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4.   Cadre  de  référence

4.5. Médecine traditionnelle

4.5.3. Thérapeutiques

La médecine étant un « ensemble des connaissances scientifiques et des moyens de tous ordres mis en œuvre pour la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies, blessures ou infirmités » (Larousse, 2013), la médecine traditionnelle peut être considérée comme un système thérapeutique en soi (MEG, 1992, p. 17), puisque les savoirs traditionnels « présentent l’avantage de ne pas dissocier la santé physique, de la santé morale, sociale et spirituelle » (MEG, 1992, p. 10).

Une fois la cause du mal déterminée grâce à la divination, on envisage un traitement qui s’articule souvent en plusieurs étapes et actions (MEG, 1992, p. 10). Outre à l’utilisation de plantes médicinales sous différentes formes (potions à boire, bains, cataplasmes, inhalations ou fumigations à base de racines, écorces ou poudres), connue sous le nom de phytothérapie, on trouve d’autres procédés tels que (Lévy, 2001, p. 150-151) :

• des techniques gestuelles (frictions, cautérisations ou incisions de la peau) • des interdits alimentaires

• prières, divination, sacrifices d’animaux, édification d’autels, confection d’amulettes à porter en permanence ou à conserver chez soi (MEG, 1992, p. 10), ou autres techniques d’écriture et formules jaculatoires1, que les tradithérapeutes utilisent pour extraire le mal et protéger le malade

En ce qui concerne l’ulcère de Buruli, l’étude de Johnson & al. (2004, p. 147 / 149), a permis d’identifier quatre étapes fondamentales du traitement traditionnel de cette dernière. Il comprend tout aussi bien le diagnostic, que les soins locaux, avec ou sans utilisation de plantes, et les procédés d’ordre mystique susmentionnés.

Les voici :

• Le diagnostic

• L’ablation des tissus nécrosés

o soit à l’aide d’objets tranchants, tels que lames ou ciseaux, ce qu’on appelle un débridement chirurgical. Cette pratique expose le patient à un risque élevé d’infections et hémorragie.

o soit par l’action de cataplasmes de feuilles directement appliqués sur la zone atteinte, ce qu’on appelle un débridement enzymatique. Parfois on y rajoute des antibiotiques ou du paracétamol, achetés au marché sans ordonnance médicale. Un tradithérapeute a expliqué aux auteurs qu’ « on commence le traitement avec les feuilles qui enlèvent la nécrose. Dès que le ‟AHO” (nécrose en fon) est partie, la plaie guérit assez vite, mais tant qu’il persiste, il y a toujours problème ». • Les soins de plaie, notamment par la réfection régulière du pansement. Un

tradithérapeute confie « J’achète les produits au marché que j’associe à la racine des plantes et au paracétamol. Tous ces produits qui peuvent permettre de guérir la plaie, je les écrase et les mets dans la plaie ; c’est comme ça que je soigne les malades et tout le monde vient vers moi ».

1

 L’écriture  étant  un  remède  purifiant,  il  s’agit  de  mots  sacrés  en  l’honneur  de  Dieu  enfermés  dans  des  amulettes,  

dits  sacrés,  pouvant  être  portés  ou  accrochés  dans  la  maison  (Lévy,  2001,  p.  160).    

• L’exorcisme, c’est-à-dire un sacrifice d’animaux (poulets ou moutons) qui est réalisé pour remercier les ancêtres d’avoir facilité la guérison et son envergure dépend de la gravité de l’atteinte et de la durée du traitement.

• Le blindage, consiste en une sorte de vaccination pour prévenir l’apparition de la maladie, ou éviter une rechute chez les patients atteint d’UB. Pour réaliser le blindage, soit en début, soit en fin de traitement, le guérisseur scarifie le malade sur plusieurs régions du corps et applique dans les entailles un mélange de poudres et d’herbes. Lorsque celles-ci pénètrent dans le sang, leur action protège la personne contre l’ulcère de Buruli et symboliquement, la mise en place de cette protéction, signifie la fin de l’épisode de la maladie et le retour à la santé (Latérali, 2005, p. 137-139).

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 4.5., l’OMS reconnaît désormais que la médecine traditionnelle peut être tout aussi efficace pour guérir certaines affections que l’est la médecine moderne (MEG, 1992, p. 10) : la phytothérapie constitue l’élément clé de cette reconnaissance. Yemoa et al. (2008) ont mené une enquête ethnobotanique auprès de 17 tradi-praticiens dans le département de Zou au Bénin, dont les résultats exposés dans leur article « Identification et étude phytochimique de plantes utilisées dans le traitement traditionnel de l’Ulcère de Buruli au Bénin » montrent clairement qu’une collaboration entre médecine traditionnelle et moderne serait tout à fait envisageable, en raison des nombreuses propriétés oedémateuses, anti-inflammatoires, antibactériennes, antiseptiques, sédatives, analgésique, anesthésiques et cicatrisantes de certaines plantes (p. 53), sans compter leur action scientifiquement prouvée d’inhibition de la croissance in vitro du mycobactérium ulcérans (Yemoa & al., 2008, p. 51). Cela dit, le seul traitement efficace à ce jour pour soigner l’Ulcère de Buruli est composé d’une combinaison d’antibiotiques, associée ou non à la chirurgie selon la gravité de la lésion. Les résultats mis en avant par Yemoa et al. n’ont pas la prétention de supplanter le protocole suggéré par l’OMS en 2004, mais ils pourraient être un complément utile à ce dernier, notamment dans la phase préopératoire, en raison de leur efficacité prouvée sur les manifestations symptomatiques de la maladie, telles que l’œdème, l’inflammation, l’anxiété et la douleur. Si l’on se rapporte aux quatre phases du processus curatif traditionnel de l’ulcère de Buruli, les plantes susmentionnées sont particulièrement utilisées pour la lyse des tissus nécrosés et lors les soins de plaies (p. 51-53).

L’utilisation de plantes est d’autant plus efficace, qu’elle répond économiquement et culturellement aux exigences locales. La médecine traditionnelle, élément incontournable du patrimoine culturel africain, doit être considérée comme telle, dans le but de mieux comprendre

les raisons qui poussent de nombreux patients à s’adresser en premier recours, à des guérisseurs plutôt qu’à des soignants.

Toutefois, il persiste un inconvénient : toutes ces plantes utilisées per os ou sous forme d’application topique sont susceptibles d’interagir entre elles et générer des effets indésirables, donner lieu à des échecs thérapeutiques ou à une apparition d’effets secondaires, voire même, péjorer l’état de la plaie ou l’état général du patient, lorsque les produits sont de mauvaise qualité (2013b).

4.6. Croyances et représentations liées au domaine de la santé dans