• Aucun résultat trouvé

4. COMPOSÉS AROMATIQUES FORMÉS OU CONSERVÉS DURANT LE

4.3 Composés soufrés ayant un impact positif sur l’arôme du vin

4.3.2 Thiols volatils

4.3.2.1 Thiols variétaux et non variétaux

Ainsi, si la contribution du DMS à l’arôme du vieillissement des vins semble indéniable, les multiples paramètres viticoles et œnologiques impliqués dans sa libération et dans sa conservation dans les vins (de Royer-Dupré et al., 2014) ainsi que les mécanismes d’interactions perceptives intervenant avec les composés de la fraction volatile du vin la rendent complexe et encore non complètement élucidée (du Plessis & Loubser, 1974 ; Spedding & Raut, 1982 ; Goniak & Noble 1987 ; Segurel et al., 2004 ; Dagan & Schneider, 2012).

4.3.2 Thiols volatils

Depuis le début des années 1990, la découverte de plusieurs thiols dans de nombreux vins a permis d’expliquer certaines nuances « herbacées », « fruitées », ou « empyreumatiques ». Du fait de leur très faible seuil de détection olfactif (de l’ordre du ng/L), ces composés sont particulièrement odorants (Dubourdieu & Tominaga, 2009). De nombreux travaux de recherche ont été consacrés à l’étude des thiols volatils et plus particulièrement à leurs voies de formation et à leur implication positive dans l’arôme des vins (Coetzee & du Toit 2012 ; Peña-Gallego et al., 2012).

4.3.2.1 Thiols variétaux et non variétaux

Les thiols volatils du vin peuvent être distingués en deux groupes selon leur origine. Le premier groupe concerne les thiols volatils variétaux, tels la 4-méthyl-4-sulfanylpentan-2-one (4MSP), le 3-sulfanylhexanol (3SH) et l’acétate de 3-sulfanylhexanol (A3SH). Ils sont présents dans le raisin et le moût sous la forme de précurseurs inodores cystéinylés (Tominaga et al., 1998a ; Murat et al., 2001) ou glutathionylés (Fedrizzi et al., 2009 ; Capone et al., 2010 ; Roland et al., 2010 ). Ils sont révélés, lors de la fermentation alcoolique, grâce à l’intervention de β-lyases de la levure Saccharomyces cerevisiae (Tominaga et al., 1998a) et se retrouvent dans le vin à des concentrations de l’ordre du ng/L (Tominaga et al., 1998b ; Tominaga et al., 2000a ; Francis & Newton 2005 ; Swiegers et al., 2005 ; Swiegers & Pretorius, 2007 ; Dubourdieu & Tominaga, 2009).

La 4MSP a été identifiée pour la première fois dans des vins de Sauvignon blanc (Darriet et al., 1995) puis dans ceux de Scheurebe (Guth, 1997b), Maccabeo (Escudero et al., 2004) Semillon, Petit et Gros Manseng (Tominaga et al., 2000a). L’expression aromatique de la 4MSP rappelle celle du buis et du bourgeon de cassis (Darriet, 1993 ; Darriet et al., 1995). Elle est présente dans les vins à des teneurs largement supérieures à 40 ng/L pour un seuil de détection olfactif de 0,8 ng/L en solution modèle (Tominaga et al., 2000a). Certains auteurs ont ainsi confirmé son impact organoleptique dans l’arôme fruité des vins blancs mais aussi des vins rouges (Rigou et al., 2014).

42 Le 3SH et l’A3SH, généralement plus abondants que la 4MSP, confèrent aux vins blancs et rosés des notes fruitées de « pamplemousse » et de « fruit de la passion » (Tominaga et al., 2000a ; Murat et al., 2001 ; Ferreira et al., 2002 ; Masson et al., 2009). Avec des seuils de détection olfactif proches de 60 et 4 ng/L respectivement (Tominaga et al., 2000a), on les retrouve dans un grand nombre de vins de cépage, comme le Sauvignon blanc et le Sémillon (Tominaga et al., 1998b ; Tominaga et al., 2000a), les Petit et Gros Manseng (Lopes et al., 2005) et le Melon de Bourgogne (Schneider, 2001). La présence du 3SH et de l’A3SH a également été rapportée dans des vins issus de cépages rouges tels le Cabernet Sauvignon et le Merlot (Bouchilloux et al., 1998b ; Murat et al., 2001) mais également le Grenache ou la Syrah (Ferreira et al., 2002 ; Rigou et al., 2014) à des teneurs pouvant atteindre plusieurs centaines de ng/L voir quelques µg/L. Le 3SH et l’A3SH présentent chacun deux formes énantiomériques dont les caractéristiques sensorielle diffèrent. En effet, les formes R du 3SH et de l’A3SH sont respectivement caractérisées par des notes de « pamplemousse » et « herbacé » tandis que les formes S évoquent d’avantage le « fruit de la passion ». Ainsi la distribution énantiomérique de ces thiols dans les vins peut modifier leur perception olfactive (Tominaga & Dubourdieu, 2006). De plus, le 3SH est décrit comme conférant à l’arôme des vins rouges des notes « cassis » (Blanchard et al., 2004) et peut participer à la complexité de l’arôme des vins vieux (Cullere et al., 2004). Son impact organoleptique semble également fortement dépendant de son niveau de concentration dans les vins, balayant une large palette aromatique allant des notes « fruitées » vers des notes « soufrées » et « brûlées » (Mateo-Vivaracho et al., 2010).

Au cours de la conservation du vin, les teneurs des thiols odorants diminuent généralement, mais cette diminution apparaît très dépendante des phénomènes oxydatifs inhérents à cette conservation. Ainsi, les facteurs qui préviennent l’altération du vin (contact limité avec l’oxygène, présence de dioxyde de soufre, contact avec les lies, teneurs en glutathion et en anthocyanes) limitent en général les pertes de ces composés (Murat et al., 2003). Plus précisément, il est admis que le 3SH et l’A3SH voient leurs teneurs diminuer avec le vieillissement en bouteille (Dubourdieu & Tominaga, 2009). L’A3SH, essentiellement présent dans les vins jeunes, s’hydrolyse en 3SH au cours du vieillissement. Les teneurs en 3SH diminuent rapidement dans les vins rouges durant l’élevage en barrique du fait de son oxydabilité mais aussi de la grande réactivité de la fonction thiol vis-à-vis des quinones présentes dans le vin (Dubourdieu & Tominaga, 2009 ; Petit et al., 2015). Cependant, dans des conditions de prévention de l’oxydation, le 3SH est plus stable et ses teneurs restent supérieures à son seuil de perception (Blanchard, 2000; Ugliano et al., 2010).

43 Le second groupe de thiols volatils comprend des molécules formées au cours de la fermentation alcoolique en barrique ou pendant l’élevage des vins en fût de chêne. Elles contribuent à l’arôme « empyreumatique » acquis au cours du vieillissement des vins de garde (Dubourdieu & Tominaga, 2009).

Le 2-méthyl-3furanethiol (2M3FT) et le 2-furanméthanethiol (2FMT) sont deux thiols volatils présentant un groupement furane. Avec respectivement des seuils de détection de 4 et 0,4 ng/L, le 2M3FT évoque des notes de « viande rôtie » (Bouchilloux et al., 1998a) tandis que le 2FMT est caractérisé par les notes « grillé » et « café torréfié » (Tominaga et al., 2000b). Ils ont été identifiés et quantifiés dans des vins blancs de Sauvignon blanc et de Chardonnay mais également dans des vins rouges de Cabernet Sauvignon, Merlot, Cabernet franc, Petit Manseng et dans les vins espagnols de la Rioja (Bouchilloux et al., 1998a ; Kotseridis et al., 2000 ; Marchand et al., 2000 ; Tominaga et al., 2000b ; Aznar et al., 2001 ; Tominaga & Dubourdieu, 2006). Les teneurs les plus élevées pour le 2FMT ont été trouvées dans des vieux Champagnes, pouvant atteindre jusqu’à 5 µg/L (Tominaga et al., 2003a). La formation du 2FMT dans le vin provient du furfural cédé par le bois ou s’opère ultérieurement dans la bouteille par réaction de Maillard (Shibamoto & Russell, 1976 ; Marchand, 2002). Réduit en alcool furfurylique, le furfural donne naissance au 2FMT par réaction avec les anions hydrogénosulfures (SH-) provenant du métabolisme soufré des levures (Blanchard et al., 2001 ; Blanchard et al., 2004) (Figure 7).

Figure 7. Hypothèse de formation du 2FMT à partir du furfural réduit en alcool furfurylique par substitution

nucléophile du groupement hydroxyle par le sulfure d’hydrogène

Parmi les thiols accumulés au cours du vieillissement, le benzèneméthanethiol (BMT) confère au vin des notes aromatiques positives de fumée, souvent décrites comme « pierre à fusil » dans les vins de Sauvignon blanc et de Chardonnay. Il a également été identifié dans des vins rouges de Bordeaux (Tominaga et al., 2000a ; Tominaga et al., 2003b) ainsi qu’à forte concentration dans des vieux Champagnes (Tominaga et al., 2003a).

Enfin, deux thioesters, le 2-sulfanylpropionate (E2SP) et le 3-sulfanylpropionate (E3SP), à l’odeur grillée, ont été identifiés dans des vins de Vitis labrusca (Kolor, 1983) et Vitis vinifera (Moio & Etievant, 1995 ; Blanchard, 1999). Ils sont également connus pour leur impact sur le caractère empyreumatique des vieux Champagnes (Tominaga et al., 2003a). La formation de ces deux

O O O OH O SH + H2 + H2S / -H+