre à projection temporelle (TPC), schématisée sur la figure 1.16. La zone de détection, ou zone active, est de 20 par 20 cm avec une profondeur de dérive de 8 cm. Un champ électrique de 1 kV·cm−1est appliqué entre la cathode et l’anode afin de faire dériver les porteurs de charges. Une grille est positionnée devant l’anode. Elle sert à écranter le signal dû à la dérive des ions et des électrons dans l’espace situé au dessus de la grille. Deux plans de fils, tendus perpendiculairement l’un à l’autre, servent à relever la position du nuage électronique en X et Y, et ce sans collecter les charges. L’anode mesure l’énergie déposée dans l’interaction. Le déclenchement de l’acquisition est effectué par la détection de la scintillation par quatre PMT. Le fonctionnement d’une TPC sera expliquée plus en détail dans le chapitre2.

FIGURE1.16 – Schéma de la TPC de LXeGRIT [73]

LXeGRIT a mené une série de trois vols, en 1997, 1999 et 2000. Une série de publications ont par la suite méthodiquement analysé les données [72, 74,75,76,77] afin de caractériser le détecteur. L’expérience a fait la preuve de la faisabilité d’un télescope Compton au xénon liquide pour l’astronomie gamma. On peut notamment citer sa résolution spatiale pour la localisation de l’interaction de 1 mm et sa résolution en énergie de 8,8% FWHM pour une énergie déposée de 1 MeV[77] qui aboutissent à une résolution angulaire sur le cône Compton de 4[76].

MEG

L’expérience MEG est une expérience cherchant à observer une désintégration rare d’un muon, µ+ → e+γ , interdite par le modèle standard. Cette violation est prédite par la théorie d’unification supersymétrique SUSY. MEG a pour objectif de mesurer le rapport d’embran-chement de cette désintégration jusqu’à une magnitude de 10−14, ce qui équivaut au rapport d’embranchement théorique. Située au Paul Scherrer Institute de Zurich, cette expérience uti-lise un faisceau de muons frappant une cible de polyethylene. L’expérience se compose d’une chambre à dérive pour la détection des positrons et d’un calorimètre au xénon liquide [78] pour la détection du photon de 52,8 MeV issu de cette désintégration. Dans le calorimètre au xénon liquide, seul le signal de scintillation du xénon est exploité, afin de profiter de sa grande lumi-nosité pour obtenir une bonne résolution en énergie et de la rapidité du signal afin de mesurer des temps d’interactions de façon très précise. Le détecteur a un volume actif de 900 litres de xénon liquide, bordé par 846 PMT, pour couvrir un angle solide d’acceptance d’environ 10% [79]. Le xénon circule et est purifié sous forme liquide. Le calorimètre est conçu pour aboutir à une résolution en énergie de 4% FWHM, une résolution spatiale de 5 mm et une résolution temporelle de 120 ps, le tout pour un gamma incident de 52,8 MeV [80]. Un premier prototype de calorimètre a d’abord été construit et testé. Celui-ci a été concluant [81], avec une résolution énergie de 4,4%, une résolution spatiale de 4-5 mm et une résolution temporelle de 65 ps. Le dé-tecteur final, visible sur la figure1.17, a été construit jusqu’en 2007 et est en cours d’acquisition depuis lors. Les performances de détection atteintes pour l’instant consistent en une résolution en énergie de 5,5% FWHM, une résolution spatiale sur la position du vertex de 5 mm dans le plan du détecteur et 6 mm dans la profondeur, et une résolution temporelle de 148 ps [79]. Cette expérience n’a pas encore livré ses résultats finaux.

La recherche de matière noire par l’expérience XENON

L’observation des galaxies laisse à penser qu’une grande partie de la matière de notre univers est d’une nature inconnue et n’est pas visible par les moyens actuels, par exemple par l’astrono-mie dans les domaines du visible, gamma, infrarouge, X. Le fait qu’elle soit pour l’heure non détectable a donné à cette matière le nom de matière noire. Bon nombre de théories ont été éla-borées afin de tenter de trouver de quoi est composé la matière noire. Parmi ces théories, la plus importante est celle de la supersymétrie qui prédit qu’il s’agit de Weakly Interactive Massive Particle, ou WIMP. Comme son nom l’indique, il s’agirait de particules qui n’interagiraient que par les forces gravitationelles et faibles avec une masse comprise entre 10 et 1000 GeV.

L’expérience XENON se propose de détecter directement ces particules avec du xénon liquide. En effet, les WIMP sont censés interagir avec la matière visible, par collision, ce qui se traduit par des reculs de noyaux. Avec son nombre atomique élevé, le xénon est l’un des gaz rares les plus intéressants pour cette détection. Il est à noter que la probabilité d’interaction des WIMP est de l’ordre de 10−6 à 10−10 pb, ce qui est extrêmement faible et se traduit par un taux de comptage de l’ordre de 10−4 évènements par kilogramme de xénon par jour. Le programme de recherche XENON se compose de trois expériences consécutives : XENON10, XENON100 et XENON1T. Le chiffre indique la masse fiducielle de xénon en kilogrammes. Cette masse augmente au fil des expériences afin d’augmenter la probabilité d’interaction et donc la sen-siblité de l’expérience. L’expérience XENON10 s’est terminée en 2009, elle a été suivie par XENON100 qui a livré ses résultats en 2011 [57]. XENON100 n’a pas détecté de matière noire. Elle a cependant réduit considérablement la zone où peut exister le WIMP, comme on peut le voir sur la figure1.18. Il s’agit pour l’heure de l’expérience la plus sensible pour la détection directe des WIMPs. La prochaine expérience, XENON1T, doit débuter vers 2015.

La faible probabilité d’interaction se traduit expérimentalement par un gros volume de dé-tection nécessaire, mais aussi par une réduction du bruit de fond que constituent toutes les autres interactions de particules avec le xénon. Afin de réduire ce bruit de fond, l’expérience XENON se situe dans le laboratoire souterrain du Gran Sasso, pour atténuer le flux de rayons cosmiques. Il s’agit aussi d’utiliser des matériaux le moins radioactifs possible [82], ce qui est un problème majeur sur les PM, de purifier le xénon afin d’enlever son isotope radioactif, le131Xe, de blin-der le détecteur, d’appliquer des vetos et de pouvoir différencier les particules qui interagissent. Enfin, un temps d’acquisition important est nécessaire et donc une stabilité du xénon liquide est requise.

Les trois expériences ont utilisé ou utiliseront le même principe de détecteur. Il s’agit d’une TPC double phase, c’est-à-dire que l’on utilise conjoitement le xénon sous forme gazeuse et liquide. On peut voir sur la figure1.19le principe de cette TPC pour l’expérience XENON100. Une interaction a lieu dans le xénon liquide, ce qui se traduit par une scintillation détectée par les PM. Un champ électrique de 0,53 kV·cm−1empêche une partie des recombinaisons, comme on l’a vu précédemment, et fait dériver les électrons vers le gaz. Les électrons franchissent une

FIGURE 1.18 – Limite de sensibilité de détection de plusieurs expériences, dont XENON100, pour la mesure de la section efficace d’interaction de collision élastique WIMP-noyau en fonc-tion de la masse du WIMP

grille et sont alors accélérés dans un champ électrique de l’ordre de 10 à 12 kV·cm−1. Lorsque les électrons pénètrent dans le gaz, ils sont suffisamment accélérés pour produire un nouveau signal de scintillation. Nous aborderons cette manière de détecter le signal d’ionisation plus en détail dans le chapitre suivant. Au final, une interaction produit deux scintillations, la première baptisée S1 et la seconde S2. Le rapport des deux permet de différencier de quel type de recul il s’agit, nucléaire ou électronique, et de différencier les particules responsables.