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3.5 Mécanismes de formation des nanocolonnes riches en Mn

3.5.3 Théorie de la décomposition spinodale

Dans cette partie, on reviendra sur les bases théoriques de la décomposition spino- dale. On montrera, par le calcul analytique des premiers stades d'une décomposition spinodale bidimensionnelle, que l'on obtient par ce type de séparation de phases un système inhomogène dont les variations de composition présentent une distance carac- téristique bien dénie.

Dans un système binaire, il peut arriver qu'à une concentration donnée, il existe une température critique en dessous de laquelle les deux éléments sont non miscibles. L'al- liage se décompose alors en deux phases plus stables dont les concentrations sont dénies par la fonction d'énergie libre de l'alliage considéré et dont la structure reste identique. On parle alors de décomposition spinodale. Dans cette partie, nous allons expliciter la théorie décrivant les phénomènes de décomposition spinodale, et particulièrement le formalisme de Cahn et Hilliard.

Fig. 3.35 : Courbe d'énergie libre d'un alliage binaire pouvant présenter une décom- position spinodale. La zone spinodale est dénie par le signe négatif de la dérivée seconde. Les zones dites métastables se trouvent entre la zone spinodale et les points de stabilité (minima de la fonction d'énergie libre). Énergie libre d'un système binaire

Pour parler de décomposition spinodale, il est nécessaire d'avoir une description énergétique du système binaire étudié. Considérons deux éléments A et B, et notons c la concentration de B dans l'alliage . On dénit l'énergie libre f(c) de l'alliage pour une composition donnée c. Considérons maintenant la courbe d'énergie libre dénie dans la gure 3.35. Cette courbe présente deux points de stabilité qui sont les minima de la fonction f. Tous les mélanges dénis par des concentrations intermédiaires sont instables ou métastables.

Si l'on se place à une concentration c0 où la courbe f(c) est concave (ie ∂2f /∂c2 < 0)

le système se décompose naturellement.

En eet si l'on considère le système décomposé contenant deux phases de concentra- tions respectives c1 et c2 dans des proportions x et 1−x, l'énergie du système décomposé

s'écrit x.f(c1) + (1 − x)f (c2) et vérie x.f(c1) + (1 − x)f (c2) < f (c0), ce qui traduit une

diminution d'énergie ∆f associée à la décomposition de la phase instable de concentra- tion c0 en deux phases de concentrations respectives c1 et c2. Cette décomposition est

appelée spinodale, et on dénit la zone spinodale comme la partie concave de la courbe d'énergie libre.

En revanche, si le système se situe entre la zone spinodale et une zone de stabilité, f (c)est convexe et la décomposition n'est plus énergétiquement favorable. Cependant, il

n'est pas dans la conguration de plus basse énergie. On parle alors d'état métastable. Le système ne pourra passer de l'état métastable à l'état stable que par l'apport extérieur d'une énergie supérieure à la barrière de potentiel entre les deux points de stabilité. Ce mécanisme de décomposition d'une phase métastable en deux phases stables est appelé mécanisme de nucléation-croissance, car il se traduit physiquement par l'apparition de germes de petites taille d'une des phases stables, dont la taille va augmenter jusqu'à l'équilibre.

Cette description énergétique d'un alliage binaire et les mécanismes de décomposition qui y sont associés sont valables aussi bien pour les gaz que pour les liquides ou les solides. Cependant, la structure, et notamment la cristallographie des solutions solides rendent le concept de concentration moins pertinent pour la description locale d'un alliage, et il devient beaucoup plus complexe de calculer les fonctions d'énergie libre.

L'équation de Cahn et Hilliard

Les premiers travaux théoriques relatifs à ce mécanisme de décomposition ont été réalisés par Cahn et Hilliard dans les années 1960 [27, 24, 28, 25].

On a déni précédemment l'énergie libre à l'échelle locale f qu'il convient rigou- reusement d'appeler densité d'énergie libre. Si l'on considère maintenant un système macroscopique non homogène, l'énergie libre du système global ne peut se réduire à l'in- tégrale de la densité d'énergie libre sur le volume. En eet, il est nécessaire de prendre en compte une contribution liée au gradient de concentration (∇c) [27, 24]. L'énergie libre totale s'écrit alors :

F = Z

(f (c) + κ(∇c)2)dV (3.1)

Si l'on combine une équation de diusion avec l'équation 3.1 on obtient l'équation dite de Cahn-Hilliard [25] ∂c ∂t = M  ∂2f ∂c2  ∇2c − 2M κ∇4c (3.2)

où M est le coecient de diusion de l'espèce B considérée.

Décomposition spinodale cohérente : le rôle de la contrainte

L'équation 3.2 est surtout adaptée pour les uides. Dans le cas de solutions solides cristallines, il devient nécessaire de prendre en compte la contribution de l'énergie élas- tique et donc de la contrainte sur la décomposition spinodale. On suppose pour cela que les phases présentant des concentrations diérentes possèdent des structures cris- tallines identiques, cohérentes et dont la seule diérence est le paramètre de maille qui est fonction de la concentration (et suit une loi de Vegart). On parle alors de décompo- sition spinodale cohérente. Ces développements de la première théorie ont été réalisés par Cahn [23, 26] et appliqués pour la première fois par Rundman et Hilliard [156] en 1967 sur le système aluminium-zinc. Ils montrent que moyennant l'ajout d'un terme

d'énergie élastique dans le calcul de l'énergie libre, on est ramené au cas précédent. La zone spinodale cohérente est désormais dénie par

∂2f

∂c2 + 2η

2Y < 0

avec (dans le cas isotrope) Y = E

1−ν où E est le module d'Young et ν le coecient

de Poisson. Le coecient η est un coecient d'expansion de la maille en fonction de la concentration déni par η = 1

a da

dc. Idéalement, il faudrait prendre en compte l'anisotropie

du matériau dans le calcul de 2η2Y et dans le coecient de diusion M. Par souci de

simplication, on se placera dans un cas isotrope pour la suite du calcul5.

L'équation de Cahn-Hilliard cohérente s'écrit désormais : ∂c ∂t = M  ∂2f ∂c2 + 2η 2Y  ∇2c − 2M κ∇4c (3.3)