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3. ANALYSE CHIMIQUE DE L’ARÔME DU VIN

3.3 Analyses chromatographiques

Afin de mieux comprendre la contribution des composés volatils dans le profil aromatique d’un vin, le recours à l’analyse chromatographique apparaît indispensable. Elle permet d’isoler et identifier, à la fois sensoriellement et chimiquement, les marqueurs moléculaires impliqués.

3.3.1 Identification de zones odorantes par GC-Olfactométrie (GC-O)

La GC-O, introduite par Fuller et al. (1964), utilise le nez humain comme détecteur des composés volatils en sortie de colonne chromatographique et permet d’établir un lien entre la composition chimique et l’odeur d’un extrait. L'avantage de cette méthode est qu'elle associe la chromatographie en phase gazeuse et l’analyse sensorielle, en considérant que des détecteurs «physiques» ont une sensibilité différente de celle du nez humain pour de nombreux composés odorants (Acree et al., 1984). Après injection, l’extrait est séparé dans la colonne chromatographique. En sortie de colonne, l’effluent gazeux est généralement divisé en deux parties, l’une dirigée vers un détecteur instrumental, généralement à ionisation de flamme (FID), l’autre dirigée vers un dispositif de flairage placé à la hauteur du nez d’un juge, appelé « port

27 sniffing ». Cette méthode permet donc d’obtenir simultanément deux types de signaux : le chromatogramme de l’extrait et l’enregistrement des évènements d’odeur perçus par le sujet.

3.3.1.1 Caractérisation des zones odorantes

Les zones odorantes obtenues par GC-O sont caractérisées par trois types de paramètres : l’indice olfactométrique, l’indice linéaire de rétention (ILR) moyen et les descripteurs de l’odeur perçue. Toutes ces informations seront utiles lors de l’étape ultérieure d’identification moléculaire. L’ILR, spécifique au type de colonne chromatographique utilisée, constitue le principal critère sur lequel s’appuient les auteurs pour compiler des données individuelles en un aromagramme global (Acree et al., 1984 ; Ullrich & Grosch, 1987 ; Le Guen et al., 2000). Il a cependant été montré que l’ILR d’une odeur peut être soumis à des variations dues à des différences de sensibilité et de réactivité entre les membres du panel (Le Fur et al., 2003). En effet, des individus très sensibles vont pouvoir repérer l’odeur dès l’apparition du composé, tandis que d’autres, moins sensibles, ne la détecteront que plus tard, au sommet du pic. Ainsi des différences d’aptitudes sensorielles et de réactivité entre les individus peuvent exister, rendant moins aisée la délimitation des zones odorantes.

L’autre aspect de l’analyse olfactométrique qui relève directement des aptitudes du panel concerne la description des odeurs relatives aux différentes zones odorantes. La pratique la plus courante est de laisser les membres du panel décrire les odeurs qu’ils perçoivent avec leur propre vocabulaire, même si les descripteurs générés pour un même composé peuvent être différents d’un individu à l’autre (Keim et al., 2003).

Ainsi toute la difficulté en analyse GC-O réside dans l’obtention d’un consensus entre les membres du jury sur les ILR et les descripteurs aromatiques pouvant définir des zones odorantes d’intérêt.

3.3.1.2 Méthodes d’analyses en GC-O

De nombreuses méthodes ont été mises au point afin de corréler une zone odorante identifiée à un composé d’intérêt. Parmi elles, les techniques de dilution (Aroma Extract Dilution Analysis (AEDA) et CharmAnalysis) consistent à déterminer la puissance aromatique des composés présents dans l’extrait (Acree et al., 1984 ; Ullrich & Grosch, 1987 ; Silva Ferreira et al., 2003 ; Oliveira e Silva et al., 2008). Dans les deux cas, les composés aromatiques encore perçus sensoriellement à haute dilution sont considérés comme participant activement à l’arôme initial (Grosch, 2001). Cependant, l’inconvénient majeur de ces méthodes réside dans le fait qu’elles sont longues à mettre en œuvre, et qu’il apparaît donc difficile de solliciter plusieurs évaluateurs pour s’assurer de la reproductibilité des résultats et de lisser les différences inter-individuelles.

28 La méthode des fréquences de détection, basée sur le calcul des fréquences de détection d’odeur est la plus récente des méthodes d’analyse olfactométriques (Pollien et al., 1997).

Pour utiliser cette méthode, l’extrait brut non dilué est étudié, ce qui nécessite d’avoir recours à un nombre d’évaluateurs plus important, compris généralement entre 6 et 10 (Pollien et al., 1997). Un aromagramme représentant le nombre cumulé de détections en fonction du temps de rétention, est ensuite construit, permettant ainsi d’identifier les zones odorantes les plus partagées entre les individus. Cette méthode a notamment été utilisée pour l’analyse de vins de Chardonnay (Le Fur et al., 2003 ; Buettner, 2004) et dans l’évaluation des changements aromatiques des vins rouges induits par la fermentation malolactique (Keim et al., 2003). La méthode des fréquences de détection ne nécessite pas d’entraînement particulier des sujets, si ce n’est une familiarisation avec le dispositif olfactométrique. Enfin cette technique permet d’obtenir des résultats plus répétables et les plus représentatifs d’une population donnée car elle minimise les risques d’absence de détection liés aux différences inter-individuelles (Priser et al., 1997).

La GC-O semble donc être un outil analytique fiable dans la recherche d’odorants et son efficacité dans l’identification sensorielle de nombreux composés aromatiques du vin a d’ailleurs été démontrée à plusieurs reprises (Deibler et al., 1999 ; Kotseridis & Baumes 2000 ; Aznar et al., 2001; Ferreira et al., 2002; Escudero et al., 2004 ; Plutowska & Wardencki 2008). Elle peut également être utilisée en complément du fractionnement en chromatographie liquide (Pons et al., 2008 ; Stamatopoulos et al., 2014). Cependant avec la GC-O, les composés volatils sont évalués seuls au fur et à mesure de leur élution chromatographique. Cette technique prend en compte l’impact aromatique individuel des molécules volatiles. Elle ne rend donc pas compte des différentes perceptions sensorielles d’un mélange complexe ni de l’existence des nombreuses interactions perceptives dans un vin. Ainsi, l’analyse par GC-O ne peut pas évaluer complètement l'impact organoleptique d'un composé dans l’arôme d’un vin, en particulier si ce composé est associé à une appréciation qualitative (Lorrain et al., 2006 ; Barbe et al., 2008). Elle doit donc être complétée par d'autres études sensorielles réalisées dans des matrices plus complexes.

3.3.2 Caractérisation chimique par GC-Spectrométrie de Masse (GC-MS)

L’objectif d’une méthode analytique est de pouvoir identifier et/ou quantifier chaque composé d’intérêt de la matrice étudiée. La méthode développée doit être sensible, robuste, et reproductible. Pour répondre au mieux à ces objectifs, de nombreux détecteurs couplés à la chromatographie gazeuse existent :

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 les détecteurs spécifiques tels les détecteurs pour les molécules azotées et phosphorées (NPD) ou les détecteurs à photométrie de flamme pour la détection des composés soufrés (FPD)

 les détecteurs permettant une caractérisation structurale comme la spectrométrie de masse (MS), qui séparent et détectent les molécules ou fragments moléculaires ionisés suivant leur rapport masse sur charge (m/z).

Les informations structurales apportées par la spectrométrie de masse en font le détecteur de choix pour l’identification et la quantification des composés volatiles du vin (Schreier et al., 1976 ; Ebeler, 2001 ; Hayasaka et al., 2005 ; Polaskova et al., 2008 ; Ebeler & Thorngate, 2009 ; Ebeler, 2012).

L’existence de diverses configurations de spectromètres de masse offre des possibilités de caractérisation, de sélectivité et de sensibilité, adaptables selon les problématiques. Les modes d’ionisation en impact électronique ou par ionisation chimique (positive et négative) permettent d’accéder à une information structurale complémentaire (ions fragments et/ou ion moléculaire). Les analyseurs de masse de géométrie différente proposent des pouvoir de résolution unitaire (quadrupoles, trappes d’ions) ou plus élevé (analyseurs à temps de vol). Dans ce dernier cas, la précision en masse obtenue donne accès aux formules élémentaires des ions analysés et à la possibilité de séparer des ions isobares. L’association en tandem de deux analyseurs de masse (SM/SM) combine dans un même instrument les potentialités de séparation du premier analyseur (sélection d’un ion m/z spécifique) et le pouvoir de détection du second analyseur (analyse des ions fragments issus du m/z sélectionné) et permet d’acquérir une spécificité et une sensibilité accrues.

Grâce à un pilotage informatique des instruments, différentes lois de balayage peuvent être appliqués aux analyseurs de masse en fonction de la configuration instrumentale. En SM simple, il est possible de choisir un balayage complet sur une plage de masse (mode SCAN) ou plus sélectif sur des ions caractéristiques des composés recherchés (mode SIM pour Single Ion Monitoring). Ce dernier mode de balayage sera plus particulièrement utilisé pour des applications quantitatives. En spectrométrie de masse en tandem, le balayage simultané des deux analyseurs permettra de façon très sélective et sensible de suivre une ou plusieurs réactions de fragmentation ionique en MRM (Multiple Reaction Monitoring). Cette configuration est particulièrement bien adaptée pour des dosages de composés dans des matrices complexes (Watson & Sparkman, 2007). Par ailleurs, les spectromètres de masse couplés à la chromatographie gazeuse intègrent la possibilité de recherche automatisée dans des bases de données spectrales acquises en impact électronique (par

30 exemple, la base NIST (National Institute of Standards and Technology)) facilitant ainsi l’interprétation des données structurales.