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CHAPITRE 4 : SANTE AU TRAVAIL : ENTRE OBLIGATIONS REGLEMENTAIRES ET RISQUES DANS

2. Les modèles explicatifs de santé au travail

Au-delà de cette introduction statistique et sémantique dans l’univers de la santé au travail, de nombreux travaux ont été effectués dans le champ des Sciences Humaines et Sociales, notamment en ce qui concerne le lien entre environnement de travail et santé, intégrant à la fois une conception physiologique et psychologique de l’un sur l’autre, via les définitions de variables modératrices et médiatrices, de facteurs, de conséquences, etc. Un comportement de santé est médiatisé par plusieurs facteurs comme les habitudes, le contexte (au travers de la culture et des pratiques), le sentiment d’efficacité personnelle (se sentir en capacité de) et les capacités d’autorégulation (Shankland & Verlhiac, 2013).

Les modèles de la santé au travail ont cherché et souvent permis d’expliquer les liens causaux et fonctionnels qui demeurent entre les variables santé et environnement de travail. Ceci tantôt à des fins de Recherches fondamentales et tantôt d’application en vue d’améliorer les conditions de travail et la santé des travailleurs.

2.1.

Evolutions des objets d’études en santé au travail selon Cuny

& Weill-Fassina (2012)

Les Recherches menées sur la santé et la sécurité au travail n’ont ainsi cessé d’évoluer depuis le siècle dernier que ce soit en termes d’objets d’études ou de méthodologie, passant d’une approche physiologique à la psychologie du travail, enchainant sur l’ergonomie et s’ouvrant sur la souffrance psychique au travail. On a ainsi vu les recherches muter d’une vision centrée sur un salarié fragile - dont on cherchait les moyens d’identifier quelles carences ou caractéristiques exclusives auraient empêché sa sélection pour un métier donné - à sa réciproque, une adaptation de l’activité et de l’environnement de travail à l’individu, alors que de premières réflexions mettaient en évidence que le terrain professionnel pouvait avoir des effets délétères sur la santé du salarié à l’image de l’ouvrage de Faverge, Leplat & Guignet, en 1958, s’intitulant « l’adaptation de la machine à l’homme » (cité par Cuny & Weill-Fassina, 2012), avec l’idée sous-jacente que les exigences du métier pouvaient dépasser les ressources d’un salarié, conduisant à un risque accru d’accident ou de maladie. Plusieurs travaux ont alors été réalisés, notamment dans le secteur industriel et sidérurgique (Cf. travaux de Jacques Leplat sur la psychologie ergonomique), dans un premier temps, pour étudier ce qui pouvait réduire la sécurité des salariés et donc expliquer l’accidentologie, en analysant les facteurs de risques. Par ailleurs, plusieurs enquêtes épidémiologiques ont permis de mesurer les effets du travail sur la santé auprès de populations spécifiques (selon le genre, l’âge, l’emploi, le secteur d’activité, etc.). Puis, les considérations liées à la santé physique ont évolué sur l’étude du concept de fatigue, en tant que conséquence du travail. En premier lieu, approchée comme une fatigue physique résultant de l’activité de travail, possiblement ergonomiquement peu adaptée, les études se sont étendues à une composante psychologique (morale) de la fatigue. Cette fatigue, en soi, nous conduit alors à la santé

psychique que nous approchons plus spécifiquement à suivre dans notre étude, alors que la psychologie du travail s’est aussi beaucoup intéressée aux effets du travail sur les performances, l’engagement, la satisfaction et la motivation des salariés (Cf. entre autres les travaux de Kurt Lewin ; Abraham Maslow, Frederick Hertzberg).

2.2.

Courants théoriques dans le champ du travail et de la santé

Plusieurs recherches ont exploré ces liens entre l’environnement de travail et la santé, et développé des modèles associés. Les travailleurs subissent une pression qui leur demande d’y réagir pour combattre, s’adapter et apprendre de nouvelles compétences pour répondre aux exigences de leur travail (Cox & Griffiths, 1995)94.

Althaus, Kop & Grosjean (2013) en font une revue pouvant donner un cadre théorique d’ensemble à de futures recherches ou interventions organisationnelles mêlant les concepts de santé et travail. Leur revue les a par ailleurs conduits à modéliser un cadre conceptuel général permettant de caractériser chacun des modèles dans un couplage travail-santé. Ainsi, le lien entre ces deux concepts est identifié avec une variable intermédiaire médiatrice de la relation. Le travail influence ces médiateurs qui eux-mêmes influencent la santé. Pour ces auteurs, ces médiateurs peuvent représenter (1) la perception de l’environnement, (2) son évaluation ou (3) des réactions à court terme (physiologiques, comportementales, cognitives…). Ces dernières, si elles sont négatives et se prolongent dans le temps, entrainent un risque accru sur la santé.

La réciproque serait vraie (Bakker & Derks, Positive Occupational Health Psychology, 2010); dans ce cas, des effets positifs durables favoriseraient le bien-être. A cela, le cadre conceptuel général d’Althaus & Al. (2013) intègre des modérateurs - dont les caractéristiques du travail et les dimensions du soutien social complètent les variables sociodémographiques et individuelles, ainsi que l’environnement extraprofessionnel - intervenants aux différents niveaux de la relation travail-médiateur-santé. D’après Rascle & Irachabal (2001), les médiateurs sont plutôt étudiés lorsque les recherches ont une visée exploratrice alors que l’étude des modérateurs sert plutôt des fins descriptives. Ils reprennent Vollrath et al. (1994) pour expliquer qu’il n’est pas toujours aisé de distinguer modérateur et médiateur, qui peuvent être utilisés pour une même variable psychologique. Ainsi, Rascle & Al. (2001) définissent un modérateur plutôt comme « une variable de nature qualitative (sexe, race, contexte...) ou quantitative (niveau de

revenu...) affectant la direction ou l’intensité de la relation entre la variable indépendante et la variable dépendante » (p. 99). Autrement dit, ils éclairent sur les conditions pouvant contribuer à déclencher un

effet entre travail et santé ; et le médiateur est davantage défini comme un processus décrivant la manière

par laquelle les effets entre travail et santé apparaissent. Le premier se veut donc plutôt descriptif et le second explicatif. Les modèles à suivre, synthétisés sous forme d’un tableau, chacun analysable d’après le cadre conceptuel présenté, précisent la mesure et les dimensions par lesquelles le lien s’effectue entre travail et santé.

Ce tableau synthétisant les différents courants, modèles et caractéristiques de la santé au travail est disponible en annexe CH4B – « Synthèse des courants, modèles et caractéristiques des théories de santé au travail ». Il présente les caractéristiques et modèles de référence étudiant le travail et la santé, établi à partir d’une sélection réalisée d’après l’article d’Althaus, Kop et Grosjean (2013).