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Les théories de l'apprentissage qui exercent une influence sur les façons de faire des enseignants

CHAPITRE 2 CADRE CONCEPTUEL

2.2 Les théories de l'apprentissage qui exercent une influence sur les façons de faire des enseignants

Les réformes scolaires qui se sont succédé depuis les années 60 au Québec ont amené à chaque fois des théories et des principes de l'apprentissage. Ces théories comptaient des adeptes qui partageaient la même idéologie et des valeurs communes qui constituaient une vision de l'enseignement, de l'apprentissage et de l’évaluation. Bref, les façons de faire des enseignants ont été façonnées par différentes théories de l’apprentissage soit le behaviorisme, le cognitivisme, le constructivisme et le socioconstructivisme.

2.2.1 Le behaviorisme

Selon Barnier (2002), le behaviorisme ou le comportementalisme est « la première grande théorie de l'apprentissage » (p.5) ayant marqué la sphère de l'éducation. Bien que le terme 'behavioriste', ait été créé par l'américain James Watson, Alamargot (2005) propose que les fondements de cette théorie émanent des philosophes Descartes et Locke. Le behaviorisme préconise un changement de comportement apporté par le conditionnement qui peut être de deux types (Lebrun, 2007): (1) le conditionnement classique dans lequel un réflexe naturel répond involontairement à un stimulus provenant de l'environnement, et (2) le conditionnement opérant dans lequel cette réponse est consolidée par une rétroaction.

Différents philosophes tels que Watson, Descartes, Locke et Pavlov sont associés au behaviorisme. Cependant, c'est Skinner qui a bâti la théorie behavioriste ayant un lien avec l'apprentissage des élèves, suivant le conditionnement opérant (Alamargot, 2005. Kozanitis (2005) rapporte que les fondements de Skinner reposent sur quatre mécanismes (renforcements positifs, renforcements négatifs, extinction et punition) qui permettent d'apporter des changements dans le comportement de la personne concernée : dans le cas présent, l'élève.

« Pour Skinner, c’est essentiellement le jeu des renforcements positifs et négatifs qui permet d’asseoir et de systématiser des apprentissages adaptés à une situation » (Alamargot, 2005, p.5). L'extinction, c'est-à-dire « l'absence des renforcements positifs et négatifs », et la punition, c'est- à-dire « l'ajout d’un stimulus aversif » ont comme but de faire cesser un comportement inadéquat. Ainsi, une série d'essais et d'erreurs par l'élève, suivie d'une rétroaction au moment propice par l'enseignant, permet un ajustement graduel entre un stimulus et une réponse appropriée, dans le

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cas présent, le processus d'apprentissage (Alamargot, 2005). L'élève passe, de cette façon, d'une étape à l'autre dans le programme d'enseignement, qui est découpé en différents segments de complexité graduelle jusqu'à ce qu'il maîtrise la totalité du contenu d'une leçon (Alamargot, 2005).

Bien que ce modèle d'apprentissage a encouragé l'application de la différenciation pédagogique en classe, il y a eu de vives critiques à son encontre (Alamargot, 2005; Barnier, 2002): l'enseignant transmettait des connaissances à l'élève qui était perçu comme un « réceptacle vide » à remplir. Ses motivations intrinsèques et ses façons de voir les choses n'étaient pas prises en considération par l'enseignant (Alamargot, 2005). De plus, Barnier (2002) est d'avis qu’à force de simplifier des situations d'apprentissage complexes, il y avait la possibilité de faire le tour du problème sans vraiment le résoudre. C'est ainsi que le cognitivisme a pris de l'essor pour pallier les manquements du behaviorisme.

2.2.2 Le cognitivisme

Kozanitis (2005) rapporte le contraste direct entre le behaviorisme et le cognitivisme qui implique les « processus cognitifs internes » (p.8) de l'individu dans le processus d'apprentissage. Lebrun (2007) propose les allemands Köhler et Wertheinmer ainsi que l'américain Koffka comme étant les « pères fondateurs de cette théorie » (p. 23). Selon Kozanitis (2005), le courant cognitiviste est assiégé dans deux « versions de la psychologie cognitive » (p.8). Dans la première version, la psychologie cognitive propose de traiter de l'information issue de l'environnement, et de la transformer en connaissances que l'individu utilise pour agir nouvellement sur l'environnement (Alamargot, 2005). La deuxième est fondée sur l’importance de l’appropriation progressive des stratégies cognitives et métacognitives jugées impératives pour un apprentissage cohérent (Kozanitis, 2005).

Le traitement de l'information se fait dans le cerveau par la mémoire qui est composée de trois registres différents: le registre de l’information sensorielle, le registre de la mémoire de travail ou mémoire à court terme et le registre de la mémoire à long terme. C'est dans la mémoire à long terme que se trouvent toutes les connaissances que l'individu a stockées. Lorsqu'il traite de nouvelles informations, l'individu les associe à ses connaissances antérieures et en fait un nouveau montage (Alamargot, 2005), ce qui dément formellement les théories behavioristes qui sous-tendent que l'individu est un « réservoir vide » selon ce qu’en pense cet auteur (p.43). Or,

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Alamargot (2005) est aussi d'avis que pour donner du sens à l'information traitée, il faut mobiliser l'attention de l'individu, ce qui garantit la « profondeur d'un traitement » (p.15). Donc, pour s'assurer que les élèves soient attentifs, il faut impérativement que l'environnement soit propice pour l'apprentissage.

En ce qui concerne l’importance de l’appropriation progressive des stratégies cognitives et métacognitives jugées impératives pour un apprentissage cohérent (Kozanitis, 2005), cela implique l'application des stratégies d'apprentissage par l'enseignant pour que l'enfant puisse intervenir activement dans le processus et ne soit pas qu'un individu passif dans son apprentissage comme indiqué par les théories behavioristes. L'enseignant agit en tant que médiateur au lieu d'être un transmetteur de connaissances (Kozanitis, 2005) et il favorise l'évaluation formative des élèves. Or, une critique qui est liée à la théorie cognitive est que, même si la tâche est bien structurée, si l'élève ne possède pas les motivations intrinsèques pour apprendre, nous ne pouvons pas garantir son succès (Kozanitis, 2005).

2.2.3 Le constructivisme

Les avancés du courant cognitiviste ont donné naissance au courant constructiviste. Le suisse Jean Piaget et l'américain Jérôme Bruner sont souvent identifiés comme les pères fondateurs de cette théorie qui continue d'exercer de l'influence dans l'Occident. Or, parmi les deux psychologues, ce sont les travaux de Piaget qui portent plus sur le « développement intellectuel des enfants » (Kozanitis, 2005, p.7).

Selon Pépin (1994), avant l'arrivée du courant constructiviste

« Les savoirs pratiques des élèves étaient [sic] [...] constamment évalués à l'aune d'un savoir standardisé dicté par l'état des connaissances dans le domaine visé, dicté par les objectifs des programmes et des cours, et soutenu par les méthodes d'évaluation des apprentissages » (p.70).

Or, un enfant ne peut « assimiler que les expériences définies comme pertinentes par l'état actuel de son processus d'assimilation » (Newman, Riel et Martin, 1981 cités dans Mehan, 1982, p.84). En effet, Piaget (1951) argumente qu'un nourrisson dispose des schèmes sensori-moteurs lorsqu'il commence à prendre connaissance de son environnement. Progressivement, sur une période

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d'environ 15 ans, ces schèmes sont complétés par des schèmes opératoires, concrets et formels, qui permettent de réfléchir (Alamargot, 2005), favorisant ainsi son apprentissage (Lebrun, 2007). Selon Alamargot (2005), l'accommodation et l'assimilation sont deux dispositifs auxiliaires qui « permettent à l’individu de s’adapter à son environnement en complexifiant ses schèmes » (p.8) pendant qu'il grandit. L'assimilation permet à l'individu d'associer ses connaissances antérieures à des situations nouvelles tandis que l'accommodation lui permet la modification d'un système mental ancré. Cette flexibilité permet donc à l'individu de se développer intellectuellement, car elle met au défi ses connaissances antérieures. Ainsi, les tâches complexes dans l'évaluation permettent de démontrer le transfert des connaissances d’une situation à une autre.

Pépin (1994) argumente que l'approche constructiviste est « féconde » dans la poursuite des finalités de l'éducation autres que le développement intellectuel et l'acquisition de savoirs, car elle pose un regard critique sur la « façon dont l'humain donne un sens à son existence entière pour s'y adapter et survivre » (p.64). L'approche constructiviste, dans le domaine de l'éducation, marque le passage d’un paradigme qui était basé sur l'enseignement à celui d'un paradigme basé sur l'apprentissage.

2.2.4 Le socioconstructivisme

Prenant son origine du constructivisme, le socioconstructivisme ajoute la dimension des interactions sociales dans l'éducation où on postule que les élèves construisent leurs savoirs lorsqu'ils sont mis dans des situations d'apprentissage (Bigras et Japel, 2006) dans lesquelles ils sont exposés aux idées de leurs enseignants et de leurs pairs. Contrairement à Piaget, Vygotsky argumente que le développement cognitif ne peut se faire sans la dimension sociale (Moll, 2003). Selon Kozanitis (2005), afin de permettre la progression des élèves, la présence de trois éléments didactiques est primordiale: l'enfant qui représente la dimension constructiviste, les pairs et les enseignants qui eux représentent la dimension sociale et enfin la dimension interactive qui existe entre l'enfant, les pairs, les enseignants et les apprentissages en situation. Selon cette théorie, lors des discussions entre les pairs et les enseignants, nait un conflit cognitif chez l'enfant qui questionne ses propres réflexions, ses perceptions et ses façons de faire de sorte que ses conflits cognitifs aboutissent à des progrès cognitifs chez lui (Lebrun, 2007). Les connaissances ne sont plus transmises par l'enseignant, mais construites par les activités et les « mises en interactivités » (Barnier, 2002, p.9). La visée de toutes ces mises en interactivités étant la création d'une zone

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proximale de développement pour que l'élève réussisse à faire seul un jour ce qu'il apprend à faire avec l'aide des autres maintenant (Barnier, 2002). En d'autres mots, il faut que l'enfant développe des habilités métacognitives pour qu'il puisse transférer ce qu'il apprend à l'école dans une situation complexe et réelle de la vie de tous les jours (Durand et Chouinard, 2012).

Il va sans dire que certaines théories se sont imposées aux décideurs, influençant par le fait même le monde de l'éducation. Au Québec, il y a une transformation dans la manière de faire l'évaluation des apprentissages dans le système éducatif qui passe d’une pédagogie par objectifs (PPO) à une approche par compétences (APC), car les autorités sont convaincues que celle-ci serait apte à combler les lacunes de la précédente approche. Ces changements ont exercé une influence sur les façons de faire l’évaluation des enseignants que nous considérerons dans les prochaines sections.

2.3 Les différentes approches d'évaluation des apprentissages qui ont exercé une influence