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CHAPITRE 2 DÉVELOPPEMENT DE L’HABILETÉ D’INTERCEPTION

III- L'INTERACTION CONTEXTE-MATURATION

Dans l'approche dynamique, les configurations motrices émergent en fonction des diverses contraintes entre l'organisme et l'environnement. Le système ne s'adapte pas par une re-paramétrisation d'une structure mais par le choix de la structure qui correspond à un pattern stable de coordination et de contrôle, en fonction des contraintes environnantes (Thelen, 1986).

Les habiletés apparaissent dans certaines formes très rudimentaires avant de devenir pleinement fonctionnelles ou de se manifester dans des contextes nouveaux. La marche, ou le comportement, ne réside pas dans des formes privilégiées mais émerge à l'intérieur d'un contexte spécifique. Le changement développemental n'est donc pas planifié mais survient à l'intérieur d'un contexte comme le produit de multiples éléments se développant. La tâche de l'individu face à une situation est d'optimiser la performance à l'intérieur des limites imposées par les contraintes de la tâche. Il peut être vu en des termes dynamiques, comme une série de stades, d'étapes de stabilité, instabilité et de phases de changements dans l'environnement " attracteur "5, reflétant la probabilité qu'un pattern émergera sous des contraintes particulières. Ainsi, la disparition du réflexe (dans le cas de la marche) ne résulterait pas d'une inhibition corticale mais de la confluence des changements dans l'organisme et des contraintes de l'environnement (Thelen, 1995).

L'étude de Thelen et Fischer (1982) sur la manière dont la force musculaire peut être contrainte, illustre cette idée. Ces auteurs ont observé, que chez des enfants de 8 mois maintenus debout, les mouvements de marche, observés à un âge plus précoce, disparaissent. Néanmoins, lorsqu'ils sont allongés sur le dos, ils réalisent des coups de pied qui ont une cinématique similaire aux mouvements de marche. De plus, si les enfants sont maintenus debout dans l'eau, le pattern de la marche réapparaît. Si la disparition des réflexes était due à une inhibition corticale, pourquoi cette inhibition aurait lieu en position debout et pas dans la position allongée sur le dos ? Thelen explique cette disparition des mouvements de marche

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Les états stables sont appelés des " attracteurs " dans la terminologie dynamique parce que le système s'établit dans ce pattern stable à partir d'une grande variété de positions initiales et tend à y retourner s'il est perturbé.

des nouveaux-nés comme une conséquence de la croissance disproportionnée des muscles de la jambe et des tissus adipeux. Les enfants, vers 8 mois, acquièrent une masse adipeuse supérieure à la masse musculaire, l'enfant n'a pas la force musculaire suffisante pour ce maintenir debout seul et " lutter " contre la pesanteur. L'interaction des contraintes organiques, proportions corporelles, niveau de développement des muscles…, et environnementales conduit à l'émergence ou à la disparition de comportements moteurs. L'émergence et la disparition des comportements ne sont pas seulement déterminées par les contraintes " neuro- maturationnelles ".

A partir des principes dynamiques, on peut prédire que le changement est annoncé par la perte de stabilité (Thelen, 1995) et que les contraintes du contexte influencent le comportement. Dans les systèmes dynamiques, les éléments interagissent entre eux selon des " voies " dynamiques et fluides et lors des périodes de transition, les petits changements chez l'individu ou dans le contexte peuvent conduire à des solutions très diverses. La sensibilité au contexte est une donnée très importante sur le statut développemental de l'enfant excepté, lorsque le système est dans une période de transition et que les éléments le constituant sont alors moins strictement couplés (Thelen, 2000). Les mouvements des enfants et leurs changements peuvent être considéré comme un système dynamique auto-organisé (Thelen, Corbetta & Spencer, 1996) dans lequel les mouvements sont le produit non seulement du système nerveux central, mais aussi des propriétés énergétiques et biomécaniques du corps et des demandes spécifiques, parfois changeantes, d'une tâche particulière. Les relations, entre les éléments du système, ne sont pas seulement hiérarchiques (commande du cerveau et réponse du corps). Elles sont largement distribuées, hétérarchiques, auto-organisées et non linéaires. Les nouvelles habiletés résultent de l'interaction entre les demandes de tâches nouvelles et la dynamique du mouvement déjà existant (Thelen et coll., 1996). Les mouvements surviennent à partir de la contiguïté de processus et de contraintes dans l'organisme et l'environnement. Les habiletés motrices ne résident pas dans des formes privilégiées mais émergent en ligne dans un contexte particulier (Thelen, 1995). Chaque habileté est donc le résultat d'aménagements et de modifications d'habiletés anciennement acquises qui constituent le répertoire de l'individu.

Les effets du contexte ; familiarisation avec l'environnement, les points de repère, la pratique, l'expérience des enfants ; permettent la construction d'un auto-référentiel par rapport au référentiel environnemental. Ce qui conduit à ce que certains enfants aient des référentiels environnementaux et d'autres non (Thelen, 2000).

Le système découvre de manière autonome les bonnes solutions aux demandes de la tâche à travers l’exploration de ses dynamiques intrinsèques en relation à la fonction spécifique qui doit être utilisée. Les systèmes sont ouverts à la modulation continuelle avec les changements dans l’information perceptive qui spécifie la nature de la tâche et les qualités de la dynamique intrinsèque (postures préférées, mouvements et niveaux d’énergie) (Thelen, Corbetta, Kamm, Spencer, Schneider & Zernicke, 1993). Le comportement est le produit de l'état de développement (maturation) des composants des systèmes dans l'espace de la tâche. Aucun niveau, par lui-même ne détermine le comportement mais dans la combinaison dynamique, un élément peut faciliter, inhiber ou masquer l'expression d'un autre. Au cours du développement ces relations se modifient et se manifestent en fonction du niveau de développement des unités qui y contribuent. La performance motrice est multidéterminée par l'interaction des patterns disponibles avec les contraintes du corps et dans un contexte particulier.

A- La conception dynamique du niveau de coordination – l'instabilité source