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CHAPITRE 1 PERCEPTION ET CONTRÔLE MOTEUR : APPROCHE

A- Couplage perception-action (l'exemple de la perception visuelle)

3- L'invariant optique tau (τ)

Selon l'hypothèse de la vitesse constante le long de l'axe optique, le temps au contact s'avère être en fonction de l'aire entourée par le contour de l'objet et la dérivée de son temps de déplacement. Un avantage de cette méthode est que l'évaluation du temps au contact est réalisé sans suivre les points caractéristiques de l'image (Di Marco, Garulli, Prattichizzo & Vicino, 2003).

La perception du mouvement est nécessaire dans le contrôle des contacts avec l'environnement, l'évitement des collisions (marcher au milieu d'une foule, conduire un véhicule) et dans l'interception des objets (frappes, captures de balle). L'ensemble de ces actions implique de coordonner l'action avec le déplacement du mobile. Cette coordination nécessite la perception d'informations qui rendent compte du temps restant avant le contact (temps de pré-contact). C'est sur l'expansion optique, où comme un observateur approche d'un objet son angle visuel augmente géométriquement (figure 6), qu'est basée l'information qui spécifie l'existence ou non d'un chemin de collision.

Figure 6. Expansion optique. Où Z est la distance à l'objet, r le rayon de l'objet, v la vitesse de l'observateur et θ l'angle visuel actuel de l'objet.

a- Définition du tau (τ)

Lee (1976, 1980) a montré que, pour un objet qui approche en ligne droite à vitesse constante vers un individu, l'information temporelle est spécifiée directement à l'inverse du taux relatif d'expansion du contour optique (la variable optique tau (τ) dû à l'approche de la balle). En effet, Lee, Young, Reddish et Clayton (1983) ont montré que, lors d'une frappe de

balle de plus de 700 ms, l'information visuelle semblait être utilisée non seulement pour déterminer le point d'initialisation temporelle de l'acte mais aussi pour guider le mouvement jusqu'à son aboutissement, quand la balle arrive dans " l'espace d'action ".

Cette variable optique se trouve être définie par la taille de l'image rétinienne divisée par la vitesse de changement de cette image, on obtient (Lee, 1976) :

La simplification du rapport de la distance sur la vitesse se traduit par un temps.

Cette variable optique est une variable purement relative (Lee, 1976). Cette variable permettrait que le temps-au-contact soit directement utilisé et plus rapidement qu'à partir de la distance, la vitesse et l'accélération de l'image du mobile (Lee et coll., 1983). Lee et coll. (1983) ont voulu montrer, dans leur expérience de frappe de balle en sautant, que des actions complexes (i.e., arrêts des gardiens de buts, actions des joueurs de volley-ball qui impliquent des actions coordonnées des jambes et des bras) sont continuellement adaptées à τ, ce qui ne serait pas le cas si l'action était un acte balistique préprogrammé. Si les actions des jambes et des bras sont contrôlées par τ alors le temps au contact, lorsque chaque étape de l'action est atteinte, devrait être d'autant plus grand que le temps de chute du ballon sera grand. Si au contraire, l'action est préprogrammée en totalité comme une unité et que le programme est simplement déclenché lorsque τ atteint une certaine valeur, alors le temps total de mouvement devrait être constant et les différents temps de chute de la balle devrait affecter le timing des différentes étapes de cette action de la même manière. Une étape de l'action atteinte précocement entraîne la même précocité dans les autres étapes.

L'expérience consistait en une frappe d'un ballon de football en plastique de 20 cm de diamètre, tombant de trois hauteurs (3, 5 ou 7.2 m). Des adultes (4 hommes, âgés de 23 à 25 ans) devaient frapper le ballon avec une main. La frappe devait être la plus rapide et la plus forte possible. Il ressort que les sujets, sautant pour frapper la balle tombante, adaptent leurs actions de bras et de jambes, avec un certain délai visuo-moteur, à la variable optique " τ ".

Pour répondre aux critiques que :

- la variable τ ne rend pas compte du contrôle des actes moteurs avec une phase d'accélération suivie d'une phase de décélération (i.e., mouvement d'atteinte manuelle caractérisé par un profil de vitesse en cloche)

- et que cette variable ne fait référence qu'à un seul intervalle optique (celui entre l'individu et l'objet), alors qu'en sport plusieurs intervalles doivent être contrôlés simultanément, Lee et coll. (1995, 1999) ont élaboré une nouvelle théorie du contrôle spatio- temporel qui à la différence de la théorie de τ, n'est pas restreinte à la modalité visuelle et ne prend pas en compte qu'une seule et unique source d'information.

b- La stratégie du tau-coupling

La notion de τ-coupling renvoie à la constriction synchrone de deux intervalles en maintenant les valeurs de τ, dans un rapport constant, pour chaque intervalle. Un intervalle est la différence entre l'état actuel de l'organisme et le but à atteindre. Elle peut s'exprimer sous la forme d'une distance à parcourir, d'un angle qui varie ou d'une force qui doit être exercée pour accomplir une tâche donnée. La stratégie τ-coupling garantit que des intervalles d'amplitudes et d'orientations variables (parcourus à des vitesses différentes) vont atteindre leur constriction maximale (c'est-à-dire la même destination) au même moment. Dans le cas où un objet se déplace en direction d'un but particulier (situation dynamique), l'ajustement temporel du mouvement s'effectue sur la base de la variable τ-coupling extrinsèque, c'est-à-dire du couplage entre la variable τ de l'intervalle objet-destination, avec celle de l'intervalle individu- destination. Par exemple, dans la course de relais, le coureur qui attend le passage du témoin doit réaliser un couplage temporel entre la constriction de l'intervalle le séparant de la limite de la zone de transmission, avec la constriction de celui le séparant du passeur qui court dans sa direction (Grealy, 2002).

Lorsqu'il s'agit de frapper précisément une balle immobile la théorie du τ-coupling ne peut être utilisée. En effet, il n'y a aucune information temporelle à partir de laquelle un contrôle prospectif du mouvement pourrait être réalisé, car dans ce cas le mouvement est auto-initié, le but et le déroulement temporel de l'action sont définis intrinsèquement et non plus extrinsèquement.

c- Le tau-guide

Le mouvement est alors contrôlé par l'utilisation de la variable τ-guide générée intrinsèquement et à laquelle le déplacement de l'individu est couplé. Le choix de cette variable appropriée aux contraintes de la tâche dépend du type d'action induit par la situation (affordance) et des prédictions faites à partir des expériences antérieures. L'hypothèse de la variable τ-guide intrinsèque oblige à accepter l'existence d'une capacité toute particulière à évaluer la durée totale d'une action avant que celle-ci ne soit produite (Grealy, 2002).

Lee (1976) et Lee et coll. (1983), entre autres, ont montré que tau permet de contrôler les mouvements de la main lors d'interception et de guider le déplacement de l'individu à l'endroit où la balle touchera le sol. Mais, les déplacements locomoteurs impliqués dans les actions d'interception pourraient s'organiser à partir d'autres stratégies. Babler et Dannemiller (1993) sont arrivés à l'utilisation de l'accélération verticale de l'image de la chute d'une balle, où la caractéristique de l'accélération de cette image semble convenir pour le guidage de la phase de poursuite en vue de l'interception. Le fait d'ajuster la vitesse de déplacement pour maintenir une accélération nulle de l'image du mobile, peut constituer un moyen concret pour guider l'action d'interception. Une telle stratégie devrait placer l'observateur à l'endroit d'atterrissage de l'objet.