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CHAPITRE 1 PERCEPTION ET CONTRÔLE MOTEUR : APPROCHE

C- La théorie de l'information et le modèle cybernétique appliqués à la performance

2- La théorie du schéma (Schmidt)

a- Les limites de la théorie d'Adams

Mais, les mouvements de déplacement de curseur, utilisés par Adams, ne reflètent pas le large panel de comportements habiles (Schmidt, 1975). De plus, cette théorie ne peut expliquer l'apprentissage d'autres types de réponses, et spécialement la généralisation de réponses nécessitant une vitesse d'exécution plus grande, c'est-à-dire sous contrainte de temps, telles que les frappes et les lancers. Enfin, se pose le problème de stockage des traces et de la nouveauté des tâches. La théorie d'Adams sous-tend que pour chaque mouvement réalisé, il y a un programme moteur et une référence par rapport auquel le feed-back sera comparé. Elle implique aussi une application, un à un, entre les états stockés (programmes ou états de feed- back) et le mouvement qui doit être exécuté. Le problème soulevé, pour le système nerveux central, est celui en termes de quantité de " matériel " qui doit être stocké (Schmidt, 1975). En effet, si l'on prend le cas de la langue anglaise, MacNeilage et MacNeilage (1973, in Schmidt, 1975) ont estimé qu'il existait, en considérant les inflexions et les accents, quelques 100.000 phonèmes et ainsi le même nombre d'états stockés. Lorsque l'on y ajoute les voies complémentaires pratiquement innombrables, autres que le langage, dans lesquelles les sujets déplacent leur corps qui implique la musculature et les os, l'individu doit avoir une quantité innombrable de programmes ou d'états de feed-back en mémoire.

Le problème de la nouveauté est contigu à celui de stockage. En effet, dans les activités sportives, nous n'exécutons pas deux fois de suite exactement le même geste. Si le

mouvement doit être programmé, par exemple, la séquence concernant les commandes musculaires doit être adaptée uniquement pour le mouvement qui doit être réalisé en regard à la position du corps dans l'espace et au but de la tâche.

En réponse aux limites de la théorie d'Adams, Schmidt (1975) propose la théorie du schéma.

b- La théorie et la notion de schéma

Schmidt (1975) a introduit, en référence à Bartlett (1932), la notion de schéma pour résoudre le problème de stockage et celui de la nouveauté des tâches. Pour Bartlett (1932), l'individu réalise quotidiennement un grand nombre de mouvements parfaitement bien adaptés et coordonnés. A chaque fois, ces mouvements sont arrangés en série et chaque mouvement successif est réalisé comme s'il était sous le contrôle du mouvement le précédent dans la série. " La manière dont je frappe la balle au tennis dépend de la relation de certaines nouvelles expériences, la plupart d'entres elles visuelles, à de précédentes, de ma posture ou de la stabilité de mes postures au moment de la frappe ". Une fois que cette information sur l'état actuel du corps et de l'environnement a été prise Bartlett dit " quand je frappe la balle, je ne produis pas quelque chose de totalement nouveau et je ne répète jamais simplement quelque chose d'ancien. " (Bartlett, 1932, p.202).

La série de mouvements est réalisée comme si la position atteinte par les membres en mouvement, lors du stade précédent, avait été enregistrée (mémorisée) et " fonctionnant toujours " alors même que le mouvement précédent, lui-même, est antérieur et terminé. A chaque fois qu'il y a une certaine régularité du comportement, une réponse particulière n'est possible que parce qu'elle est reliée à d'autres réponses similaires. Ces réponses sont organisées de manière sérielle, pas simplement comme des éléments individuels se succédant les uns après les autres mais comme une unité. Le schéma réfère à l'organisation active des réactions antérieures, ou des expériences passées, qui sont supposées être toujours opérantes dans certaines réponses organiques bien adaptées (Bartlett, 1932). Face à une situation complexe, l'individu ne cherche pas chaque détail de cette situation pour la reconstruire méticuleusement comme un tout. Il part d'une impression générale d'une globalité, et sur cette base, il construit les détails probables. Le schéma est une organisation commune à tous les actes moteurs possédant une certaine identité de structure. Il est alimenté par quatre sources

d'information distinctes, les conditions initiales de l'action, la spécification de la réponse des programmes généraux, les conséquences sensorielles et le résultat de l'action.

Les conditions initiales réfèrent aux informations perçues par les différents récepteurs sensoriels (e.g., information proprioceptive au sujet de la position du corps, information visuelle, auditive sur l'environnement) avant l'exécution du mouvement. Une fois le mouvement réalisé, les conditions initiales sont stockées.

La spécification de la réponse : A partir du programme moteur général pour les commandes musculaires, avec les variations du pattern de base possible par le changement d'éléments important comme la vitesse, les forces impliquées, etc., le sujet doit spécifier ces éléments avant que le mouvement puisse être réalisé. Après le mouvement, ces spécifications sont stockées avec celles reçues après le mouvement. Elles servent d'enregistrement des spécifications du mouvement produit.

Les conséquences sensorielles correspondent aux informations sensorielles produites par la réponse. Elles réfèrent aux feed-back réels perçus par les récepteurs sensoriels. Les conséquences sensorielles sont une copie exacte de l'information afférente provenant du mouvement.

Et la réponse produite qui correspond au résultat du mouvement en fonction de celui attendu.

Ces quatre sources d'information sont mises en mémoire après que le mouvement a été réalisé. A partir de ses mouvements passés, le sujet extrait l'information au sujet de l'interrelation des quatre sources d'information, c'est la formation du schéma. Cette interrelation est renforcée à chaque essai successif et avec l'augmentation de la précision des feed-back donnés par la réalisation du mouvement. Schmidt propose deux schémas.

α- Le schéma de rappel ou d'évocation

Le schéma de rappel a pour rôle de sélectionner les paramètres requis afin d'exécuter le mouvement à venir : direction, amplitude du mouvement, durée, force. Il est formé à partir des essais antérieurs. Il correspond à la relation entre les résultats et les spécifications de la réponse. De plus, il permet de générer des spécifications de la réponse qui sont la meilleure expectation quant à la manière de réaliser la réponse désirée. Cette sélection se fait en fonction de l'analyse des conditions initiales et du but à atteindre.

β- Le schéma de reconnaissance

Le schéma de reconnaissance a un rôle de référence en ce sens qu'il permet d'évaluer la réponse par la comparaison entre le mouvement réalisé et le mouvement désiré, il correspond à la relation entre les résultats et les conséquences sensorielles. Le schéma de reconnaissance permet de générer une série de conséquences sensorielles attendues, qui représentent la meilleure estimation des conséquences sensorielles du mouvement correct. En cas de différences entre le mouvement réalisé et le mouvement attendu, celui-ci est corrigé. Le schéma de reconnaissance facilite l'organisation de la motricité.

Avec la théorie du schéma, Schmidt (1975) apporte une solution face au problème du stockage et de la nouveauté, soulevé par la théorie d'Adams. En effet, l'individu n'a plus à stocker des milliers de traces perceptives, mais à partir de programmes moteurs généralisés commun à une classe de mouvements, par exemple les lancers, les saisies, les attrapers…, il produit un programme moteur. L'individu peut également le paramétrer, pendant l'exécution du mouvement, en fonction des afférences sensorielles obtenues en retour. La variabilité des expériences précédentes dans une même classe de mouvement renforce le schéma, ce qui fournit une base pour la production de nouveaux mouvements appartenant à la même classe.

Dans le cadre de l'apprentissage, la théorie du schéma de Schmidt aboutit à la diversification des pratiques, des expériences motrices de l'individu afin qu'il développe un schéma moteur. Elle conduit aussi à la notion de transfert entre les pratiques et les expériences et indirectement à la notion d'interférence.

Avec la théorie du schéma de Schmidt, l'adaptabilité du mouvement s'effectue par la comparaison du résultat voulu à celui obtenu. La rapidité avec laquelle le mouvement est modifié, au cours de sa réalisation, dépend de l'état d'activation du système quand la modification est produite et de la nature de la modification générée (Carlton & Carlton, 1987).