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CHAPITRE 4 : SANTE AU TRAVAIL : ENTRE OBLIGATIONS REGLEMENTAIRES ET RISQUES DANS

1. Cadre règlementaire de la santé au travail

1.2. Des TMS aux RPS : la souffrance psychique au travail

D’après l’INRS et le Ministère du travail français, les facteurs de pénibilité se caractérisent toutefois également par une dimension psychologique. « Les situations de travail qui provoquent du stress sont

associées à une augmentation de maladies comme les troubles musculo-squelettiques (TMS), les maladies cardiovasculaires, ainsi que les problèmes de santé mentale » (Neboit & Vézina, 2002, p. 27). Les mêmes

auteurs rappellent dans leur ouvrage que la tension au travail, mise en évidence par Karasek (1979), dont nous présenterons le modèle à suivre, est associée à des pathologies cardiovasculaires telles que l’hypertension artérielle, notamment lorsque le salarié ne bénéficie pas d’un soutien social adapté. De plus, nous rapprochant du public des pourvoyeurs de care, le stress au travail, spécialement la charge de travail, la participation limitée aux prises de décisions et le soin aux personnes handicapées sont positivement associés au burnout des soignants (Gray-Stanley & Muramatsu, 2011). La similitude avec le public des aides à domicile donnerait ainsi un sens à l’absentéisme élevé relevé dans le secteur des services à la personne. Une réalité de ce secteur et les rapports de l’assurance maladie sur les types d’affections dont souffrent les aides à domicile révèlent pour grande partie l’existence des TMS chez les aides à domicile. Il résulte que TMS et RPS (risques psycho-sociaux) seraient liés par des liens très étroits, s’impactant l’un et l’autre. La douleur provoquant à terme un épuisement, et le stress, des douleurs somatisées.

1.2.1. Les TMS

Les troubles musculo-squelettiques (TMS) constituent en France la première cause de maladies professionnelles indemnisées et de journées de travail perdues. Le sujet est éminemment préoccupant sur notre territoire mais plus largement en Europe. Ils peuvent s’exprimer par des lombalgies et des pathologies articulaires, dues notamment à des gestes répétitifs (contraintes posturales et gestuelles) ou des déterminants organisationnels et psychosociaux des situations professionnelles dont le TMS est un symptôme (INRS, 201590 ; Bougers, De Winter, Kompier, & Hilderbrandt, 1993). A ce titre, le plan Santé Travail 2010-2014 en a fait sa priorité de prévention, en France.

Un récent rapport (2015) des équipes de recherche de l’Université d’Angers (UNAM – LEEST) et de l’Institut de veille sanitaire définit et identifie les facteurs de risques des TMS qui « recouvrent un large ensemble

d'affections péri-articulaires qui touchent les tissus mous (muscles, tendons, nerfs, vaisseaux, cartilages) et se traduisent principalement par des douleurs et une gêne fonctionnelle souvent quotidiennes. […] L'intensité de la douleur et de la gêne peut varier d'une personne à l'autre, mais aussi au cours du temps pour une même personne. Leur gravité est liée à leurs conséquences médicales, du fait d'une chronicisation fréquente, et professionnelles, car source d'inaptitude au poste de travail. » (Brière, et al., 2015). Ce

rapport fait également état de mouvements répétitifs de la main et des bras, qui, exercés plus d’un quart du temps, ainsi que des positions douloureuses et fatigantes au travail, constituent une exposition augmentée au risque d’entrainer des TMS au travail.

Le site de l’INRS91 évoque que tous les secteurs d’activités sont touchés par les TMS, notamment le secteur de l’agroalimentaire, la métallurgie, la construction automobile et le BTP. Toutefois, mention est faite à suivre du secteur de l’aide à la personne, dont le travail répétitif et le port de charges lourdes le laissent aisément présager. L’INRS propose par ailleurs nombre de livrets de bonnes pratiques pour éviter les risques au travail. Ainsi, on y retrouve en juillet 2015, 13 livrets à destinations des aides à domicile et/ou de leur responsable/employeur pour prévenir leur santé, très majoritairement orientés sur la santé physique, au travers des gestes à effectuer dans le quotidien professionnel (dans les maisons des personnes aidées et sur la route). Dont… un seul spécifique aux risques psychosociaux, sur deux pages, qui synthétisent sous forme d’images (situations de travail) ce que peut faire le salarié pour réduire les risques et se faciliter la tâche. Un support plutôt autocentré, où la collaboration avec l’employeur, tel qu’affiché, apparaît plus tirer vers une responsabilité du salarié à prévenir les risques du domicile et du transport, le rôle de l’employeur semblant se réduire ici à une mise en évidence des risques existants.

90 Cf. statistiques consultées le 14/07/2015 sur

http://www.inrs.fr/risques/tms-troubles-musculosquelettiques/statistiques.html

91 Cf. statistiques consultées le 14/07/2015 sur

Voici alors un exemple qui tend à justifier que les attentions quant à la santé des aides à domicile restent encore très centrées sur la souffrance physique, alors que nous avons ébauché que le métier présente des risques de souffrances émotionnelles et mentales fortes du fait d’un métier relationnel en lien avec des personnes en situation de vulnérabilité où la question de la responsabilité n’a de frontières précises du fait de leur fonction d’exécutant, réduisant donc leur autonomie, dont nous verrons qu’elle peut contraindre la santé psychique d’un salarié qui serait placé en tension mentale. L’étude des modèles de la santé (stress) au travail et les apports de Karasek (1979) éclaireront à suivre ces composantes.

Reste alors que les TMS peuvent représenter un symptôme d’un mal d’ailleurs, à l’image des risques psychosociaux dont la souffrance morale commence ou finit toujours par trouver écho dans le corps.

1.2.2. Les RPS

Les nouveaux représentants de la santé et de la sécurité dans les entreprises veillent aux évolutions et à la prise en charge de ces conditions, à des visées de prévention et d’amélioration des conditions de travail. Dans les conditions de travail, les dimensions psychiques ont souvent été sous-estimées, poids d’un héritage industriel majoritairement centré sur les impacts physiques. Pour autant, de nombreux professionnels exercent dans le secteur tertiaire, où l’on est amené à travailler en collectif, autant qu’il induit une relation de service, en interaction avec des clients ou des bénéficiaires. Ces dimensions humaines sont porteuses de pression : objectifs à atteindre, exigences des acteurs ; et peuvent conduire à des ressentis de stress et d’agressivité, comme de satisfactions.

Vallery & Le Duc (2012) fixent l’émergence du concept des RPS dans les années 2000, qu’ils considèrent « comme une extension du vocable stress ». Ils sont par ailleurs définis par le « Collège d’expertise sur le suivi des RPS92 » comme « des risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les

conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ». Parmi les RPS, on considère couramment le stress qui en est une manifestation

en entreprise, autrement dit une expression. Toutefois, investiguer les RPS demande de prendre en compte l’ensemble des dimensions psychosociales qu’ils impliquent. Ainsi, les RPS incluent également les violences internes et externes, le harcèlement moral et le sentiment de mal-être au travail (INRS, 2015).

Le harcèlement moral correspond à un « déclencheur des processus de stress » (Ponnelle, Vaxevanoglou, & Garcia, 2012, p. 189), alors qu’Hirigoyen définit le harcèlement sur le lieu de travail comme ce qui relève de « toute conduite abusive se manifestant notamment par des comportements, des paroles, des actes,

des gestes, des écrits, pouvant porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne, mettre en péril l’emploi de celle-ci ou dégrader le climat social » (1998, p. 67).

Les RPS peuvent également désigner des déterminants qui y conduisent telles que les conditions de travail (charge de travail, horaires, contraintes, rémunération) et le contexte social et organisationnel (incluant les relations de travail) dans lequel évolue le salarié (Valléry & Leduc, 2012).

Les RPS, dont le stress, impactent la santé physique et/ou morale et mentale des salariés. Les RPS constituent une composante essentielle des problématiques de santé au travail, qui sous exigences de réglementations93, fait partie des obligations de considération par les entreprises, qui doivent assurer la sécurité au travail des salariés. Il n’est pourtant pas toujours évident de prendre conscience et/ou d’intervenir sur ce type de risques, d’une part par le manque de clarté du concept pour les individus sur le terrain et d’autre part par les différences de vision des différents acteurs. En effet, un dirigeant ne perçoit pas pareillement une situation de stress vécue par un salarié, notamment parce qu’il est lui-même soumis à pression et responsabilité et qu’il le vit comme une composante acceptée de son travail, ceci ayant une incidence sur les réflexions engagées et les actions réelles effectuées sur le terrain (Pezé, 2010).

Le rapport de l’ORS sur la santé en Bretagne (2010) met par ailleurs en évidence que les « RPS […] restent

relativement invisibles du fait des carences en terme de possibilité de reconnaissance (dans le cadre des visites médicales du travail). ». Ceci contraignant encore la prévention de tels risques.

Les facteurs psychosociaux (environnement psychosocial, violences psychologiques et/ou verbales, manque de récompenses) sont associés positivement à une mauvaise santé perçue (Lesuffleur, Chastang, Cavet, & Niedhammer, 2015). Enfin, les personnes exposées à des RPS sont beaucoup plus susceptibles que la moyenne de signaler des absences pour cause de santé liées au travail (Parent-Thirion, Fernández Macías, Hurley, & Vermeylen, 2007).

Le Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail, dirigé par Michel Gollac et Marceline Bodier (2011) détermine une série de déterminants des facteurs de risques psychosociaux au niveau de l’entreprise. Inspirés de la littérature scientifique sur le sujet, les auteurs désignent notamment 6 catégories que sont (1) l’intensité et le temps de travail, (2) les exigences émotionnelles, (3) l’autonomie, (4) les rapports sociaux au travail, (5) les conflits de valeurs et (6) l’insécurité de la situation de travail. De même, « dans les organisations éclatées et plus fluides, où les responsabilités sont moins claires, les

règles destinées à protéger les salariés trouvent plus difficilement à s’appliquer. […] Les salariés eux- mêmes, dont une partie croissante travaille sous des contrats précaires, bougent d’un site à un autre, d’une activité à une autre, d’une structure à une autre » (Livian, 2005, p. 204). De même, pour l’auteur,

les structures décisionnaires multiples (juridiques, financières, économiques) contribuent à l’effet de dilution, floutant les responsabilités de chacun et du cadre intégré. C’est le cas, par analogie, des aides à domicile, qui peuvent changer d’environnement de travail jusqu’à 6-8 fois dans une même journée, via des contrats différents d’un usager à un autre, ou au titre d’employeurs différents, multipliant par la même le cadre de travail, d’exercice, de service, d’emploi de l’intervenant à domicile.

93 Obligation de négociation autour des RPS dans les entreprises, mise en place en 2008, suite au rapport Nasse &