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1.4 Conclusion

2.1.3 La capture des électrons par les impuretés

Les électrons peuvent diffuser librement dans les gaz nobles purs, comme le xénon, qu’il soit sous phase gazeuse ou liquide. En effet, par nature, les atomes de gaz nobles n’attirent pas du tout les électrons, leurs couches électroniques étant complètes. Cependant, lors de leur dérive, les électrons peuvent se faire capturer par des espèces chimiques électronégatives pré-sentes dans le xénon, que l’on qualifie d’impuretés. Le nombre d’électrons qui dérivent va donc diminuer au fur et à mesure de la distance parcourue ce qui, au final, va diminuer la résolu-tion en énergie du signal détecté. Ce phénomène de dégradarésolu-tion du signal par les impuretés est l’obstacle le plus important à l’utilisation des détecteurs aux gaz nobles liquides et ce qui va limiter le plus leur performance. Un électron sera capturé par une impureté après collision avec celle-ci, selon plusieurs processus. Voyons maintenant quels sont les différents processus de capture des électrons par les impuretés électronégatives.

Capture à trois corps

Ce processus s’effectue selon la réaction suivante : e+ AB ←→ (AB)

(AB)+ X → AB+ X (2.18)

L’électron est capturé par la molécule électronégative AB, qui devient un anion et se retrouve sur un état d’énergie excité. Pour que l’anion soit stable et garde l’électron, il faut que l’énergie à apporter soit négative, c’est-à-dire que l’électron apporte plus d’énergie que le minimum né-cessaire. S’il n’en apporte pas assez, il ne pourra pas se fixer durablement dans l’anion. Cette énergie à apporter est appelée l’énergie de fixation électronique. L’anion peut donc relâcher l’électron pour se désexciter, ou transmettre son énergie excédentaire à un atome X. L’atome X est un atome de l’espèce majoritaire du milieu, en l’occurence du xénon.

Lorsque cette énergie de fixation électronique est négative, cela signifie que l’ion formé suite à la réaction est stable. L’électron est alors définitivement capturé. Ce genre de réaction a été décrit par Bloch et Bradbury en 1935. La tableau2.1nous donne un certain nombre d’énergies de fixation életronique pour différentes molécules. Nous pouvons voir que des molécules telles que le difluor F2, le dioxyde d’azote NO2ou encore le dioxygène O2ont des énergies de fixa-tion électroniques négatives et capturent des électrons par ce processus. À l’inverse, l’eau et le dioxyde de carbone ne sont pas concernés par la capture à trois corps.

Espèces moléculaires Énergie de fixation électronique (eV) F2 -2,96 NO2 -2,43 SF6 -0,6 O2 -0,44 N2O -0,22 NO -0,024 H2O > 0 H2 > 0 CO2 > 0 CO > 0 N2 > 0

TABLE2.1 – Énergie de fixation électronique de différentes molécules

Capture avec dissociation

Le processus de capture des électrons avec dissociation peut se produire selon deux voies qui sont résumées dans l’équation suivante :

e+ AB → AB+ e → A++ B+ e

e+ AB → AB→ A + B (2.19)

Dans le premier cas, la capture de l’électron par la molécule conduit à la dissociation de la molécule mais l’électron reste libre de continuer à dériver. Dans le second cas, la molécule se dissocie mais l’électron est définitivement capturé. Ces deux cas coexistent à partir du moment où l’énergie des électrons dépasse un certain seuil, recapitulé dans le tableau2.2. Les électrons peuvent être capturés via ce processus par des molécules non électronégatives. C’est par ce procédé que l’eau ou le dioxyde de carbone capturent les électrons dans le xénon liquide.

Espèces moléculaires Seuil de capture avec dissociation(eV)

O2 3,65 N2O 0,1 NO 7,5 H2O 4,36 H2 3,75 CO2 3,99 CO 9,7 N2 9,7

TABLE 2.2 – Seuil en énergie de capture électronique avec dissociation (eV) pour différentes molécules

Capture avec radiation

La capture avec radiation est très minoritaire, à cause de sa très faible section efficace. Elle est généralement négligée. L’équation suivante nous indique juste son déroulement :

e+ AB −→ AB+ hν (2.20)

Temps de vie et longueur d’atténuation des électrons

Le nombre d’électrons quasi-libres dérivants dans le xénon diminue au cours du temps de dérive. L’évolution de ce nombre N(t) suit, d’après Hofmann et al. [105], une décroissance exponentielle selon la formule suivante :

N(t) = N0e(τet ) (2.21)

Dans cette équation, τe est le temps de vie des électrons et correspond au temps moyen avant qu’un électron ne se fasse capturer par une impureté électronégative. N0 est le nombre initial d’électrons. Cette évolution du nombre d’électron est plus souvent utilisée en fonction de la distance de dérive parcourue x, selon l’équation qui suit :

N(x) = N0e(Lx) (2.22)

avec L qui est la longueur d’atténuation des électrons dans le xénon liquide. Il s’agit d’une grandeur particulièrement importante, puisqu’elle va beaucoup influer sur les performances du détecteur. L s’exprime ainsi :

L= vdτe (2.23)

où vd est la vitesse de dérive des électrons.

Le temps de vie des électrons dépend de la concentration en impuretés, mais aussi de la na-ture des impuretés, puisque les constantes d’attachement sont différentes. Le temps de vie des électrons s’exprime alors ainsi :

τe=

kici−1 (2.24)

ci est la concentration en impuretés d’espèce chimique i et kiest la section efficace de capture de cette impureté, en l·mol−1·s−1. En pratique, il n’est pas facile de caractériser la concentra-tion en chaque espèce d’impureté. La concentraconcentra-tion totale en impuretés est alors ramenée à la concentration cO2 en O2équivalente. Celle-ci s’exprime formellement ainsi :

cO2 = 

kkici O2  (2.25)

kO2 est un facteur de conversion, en l·mol−1·s−1. La section efficace de capture des électrons pour chaque espèce varie avec la magnitude du champ électrique appliqué. Des mesures sont

visibles sur la figure2.10pour des espèces telles que le SF6, l’O2et le N2O.

FIGURE 2.10 – Section efficace de capture des électrons pour plusieurs espèces d’impuretés électronégatives en fonction du champ électrique appliqué

La fraction d’impureté χ est une grandeur que nous allons utiliser dans la suite de ce travail sur l’étude de la pureté. La concentration en impureté peut s’exprimer comme le produit de la fraction d’impureté χ par la concentration volumique du xénon liquide cXe, soit :

cO2= cXe· χ (2.26)

cXes’exprime en mol·l−1, tandis que χ est sans unité (ou encore en partie par unité). cXeest lui même le quotient de la masse volumique du xénon liquide µLXepar sa masse molaire MXe:

cXe= µLXe

MXe (2.27)

µLXeest en g·l−1 et MXeen g·mol−1. En remplaçant τe, nous obtenons l’expression suivante de la longueur d’atténuation :

L= vd· MXe

µLXe· kO2· χ (2.28)

Nous pouvons alors exprimer la fraction d’impureté en fonction de la longueur d’atténuation ainsi :

χ = vd· MXe

MXe vaut 131,293 ± 0,6 g·mol−1. kO2 dépend du champ électrique et nous est donné par la courbe de la figure2.10. µLXe dépends de la température, la figure3.2nous en montre l’évolu-tion. La vitesse de dérive vd dépend de la température du xénon liquide et du champ électrique appliqué, dont les figures2.4,2.5et2.6nous montrent l’évolution.

Dans des conditions expérimentales que nous utilisons dans le chapitre5, kO2 = 6,8·1010± 0,3 1010 l·mol−1·s−1, µLXe vaut 2,88·103 ± 0,03·103 g·l−1 et vd = 1,941 ·103± 0,003·103m·s−1. Afin de donner un ordre de grandeur, en utilisant ces valeurs, nous trouvons qu’une longueur d’atténuation de 1 mètre correspond à une fraction d’impureté de 1,3 ppb.

Au final, la longueur d’atténuation des électrons dépend donc de la concentration en impuretés, de la nature de ces impuretés électronégatives, du champ électrique appliqué et de la tempéra-ture du xénon liquide.

Conclusion

La capture des électrons par des impuretés lors de leur dérive est le phénomène qui limite le plus les performances d’un détecteur utilisant le signal d’ionisation du xénon liquide. En effet, une fraction d’impuretés faible, de quelques dizaines de ppb, suffit à dégrader complètement le signal électronique. Les différents processus de capture ont été présentés, ainsi que les facteurs d’attachement de différentes espèces chimiquess. De manière générale, il est difficile d’identi-fier les concentrations des différentes impuretés ; c’est pourquoi le terme de concentration en équivalent oxygène est couramment utilisé. La longueur d’atténuation des électrons, ou encore le temps de vie électronique, sont des grandeurs directement reliées à cette concentration, et sont très souvent employées.