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CHAPITRE I LERÉGIME DES SOMMES RELEVANT DE L’ARTICLE 1153-

Section 2- Solutions particulières

B- Les tiers payeurs pour les dommages aux biens

Pour les 175- Il s’agit des assureurs de dommages, auxquels l’article L assureurs de 121-12 du Code des assurances reconnaît un recours

dommages aux subrogatoire contre "les tiers qui, par leur fait, ont causé l e biens, la Courde

cassation faisait dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur". jusqu’ici courir Une jurisprudence constante fait ici courir les intérêts, non pas

les intérêts à

compter de la seulement à compter du jour de la demande de

quittance remboursement formé par l’assureur, mais d u jour où il en a subrogative.

effectué le paiement en se faisant remettre une quittance subrogative279. Cette jurisprudence émane principalement de la

première chambre civile, mais la solution est reprise par la

troisième chambre civile280 et par la chambre commerciale281, et

elle trouve un appui dans un arrêt de l’Assemblée plénière qui

l’a consacrée incidemment en 1986282.

Comme on l’a justement relevé en doctrine283, cette solution

est techniquement inexplicable. La Cour de cassation se fonde sur l’article 1153 du Code civil, mais ce texte, on le sait, fait

courir les intérêts à compter du jour de la demande et non à compter du jour de la naissance de la créance (ce qu’est, p o u r l’assureur, le jour de la quittance subrogative qui le rend créancier). La solution ne saurait être justifiée par l’idée de subrogation, puisque celle-ci, en raison de son effet translatif, devrait donner à l’assureur les mêmes droits que ceux de la

victime, créancier originaire; or si c’était celle-ci qui demandait

le paiement des dommages-intérêts au responsable, elle

n’obtiendrait les intérêts qu’à compter de la décision ! A

certains auteurs, sur l’article 2001 du Code civil qui fait courir les intérêts au profit du mandataire (et, par analogie, au gérant d’affaires) à compter du jour des avances qu’il a faites : l’assureur en effet n’agit pas contre le responsable en tant que mandataire (ou en tant que gérant d’affaires), dans tous les arrêts cités, il apparaît comme subrogé dans les droits de la victime. Force est donc de constater que la jurisprudence relative aux intérêts ne s’explique que par une faveur "politique" à l’égard des compagnies d’assurance !

Il faut se 176- Jusqu’à présent les auteurs qui se sont interrogés sur la demander si pertinence de la solution n’avaient proposé que de déplacer l e

cette solution ne point de départ des intérêts du jour de la quittance au jour de la devraitpas être

remise en cause. demande, en revenant à une application rigoureuse de l’article 1153. Mais l’évolution intervenue à propos des autres tiers

payeurs amène à se demander s’il ne faudrait pas aller p l u s loin et sortir du cadre de l’article 1153 pour appliquer a u x

assureurs l’article 1153-1. Les considérations évoquées à propos de l’État et d e la Sécurité sociale, et celles relatives aux a c t i o n s

en dommages-intérêts ayant pour objet la récupération d ’ u n e

perte financière, peuvent être transposées ici: ce n’est pas parce

que la somme demandée est exactement égale à une s o m m e précédemment déboursée qu’elle perd sa nature indemnitaire, et, si on admet à propos des autres tiers subrogés, que le juge a un pouvoir de contrôle sur les sommes demandées, on doit l’admettre également à propos des assureurs de dommages et en tirer la même conséquence. Ou alors il faut revenir p o u r tous les tiers payeurs à la solution précédemment admise p o u r

l’État et les organismes sociaux !

Il faut observer d’ailleurs que, paradoxalement, l’application

aux assureurs de l’article 1153-1 pourrait s’avérer m o i n s défavorable qu’une application stricte de l’article 1153. Le merveilleux pouvoir discrétionnaire de l’article 1153-1

permettrait aux juges du fond en effet, de modifier à leur guise

le point de départ des intérêts, en les faisant remonter n o n

seulement au jour de la demande, mais même, s’ils l’estiment

§2- L’incidence de la compensation

Les incidences de 177- Les incidences de la compensation sur les domaines la compensation d’application respectifs de l’article 1153 et de l’article 1153-1 du sur les domaines Code civil constituent un des autres points délicats de la d’application

respectifs de matière. Même si la question n’apparaît, sur notre échantillon, l’article 1153 et que dans 7 arrêts, elle mérite un examen particulier en ce

l’article 1153-1

constituent un qu’elle est révélatrice des difficultés de la distinction entre les

point délicat. En deux catégories de créances à partir de laquelle tout le système cas de

compensation est organisé.

entre une créance

Le problème apparaît lorsque le juge est saisi de deux

indemnitaire et

une créance non demandes, l’une portant sur une créance d’origine légale ou

indemnitaire... conventionnelle portant intérêts à compter de la s o m m a t i o n

de payer, l’autre portant sur une créance indemnitaire relevant

de l’article 1153-1. Le juge conclut au bien-fondé des deux

demandes et procède à la compensation entre les sommes dues

de part et d’autre. Comment, alors, les intérêts doivent-ils être

calculés ? Une première méthode consiste à appliquer les intérêts à chacune des créances avant de procéder à la compensation: la somme due au titre du contrat ou de la loi sera augmentée des intérêts à compter du jour de la demande, la somme due au titre des dommages-intérêts apparaîtra sans intérêts (puisqu’elle ne porte intérêts qu’à compter de la décision et que le juge ne peut évidemment inclure d’avance le

calcul des intérêts dans sa condamnation). Bien entendu le

produit de la compensation portera, lui, intérêts à compter de la décision (quelle que soit la nature, indemnitaire ou n o n indemnitaire) de la créance issue de cette compensation. La seconde méthode consiste à faire jouer d’abord la compensation entre les deux sommes demandées, sans inclure les intérêts de retard, et à faire jouer ensuite le régime des intérêts en fonction de la nature de la créance obtenue. Si la somme due en vertu du contrat apparaît finalement plus importante que celle due au titre des dommages-intérêts, on lui

ajoutera les intérêts à compter de la demande. Si en revanche, les dommages-intérêts sont plus importants, la condamnation sera considérée comme de nature indemnitaire et les intérêts courront seulement à compter de la décision.

... deux 178- Les deux méthodes aboutissent à des résultats méthodes sont sensiblement différents, tout simplement parce qu’un même concevables qui

aboutissent à des taux d’intérêt produit une somme plus ou moins importante solutions selon le montant du capital de départ !. Raisonnons sur un différentes.

taux légal de 5% (sans anatocisme) et sur un procès qui dure 3 ans (de la demande à l’arrêt d’appel infirmatif, qui est la

décision faisant courir les intérêts sur les indemnités).

Dans une première hypothèse, le juge considère que la créance contractuelle est de 500 000 et la créance de dommages-intérêts

de 200 000. Avec la méthode 1, la créance contractuelle produit

3 ans d’intérêt soit 15%, c’est à dire 75000, la créance d e dommages-intérêts ne produit rien ; le créancier reçoit 375

000F. Avec la méthode 2, on compense 500 000 et 200 000, on obtient 300 000 et c’est seulement sur ces 300 000 qu’on fait courir les intérêts sur 3 a n s : le créancier contractuel reçoit donc 45 000 d’intérêts, soit 345 000F en tout.

Raisonnons maintenant sur l’hypothèse inverse où le juge

évalue la créance de dommages-intérêts (500 000) à un m o n t a n t

supérieur à celui de la créance contractuelle (300 000). Avec la méthode 1, le créancier de l’indemnité se verra accorder (500 000 - (300 000+45 000)) soit 155 000F, et c’est sur cette somme que courront les intérêts. Avec la méthode 2, il obtiendra 200 000,

plus les intérêts à compter de la décision.

La première méthode est toujours plus favorable au créancier contractuel, la seconde au créancier d’indemnité, parce qu’elle aboutit à partager la prise en charge de la durée du procès entre les deux parties. Bien évidemment, la distorsion entre les deux méthodes est d’autant plus importante que les sommes en j e u le sont et que la durée du procès est longue.

aux juges du fond de faire courir les intérêts sur la créance contractuelle avant de faire jouer la -compensation. Particulièrement net est un arrêt de la chambre commerciale qui observe que, lorsqu’il existe des créances de part et

d’autres... chacune conserve son caractère et obéit à son régime

propre même si leur règlement peut s’effectuer par compensation". La solution paraît logique: lorsque le juge condamne au paiement d’une créance déterminée au départ, i l ne fait (par une fiction que nous connaissons bien) que déclarer une situation préexistante ; le créancier a droit à la s o m m e depuis le départ, et le fait qu’elle soit, au moment du jugement, réglée par compensation, ne saurait le priver des intérêts qui

lui sont légalement dus.

La question est,

180- La situation peut cependant se trouver quelque p e u

ici encore,

perturbée par perturbée, en cas de compensation entre une créance relevant

l’intervention du de l’article 1153 et une créance indemnitaire, lorsque le juge, pouvoir

discrétionnaire. faisant usage du pouvoir discrétionnaire que lui donne l’article

1153-1, fixe le point de départ des intérêts sur la seconde au jour de la demande. Les intérêts courent alors sur les deux s o m m e s à compter de la même date, et s’ils sont au même taux, on peut avoir l’impression qu’il est indifférent que le calcul d’intérêts s’opère avant ou après le jeu de la compensation. C’est ce qu’a jugé la chambre commerciale dans un arrêt déjà cité du 6

février 1996286, en ajoutant que dans ce cas, le juge pouvait

décider de faire courir les intérêts sur le solde à compter de sa

décision! La solution est proprement aberrante. En permettant

de calculer les intérêts sur le solde, et non sur les créances avant compensation, la Cour de cassation semble oublier que 5% d’intérêts sur une somme X n’équivalent pas à 5%

d’intérêts sur une somme Y. En outre, on ne voit pas pourquoi

dans ce cas, les intérêts courraient à compter de la décision, alors que le solde est le résultat d’une compensation entre deux sommes portant intérêts à compter de la demande! Dans l’espèce, une société avait été condamnée à verser à l’autre u n e somme indemnitaire de 383 378F qui venait se compenser e n

partie avec une créance de prix de 292 000F. Le créancier indemnitaire avait ainsi obtenu 91 378 F avec intérêts à compter de la décision. Le procès avait duré 4 ans (de la

demande à l’arrêt d’appel) En raisonnant (pour simplifier) s u r un taux d’intérêt qui était à l’époque d’environ 10% l’an sans anatocisme, on peut voir que, si on avait calculé les intérêts avant compensation, en les faisant courir à compter de la demande sur les deux créances, le créancier indemnitaire aurait

reçu (383 378 + 153351= 536729) - (292 000 + 116800= 408800), soit

127 929 - ce qui sans doute peut ne pas sembler considérable mais qui représente tout de même 40% de plus que ce qui a été obtenu. Autrement dit, le créancier a perdu les intérêts sur la somme à lui allouée entre le jour de la demande et le jour de la décision, alors que tout le raisonnement repose précisément

sur le fait que les intérêts sur l’indemnité couraient à compter

du jour de la demande !

Le raisonnement suivi ici est d’autant plus étonnant qu’il est

imaginé de toute pièces par la Cour de cassation pour s a u v e r un arrêt manifestement erroné de la cour d’appel, qui avait, e n violation de l’article 1153, procédé à la compensation s a n s avoir auparavant calculé le montant des intérêts sur la créance contractuelle. La Cour de cassation lui prête a posteriori l’intention d’avoir voulu faire remonter le point de départ des intérêts sur la somme indemnitaire dès le jour de la demande, alignant ainsi le point de départ des intérêts sur les deux sommes et permettant, selon la Cour de cassation, de faire

courir les intérêts sur le solde! Dans cette affaire, si on avait

procédé conformément à la solution habituellement prônée par la Cour de cassation, le créancier du solde du prix aurait dû

voir sa créance augmentée des intérêts sur 4 ans (soit 292 000 + 116 800 = 408800) ; il aurait alors eu une créance supérieure à la créance indemnitaire de 383 378F et aurait finalement reçu 25 422 F !

Au-delà de ses 181- Même si elle est bien sûr un cas d’espèce, une telle aspects

générale de cette verrons plus loin comment ce mécanisme perturbateur se recherche.

retrouve lorsqu’il s’agit de fixer le point de départ sur les sommes à restituer à la suite d’une décision ultérieurement

DEUXIÈME PARTIE- LE COÛT DE LA DURÉE