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CHAPITRE 2 DÉVELOPPEMENT DE L’HABILETÉ D’INTERCEPTION

A- Intégration de l'information visuelle et de l'information proprioceptive

Les tâches perceptivo-motrices, appelées tâches d'anticipation-coïncidence (Stadulis, 1971) peuvent se diviser en trois phases : Une phase de poursuite visuelle, une phase d'intégration sensori-motrice et une phase d'exécution. Les enfants passent au travers de stades distincts d'apprentissage dans le développement de la capacité d'anticipation- coïncidence. Le stade précoce correspond à la tâche d'anticipation-coïncidence vue comme en parties et non comme un tout : l'enfant dirige en premier son attention seulement vers la source du vol de l'objet (lanceur) et non vers les autres composants de la tâche. Dans le stade suivant, l'enfant fait attention à la source et à sa réponse motrice mais pas au vol de l'objet. L'enfant prête attention au vol de l'objet seulement lorsque la capacité à répondre a été obtenue. Alors, éventuellement, l'enfant ignore complètement ses mains visuellement et se concentre sur la source et le vol de l'objet (Kay, 1969). L'enfant ne regarde plus pour regarder (l'objet est un simple aliment pour le regard), ni ne regarde pour voir (l'objet est incorporé sans plus aux schèmes visuels déjà élaborés) mais il regarde pour agir, en fait pour assimiler l'objet aux schèmes du balancement, du frottement, de la chute, etc. L'utilisation des différentes modalités sensorielles conditionne l'efficacité de la réponse et au cours du développement, l'établissement de l'intégration intersensorielle apparaît comme une des sources du progrès moteur (Lefford, 1970). Hay (1970), dans une tâche de pointage manuel avec lunettes à prismes, fait ressortir une évolution dans le mode de contrôle au cours du développement de l'enfant. Cet auteur pose le problème de la prise en compte du feed-back visuel pendant un mouvement orienté vers une cible et plus particulièrement de l'intégration des informations visuelles dans le système. A cinq ans, le contrôle visuel n'intervient pratiquement qu'au moment de l'arrêt du mouvement. Il intervient beaucoup plus précocement à sept ans, puis revient à 9 et 11 ans à un niveau intermédiaire (légèrement plus précoce qu'à 5 ans). Des conclusions ont été tirées sur les types d'informations et de contrôle en fonction de ce type de pointage manuel. Un même type d'observation a été réalisé. Keller (1982), dans une situation de renvoi de balle type tennis, a montré que l'enfant de 5 ans une fois arrivé à l'endroit présumé du renvoi de balle, s'arrête ou se replace à un autre endroit pour prendre une information visuelle avant de déclencher le mouvement de frappe. A sept ans, il se dirige plus rapidement à l'endroit de la frappe, il l'exécute dans le mouvement de course sans la réaliser correctement. Enfin, à neuf ans, l'ensemble course-stabilisation et frappe de balle évolue vers un certain optimum où l'enfant choisit diverses stratégies pour s'ajuster par rapport à la balle.

Dans leur expérience sur les attrapers à une main, Fischman et coll. (1992) ont montré que les enfants de 5 ans ont une habileté rudimentaire d'attraper à une main, alors qu'elle est maîtrisée pour l'essentiel chez les enfants de 12 ans. La localisation de la balle influence la réussite dans les attrapers à une main ainsi que la sélection de l'orientation appropriée du bras et de la main. Les enfants dès cinq ans sont sensibles aux aspects perceptifs du lancer et répondent avec une orientation appropriée de la main. Néanmoins, l'enfant de 6, 7 et 8 ans ne semble pas pouvoir traiter adéquatement l'information visuelle (Williams, 1968). En effet, Alderson et coll. (1974), lors d'un attraper de balle à une main, avec des garçons de 7, 10 et 13 ans, ont montré que les enfants de 7 ans n'avaient pas de difficultés à évaluer les conditions environnementales, trajectoire de la balle, vitesse d'approche…, mais qu'ils en avaient à ajuster leur réponse à ces conditions. La capacité à intégrer l'information visuelle, en cours du mouvement, gagnerait en efficacité entre 7 et 8 ans dans le cas du pointage de cibles en vision centrale et en boucle visuelle fermée. Dans le cas de cibles en vision latéralisée, décentrée et de durée très brève, cette opération subit une réorganisation vers 8 ans (Hauert, Badan, Pellizzer & Sevino, 1999). Il apparaît que 8 ans est une période charnière dans le développement des représentations spatiales que l'enfant établit pour contrôler ses actions sur le milieu. En effet, les enfants de 8 ans sont plus affectés par l'absence de contrôle visuel de leur main durant des pointages visuo-manuels. Dans une situation de visée visuo-manuelle de cibles disposées en arc de cercle, Hay, Fleury et Bard (1986) ont montré qu'à 8 ans les réafférences proprioceptives semblent difficilement suppléer les réafférences visuelles.

Dans le cas de reproduction de déplacements de doigts, ayant été placés par un expérimentateur, avec des lunettes prismatiques, Orliaguet (1986) a observé que les enfants de 5 ans privilégiaient le mode proprioceptif pour l'espace proche du corps et le mode visuel pour l'espace éloigné ou controlatéral. Avec l'âge, il y a une diminution progressive puis disparition du " sous espace " proprioceptif au profit d'un espace unique où la vision est dominante (Orliaguet, 1986). Pour les enfants de 7 ans, le système de guidage visuel devient prépondérant, lequel au début perturbe la performance. A 9 ans, les enfants deviennent capables de mieux contrôler l'intégration des composants essentiels du mouvement. L'évolution de la prédominance visuelle ou proprioceptive est observée par la différence angulaire entre la position du doigt, lors de la phase de placement par l'expérimentateur et la position du doigt, lors de la phase de reproduction. La différence augmente avec l'âge des enfants. Les enfants de 5 ans, ont des différences angulaires plus faibles que les plus âgés, Orliaguet (1986) en déduit qu'ils utilisent de manière prédominante un mode de contrôle proprioceptif.

Vers 11 ans les deux sources d'afférences (vision et proprioception) interagissent pour permettre au système moteur d'être le plus efficace possible (Hay & Bard, 1999).

Les comportements, d'interception, d'attraper et de frappe, se produisent dans un environnement dynamique. Pour tous ces comportements l'individu doit déterminer un moment d'interception et engager une action qui coïncide avec l'objet en mouvement. Le déplacement d'un mobile, dans le champ visuel, induit des changements spatio-temporels importants dans l'environnement. Ces changements obligent le sujet, qui doit intercepter le mobile, à adapter ses stratégies de réponses aux caractéristiques propres de l'objet en déplacement (Bard, Fleury & Teasdale, 1995). La vitesse de déplacement du mobile est une de ces particularités à laquelle le sujet doit s'adapter.