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5.2 Mesure de la longueur d’atténuation des électrons par la mesure de l’atténuation

5.2.2 Analyse des données

Nous allons désormais aborder l’analyse des données des signaux issus des interactions entre les alphas et le xénon liquide. La première étape consiste à identifier quels sont les dé-clenchement dû à des désintégations alphas et non à des gammas ou des rayons cosmiques incidents. Pour cela, nous effectuons une analyse de la forme des signaux lumineux en utilisant un Pulse Shape Discriminator, ou PSD. Une fois les alphas identifiés, nous allons intégrer le signal d’anode au moment d’arrivée du signal électronique. Nous obtenons ainsi un spectre en énergie du signal électronique. L’évolution de ce spectres nous indiquera l’évolution de la pu-reté du xénon liquide dans la TPC.

Discrimination des alphas par un Pulse Shape Discriminator

Afin de pouvoir identifier les particules alphas et les différencier des autres particules inter-agissant dans le xénon liquide, nous effectuons une analyse de forme du signal lumineux. Dans le chapitre 1, nous avons vu que le temps de décroissance de la scintillation du xénon liquide dépend notamment de la nature des particules incidentes. Avec une forte contribution de la re-combinaison, le temps de décroissance d’un signal lumineux dû au passage d’un électron, qui peut être un électron de recul dû à une interaction photon-xénon, est beaucoup plus long qu’un signal lumineux dû au passage d’une particule alpha. La figure 5.8montre l’amplitude des si-gnaux lumineux en fonction de leur intégrale. Nous distinguons deux distributions différentes. La distribution de gauche regroupe les signaux PM dûs aux alphas. En effet, pour une même amplitude, le signal lumineux est plus court et donc l’intégrale de ce signal plus petite. La dis-tribution de droite qui va jusqu’à la saturation du PM regroupe des signaux dûs au passage de cosmiques, qu’ils soient des muons ou des électrons de recul d’une interaction photon-xénon. La densité d’ionisation de ces derniers est moins importante que celle des alphas et leur si-gnaux lumineux sont alors plus longs. Ces sisi-gnaux sont dominés, comme nous l’avons vu dans le chapitre1, par la constante temporelle de recombinaison et leur intégrale est alors grande, pour une même amplitude. Nous pouvons discerner dans le distributions des évènements alphas deux pics. Ceux-ci sont dûs à l’écrantage du signal lumineux de la particule par le fil sur lequel est déposé la source. Le diamètre de celui-ci étant du même ordre de grandeur que le parcours de l’alpha, les particules émises vers l’anode ont donc une partie des photons émis écrantés par le fil plutôt que détectés par le PM, ce qui crée le second pic de plus faible amplitude.

FIGURE5.8 – Amplitude des signaux PM en fonction de l’intégrale des mêmes signaux.

Sur la figure 5.8, les distributions des signaux dûs à des alphas et des muons deviennent difficilement discernable à des amplitudes de signaux inférieures à 3 V. Pour différencier les signaux lumineux, nous utilisons un facteur de discrimination de forme de pulse, ou PSD. La figure 5.9 nous montre un signal PM typique sur lequel nous calculons le PSD. Pour faire ce calcul, nous effectuons deux intégrales. La première intégrale, A1, comprend tout le signal lumineux. Elle s’effecture sur 74 ns, de tmax - 10 ns à tmax + 64 ns. La deuxième intégrale A2 comprend la fin du signal lumineux. Elle s’effectue sur 54 ns, de tmax + 10 ns à tmax+ 64 ns. Le PSD est le rapport de l’intégrale de fin de signal A2 par l’intégrale totale A1 :

PSD = A2

A1 (5.3)

La valeur du PSD est donc compris entre zéro et un, sans unité. Plus le temps de décroissance du signal lumineux sera long et plus le PSD sera important.

La figure 5.10 nous montre la distribution des PSD des évènements pour le même échan-tillon de données que la figure5.8. Nous observons notamment deux pics très marqués, situés de part de d’autre de la valeur PSD = 0,45. La décroissance des signaux lumineux des alphas étant plus rapide, le PSD qui y est associé doit être plus petit. En l’occurrence, le pic présent pour des PSD < 0,45 regroupe les signaux lumineux issus des alphas. Au-dessus de cette valeur, il s’agit d’évènements dûs notamment à des cosmiques, que ce soit des muons ou des électrons de recul. Nous pouvons noter une queue de distribution au dessus de PSD = 0,55. Il s’agit d’évènements dont le signal d’ionisation sature la chaîne électronique, très probablement des cosmiques dont le parcours passe très près du PM. En utilisant cette variable pour discriminer les évènements, nous n’avons plus d’ambigüité sur l’identification des alphas, quelles que soient les amplitudes.

FIGURE 5.9 – Un signal PM enregistré. Le PSD est calculé en divisant l’aire A2 (en bleu et rouge) par l’aire A1 (en rouge).

FIGURE5.10 – Distribution des PSD des évènements.

Recherche des signaux d’ionisation des alphas

Une fois les évènements dûs à des particules alphas identifiés par le signal lumineux, nous devons mesurer le signal d’ionisation parmi les signaux d’anode enregistrés. Il n’est pas pos-sible de procéder avec une méthode de seuil comme nous l’avons fait plus haut. En effet, le signal d’ionisation des alphas de 5,5 MeV est assez faible, seuls ≈14000 électrons échappent à

la recombinaison. De plus, la source est située à 10 cm de l’anode, ce qui induit une atténuation importante. Enfin, le bruit électronique du dispositif est bien plus important que celui présenté plus haut, de l’ordre de 3000 électrons.

Sachant que les desintégrations alphas tiennent place à la même hauteur de chambre, soit 10 cm, nous pouvons en conclure que pour chaque déclenchement, le signal d’ionisation arrive au bout du même temps de dérive. Nous allons identifier ce temps de dérive, puis nous intégrerons le signal d’anode sur ce temps pour mesurer le signal d’ionisation.

Il faut tout d’abord identifier le temps d’arrivée des signaux. En sommant les signaux anode dû à des alphas enregistrés sur une run de trois heures, nous obtenons la figure5.11. Nous distin-guons ainsi nettement l’arrivée des signaux électronique dûs à la source alpha, aux alentours de t = 64µs. Nous pouvons voir aussi une petite anomalie vers t = 12µs, dû probablement au déclenchement de l’acquisition.

FIGURE5.11 – Somme des signaux anode enregistrés pour des évènements alphas

L’emplacement en temps du pic électronique va nous permettre de mesurer les signaux d’ionisation. Pour cela, nous intégrons pour chaque évènement alpha le signal d’anode sur un intervalle de 2 µs de part et d’autre du temps du maximum du pic. Nous divisons ensuite l’inté-grale par la largeur de l’intervalle en temps, soit 4 µs. Cette intél’inté-grale contient à la fois la ligne de base et le signal électronique. Nous devons donc estimer cette ligne de base et la soustraire à l’intégrale afin d’obtenir le signal. Pour estimer cette ligne de base pour chaque évènement, nous effectuons une intégrale sur une période de 25 µs, juste avant le pic alpha, soit de t = 30 µ s à t = 55 µ . Le fait de calculer la ligne de base sur une période si longue permet de moyenner le bruit. Nous divisons ensuite l’intégrale par la largeur de l’intervalle.

Les figures 5.12 et 5.13 nous montrent deux spectres en énergie obtenus de cette façon, pour deux temps de circulation différents. La distribution semblent suivre une distribution gaus-sienne. La résolution en énergie sur ces spectres est mauvaise, de l’ordre de 45% à 1 σ . Cette

résolution peut s’expliquer par la faible signal d’ionisation, le fort bruit électronique et les pro-blèmes de collection des électrons par la fil de platine. Ces spectres sont cependant suffisamment précis pour obtenir l’évolution du signal d’ionisation. En effet, la moyenne de la gaussienne nous fournis le signal moyen à un temps donnée, et cette moyenne évolue dans le temps. Plus le xénon est purifié de ces impuretés et plus la moyenne de la gaussienne augmente.

FIGURE 5.12 – Spectre du signal d’ionisa-tion des alphas, à t = 240 heures.

FIGURE 5.13 – Spectre du signal d’ionisa-tion des alphas, à t = 485 heures.

Évolution du signal

La figure5.14nous montre l’évolution du signal d’ionisation pour la première série d’acqui-sition, qui a eu lieu de juillet à septembre 2009. Le temps t = 0heure correspond au début de la circulation-purification. Nous pouvons voir tout d’abord un plateau où le signal est nul, le temps que la propreté du xénon devienne suffisamment importante pour laisser le signal d’ionisation atteindre le micromegas. La montée du signal est ensuite très rapide sur 200 heures, avant de s’infléchir et de devenir quasiment linéaire. À t = 1400 heures, la descente de la courbe cor-respond à l’arrêt de la circulation. Le dégazage des matériaux fait alors se dégrader le signal. Les trous dans la courbe correpondent à des périodes où l’acquisition alpha est stoppée pour effectuer d’autres mesures. Nous pouvons entre autre citer une acquisition gamma faite entre t= 700 et 900 heures, pour calibrer les signaux alphas. Nous parlerons de ce calibrage dans le prochain paragraphe.

La figure5.15 nous montre l’évolution du signal sur la période d’acquisition suivante, soit d’octobre à novembre 2009. La montée du signal est immédiate et sa pente plus rapide. Le xénon ayant été juste remisé dans les bouteilles de stockage puis reliquéfié sans qu’il y ait ou-verture de la TPC, il doit être plus propre que dans l’acquisition précédente. Nous retrouvons une fois encore le changement de régime, cette fois-ci vers 120 heures de circulation, la pente devenant plus douce. Les baisses brutales du signal à 140 et 560 heures correspondent à des

FIGURE5.14 – Évolution du signal d’ionisation des alphas de juillet à septembre 2009 pannes de pompes. Elle s’expliquent par le fait que dans ce cas, la pression dans le cryostat di-minue et le niveau de xénon augmente alors légèrement. Des zones du cryostat précédemment dans le gaz se trouvent alors immergées. Ces zones n’ayant pas été nettoyées, le dégazage est assez important pour obtenir les décrochements de signal observés. À partir de t = 600 heures, la purification est stoppée, mais pas la circulation. La décroissance du signal correspond au dé-gazage des matériaux qui vient apporter des impuretés électronégatives dans le xénon.

FIGURE5.15 – Évolution du signal d’ionisation des alphas de septembre à octobre 2009

Étalonnage de la longueur d’atténuation par une acquisition gamma

L’évolution du signal S(t) nous est connue, mais ne nous permet pas de déduire directe-ment la longueur d’atténuation des électrons. En effet, si l’on reprend l’équation 5.2, nous ne

connaissons pas la valeur du signal original S0. Cela est dû à plusieurs faits. Premièrement, à 171 K, il nous est difficile de connaître la valeur réelle de la capacité du détecteur et de la ca-pacité de feeback et donc de déduire du signal mesuré le nombre d’électrons arrivés. De plus, nous ne connaissons pas avec certitude le nombre d’électrons réellement émis, cela à cause de la collection supposée d’une partie des charges par le fil de la source.

Afin d’obtenir la longueur d’atténuation à partir du signal mesuré, nous effectuons un calibrage de ce signal par une mesure de l’atténuation avec la source de photons gammas de 511 keV. La méthode utilisée pour déterminer la longueur d’atténuation est identique à celle présentée dans le paragraphe précédent. Nous trouvons ainsi que L(t = 700 heures) = 35, 3 ± 2, 4 cm. Nous pouvons alors étalonner la courbe d’évolution du signal alpha. Pour cela, nous interpolons li-néairement la valeur du signal alpha à t = 700 heures. Nous pouvons alors déduire la valeur de S0en suivant l’équation suivante :

S0= S(z = 10,t = 700)e  z=10 L(t=700)  (5.4) Nous trouvons ainsi que S0vaut 0.01256 V. Connaissant S0, nous pouvons déduire la longueur d’atténuation des électron L(t) suivant l’équation suivante :

L(t) = (z = 10)

ln(S0) − ln(S(t)) (5.5)

Nous obtenons les courbes5.16 et5.17. Nous pouvons voir que la longueur d’atténuation des électrons dépasse dans les deux cas les 50 cm. Le temps nécessaire pour atteindre une telle longueur est cependant différent selon la courbe, il a fallu près de 1200 heures, soit deux mois, durant la campagne de juillet-octobre, tandis que 500 heures ont suffit dans le second cas. Cette différence s’explique encore une fois par le fait que la TPC n’a pas été ouverte entre les deux mesures et que le xénon était donc plus propre la seconde fois. Nous en discuterons un peu plus loin dans ce chapitre.

5.3 Calcul de la fraction d’impureté dans le xénon liquide