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CHAPITRE I LERÉGIME DES SOMMES RELEVANT DE L’ARTICLE 1153-

Section 2- Solutions particulières

A- Les tiers payeurs pour les dommages à la personne

170- Depuis la loi n˚ 85-677 du 5 juillet 1985 seules o u v r e n t

S’agissant des

tiers payeurs droit à recours, quelle que soit la nature de l’événement ayant pour les donné lieu au dommage, les prestations énumérées par dommages à la

personne;... l’article 29 de cette loi: prestations versées par les organismes

de Sécurité sociale, prestations versées par l’État au titre d e

l’ordonnance n˚ 59-76 du 7 janvier 1959, sommes versées en

remboursement de frais de traitement médical et d e rééducation, salaires et accessoires maintenus par l’employeur pendant la période d’inactivité consécutive au dommage, indemnités journalières et prestations d’invalidité versées par

divers organismes (mutuelles et compagnies d’assurance).

Le point de départ des intérêts courant sur les s o m m e s réclamées par ces tiers payeurs a donné lieu récemment à u n e

évolution remarquable.

a / Solutions traditionnelles

...jusqu’à une 171- Jusqu’à une période récente, la Cour de cassation période récente soumettait les sommes réclamées au responsable par un

la Cour de organisme de Sécurité sociale ou par l’État au régime de droit cassation leur

appliquait commun de l’article 1153, et non à celui de l’article 1153-1 : les

l’article 1153 du intérêts couraient donc au profit du tiers payeur depuis le j o u r Code civil, en

les faisant de la demande de restitution formée par le tiers payeur, et non

bénéficier des du jour de la décision. De prime abord, la solution p o u v a i t intérêts depuis

le jour de la sembler étonnante : dans le cas normal, en effet, le tiers payeur

demande en agit contre le responsable par la voie subrogatoire (art 30 L remboursement

des prestations 1985) : la demande qu’il forme a alors un caractère

versées.

indemnitaire comme celle de la victime elle-même, et il ne

devrait pas avoir plus de droits que celle-ci. Il en va de même

dans les cas - exceptionnels depuis la loi de 1985 - où le tiers

payeur agit par une action personnelle, en tant que victime par

ricochet. Mais, dans les deux cas, la solution pouvait s e

indemnité, mais d’une indemnité dont le montant est fixé ab

initio, dès le début du procès, puisqu’elle est égale au montant

des sommes qu’il a dû débourser. Aussi paraissait-il logique de

faire courir les intérêts sans attendre la décision qui n’avait, dans ce cas, qu’une valeur déclarative. Comme l’a déclaré à plusieurs reprises la Cour de cassation, le tiers, dans ce cas, "poursuit le recouvrement de dépenses auxquelles il est légalement tenu et sa créance, dont la décision judiciaire se borne à reconnaître l’existence dans la limite de la part d’indemnité mise à la charge du tiers responsable doit produire intérêts du jour de la demande ou, si cette date est postérieure à celle de la demande, du jour où les dépenses ont été

exposées"264. La solution, qui constituait une limite

remarquable et rarement soulignée à l’effet translatif de la subrogation, et qui était très favorable aux tiers payeurs, avait

été affirmée à maintes reprises tant pour la Sécurité sociale265

que pour l’État ou toute autre personne publique ayant versé des sommes à un de ses agents au titre de l’ordonnance de

1959266.

172- Comme l’indiquait la formule jurisprudentielle

précédemment relevée, le point de départ des intérêts n’était retardé que dans le cas où les sommes versées par le tiers payeur l’étaient postérieurement à la demande: en pratique

cela visait les prestations assurées sous forme de rente.

Cependant, dans le cas, particulier de l’État débiteur de créances indemnitaires au titre de l’ordonnance de 1959, il avait même été admis que les intérêts devaient courir dès le jour de la demande sur les sommes représentatives du capital que le responsable doit verser par avance à l’État en représentation de

la rente que celui-ci versera ultérieurement au responsable267.

La solution était très contestable puisqu’elle aboutissait à

procurer à l’État un véritable enrichissement sans cause en l u i donnant des intérêts sur une somme qu’il n’avait pas encore déboursée. Cependant la solution était mal fixée et des arrêts

s’étaient prononcés en sens contraire268.

b / Solutions actuelles

Mais cette 173- La solution traditionnelle ne se comprend que si le juge

solution est

aujourd’hui n’a aucun pouvoir de contrôle sur les indemnités demandées abandonnée ; par l’organisme payeur, si son rôle se borne à vérifier les partant de

l’idée que le juge décomptes des sommes avancées. Or, en ce qui concerne les a un pouvoir de sommes avancées par l’État, la Cour d e cassation contrairement contrôle sur les

sommes à ce qu’elle jugeait auparavant, a reconnu au juge à partir d e

demandées... 1994 pour la chambre criminelle269 et de 1996 pour la deuxième

chambre civile270 un pouvoir de contrôle du lien de causalité

entre l’étendue des prestations versées à l’agent et le préjudice subi par celui-ci Par exemple, il peut écarter telle ou telle somme au motif qu’il s’agit de prestations versées en raison d’une maladie antérieure du fonctionnaire ou d’une indisponibilité dont le rapport avec l’accident n’est pas démontré: ainsi, dans l’arrêt précité du 26 juin 1996, l’État avait accordé à l’agent à la suite de l’accident un congé de longue durée au delà de la période d’incapacité reconnue par l’expert judiciaire et retenue par le tribunal, et avait continué à verser le traitement pendant toute la durée de ce congé ; le lien de causalité avec l’accident n’a pas été reconnu, et le recours contre

le responsable n’a pas été admis.

Ce qui a été admis pour l’État l’a également été p o u r les

recours exercé par ces organismes (sans d’ailleurs en tirer de conséquences pratiques) au fait que les prestations versées o n t « un lien direct avec le fait dommageable. On peut d’ailleurs penser que l’expression de "lien direct" est plus exacte que celle de lien de causalité, qui n’aurait de sens que si le tiers payeur réclamait le remboursement de son préjudice personnel ; dans une subrogation, c’est plutôt l’identité des sommes versées par l’organisme et les sommes dues par l’auteur du dommage qu’il

s’agit d’établir.

Quoi qu’il en soit, il faut observer que la possibilité pour le juge de se livrer à un tel contrôle lui redonne un rôle d’évaluation de l’indemnité demandée, et il est logique que l’article 1153-1 du Code civil retrouve son empire.

...la Courde 174- A partir de 1996, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation estime cassation s’est dirigée nettement en ce sens, tant p o u r l’État271

désormais que que pour la Sécurité sociale. Dans tous ces arrêts, la Cour les intérêts ne

courent sur ces affirme que le montant de la créance du tiers payeur étant

sommes qu’à subordonné au lien de causalité à établir entre le service des compter de la

décision... prestations et le dommage subi par la victime, les intérêts s u r

cette créance doivent courir en principe à compter d u jugement, et non à compter de la demande.

Les premiers arrêts rendus, en 1996, avaient une motivation

ambiguë et certains auteurs avaient pu penser que l’application de l’art 1153-1 était liée au contrôle effectif fait par le juge dans telle ou telle affaire (parce que le montant demandé y avait été contesté), les intérêts continuant à courir du jour de la demande en l’absence de contestation sur le montant de la

créance du tiers payeur272. Cependant, l’évolution récente

semble bien démentir cette interprétation restrictive. D’une

part, dans la plupart des arrêts où la Cour de cassation fait maintenant courir les intérêts à compter du jour de la demande, rien ne laisse apparaître que le lien de causalité ait

chambre civile a rendu en la matière, en 1997 et en 1998

plusieurs arrêts de cassation où elle marque nettement sa volonté de condamner la position traditionnelle reprise par les

juges du fond273. Ces arrêts sont d’autant plus remarquables

que, dans les trois cas, la cassation intervient au visa de l’article 1153-1, alors que la Cour de cassation aurait logiquement dû sauver la solution en se fondant sur le pouvoir discrétionnaire des juges du fond, qui ont toujours la possibilité de faire courir

... cette solution les intérêts à une autre date que celle de leur décision. Cette

étant parfois 74

affirmée au prix remise en cause du pouvoir discrétionnaire274, qui a déjà été

d’une négation signalée275 donne une force particulière à ces décisions et du pouvoir

discrétionnaire interdit d’y voir de simples arrêts d’espèce ; on peut d o n c

des juges de fond. penser que la Cour de cassation entend désormais dire que,

dans tous les cas, les s o m m e s dues à l’État o u à la Sécurité

sociale, ne devraient porter intérêts qu’à compter de la

décision276.

On remarquera cependant que l’évolution affecte p o u r l’instant seulement la deuxième chambre civile de la Cour de

cassation. La première chambre civile et la chambre criminelle

n’ont pas eu l’occasion de se prononcer récemment, et leurs

derniers arrêts rendus, qui d a t e n t , p o u r l’une de 1996277, et

pour l’autre de 1997278, maintiennent la solution traditionnelle,

alors que l’évolution était déjà largement amorcée à la

deuxième chambre.

concerne les recours des tiers payeurs en matière de dommages

aux biens.