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Principe de la croissance par épitaxie par jets moléculaires

1.3 Les semiconducteurs magnétiques : des matériaux pour la spintronique

2.1.1 Principe de la croissance par épitaxie par jets moléculaires

La technique d'épitaxie par jets moléculaires consiste généralement à évaporer sous vide des sources solides pour diriger un jet de vapeur atomique ou moléculaire vers un substrat chaué à une température appropriée. Le ux d'atomes incidents sur la surface est de l'ordre de 1018− 1020 atomes.m−2. s−1. On ne peut réellement parler de

jets moléculaires que dans la mesure ou ces jets ne subissent pas d'interactions entre la source et le substrat, ce qui revient à dire que le libre parcours moyen des atomes (ou des molécules) est grand devant la distance source-substrat. Cette condition ne peut être vériée que dans des conditions de vide poussé (. 10−9Torr).

Alors que les premières expériences d'épitaxie par jets moléculaires sur des substrats amorphes ont été rapportées par Günther en 1958 [78], il a fallu attendre 1968 pour que Davey et Pankey [50] ainsi qu'Arthur Jr [7] parviennent à la réalisation de couches monocristallines de GaAs par la méthode dite des trois températures précédemment décrite par Günther. Depuis, la technique a été étendue à la plupart des semiconducteurs, y compris le silicium et le germanium [11, 134]

Mécanismes réactionnels de surface

La croissance cristalline par la technique de l'épitaxie par jets moléculaires nécessite la réaction d'un jet moléculaire avec la surface d'un substrat.

Fig. 2.1 : Mécanismes mis en jeu lors de l'interaction d'adatomes avec une surface. Plusieurs phénomènes permettent de décrire l'interaction des atomes issus du jet

moléculaire avec la surface de l'échantillon. Ils sont représentés sur la gure 2.1.

 L'adsorption d'atomes sur la surface est le phénomène à la base de la croissance d'un matériau par MBE. Ce phénomène traduit le fait que quand un atome arrive sur une surface (on parle d'adatome), la création d'une liaison de cet adatome avec la surface est énergétiquement favorable. Quand cette liaison est forte (impliquant un transfert d'électrons comme la liaison covalente), on parle de chimisorption, alors que si cette liaison est faible (Van der Waals) on parle de physisorption. Les énergies mises en jeu dans la physisorption permettent généralement à un adatome de diuser sur la surface avant d'être chimisorbé.

 La diusion de surface est un processus indispensable pour la réalisation de couches de bonne qualité cristalline. L'apport d'énergie thermique permet à un adatomes de briser les liaisons (faibles en général) qui le relient au substrat pour se déplacer vers un site voisin. On peut montrer par la théorie BCF [181] que dans la limite de l'incorporation en bord de marche, la longueur de diusion moyenne peut s'écrire : l ∼ Ds

F

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où Ds est le coecient de diusion et F le ux issu du jet moléculaire.

Le coecient de diusion augmentant avec la température, on peut contrôler les longueurs de diusion avec le ux incident et la température de croissance.  La nucléation est la liaison de plusieurs adatomes mobiles sur la surface en un

amas xe. C'est généralement le germe permettant la croissance de terrasses dans le cas 2D ou d'îlots dans le cas 3D.

 L'interdiusion correspond à la diusion en volume des adatomes.

 La désorption est induite par la rupture de la liaison entre la surface et l'atome et l'évaporation de celui-ci. La désorption augmente avec la température du substrat. Pour réaliser la croissance d'une couche cristalline, il est évidemment indispensable d'avoir un ux incident supérieur au ux désorbé.

Il est important de noter qu'il est possible de favoriser certains de ces mécanismes en jouant sur les paramètres de croissance (température du substrat, ux des diérents éléments, rugosité de la surface). C'est l'équilibre entre tous les phénomènes décrits ci dessus qui va conditionner les propriétés de la couche épitaxiée.

Diérents modes de croissance

Lors de la croissance d'une couche cristalline, on distingue généralement trois modes de croissance possibles selon l'évolution de la morphologie de la surface. Le mode de croissance observé est principalement conditionné par la minimisation des énergies élas- tiques, de surface, et de liaison chimique entre les atomes. Les modes de croissance de Frank Van der Merwe et Volmer-Weber peuvent être décrits par la théorie classique du mouillage développée par Young. Le mode de croissance de Stranski-Krastanov nécessite la prise en compte de l'énergie élastique.

Notons γS l'énergie de surface du substrat, γC l'énergie de surface de la couche, et

γC−S l'énergie d'interface couche-substrat.

 Le mode de croissance Frank - van der Merwe correspond à une croissance bidi- mensionnelle couche par couche (g. 2.2(a)). C'est le mode de croissance observé lorsque γS > γC + γC−S. Dans ce cas, le système minimise son énergie en cou-

Fig. 2.2 : Schéma illustrant les trois modes de croissances : (a) croissance couche par couche (Frank-van der Merwe), (b) croissance tridimensionnelle (Volmer- Weber) et (c) transition 2D-3D (Stranski-Krastanov)

vrant toute la surface du substrat par la couche. Ce mode de croissance nécessite des températures de croissance susantes pour assurer une mobilité des adatomes leur permettant de joindre les bords de marches. Ce mode de croissance est gé- néralement observé dans le cas de l'homoépitaxie de semiconducteurs. On peut également l'observer dans le cas d'une hétéroépitaxie si la faible diérence de pa- ramètre de maille permet la croissance d'une couche contrainte bidimensionnelle ou si la diérence de paramètre de maille induit la relaxation plastique de la couche par la formation de dislocations, ce qui était l'objet des travaux de Frank et van der Merwe [67, 68].

 Le mode de croissance Volmer-Weber [182] correspond lui à une croissance tridi- mensionnelle dès la première monocouche (g. 2.2(b)). Cela correspond à γS <

γC + γC−S. La minimisation de l'énergie induit le démouillage de la couche épi-

taxiée, et la formation de gouttes, ou îlots.

 On appelle mode de croissance Stranski-Krastanov [166] la transition d'une crois- sance bidimensionnelle à tridimensionnelle (g. 2.2(c)). Il est observé dans le cas de l'hétéro-épitaxie avec diérence de paramètre de maille. Pour comprendre ce mode de croissance, il est indispensable de rajouter au calcul de l'énergie un terme d'énergie élastique. L'énergie élastique emmagasinée dans une couche épitaxiale contrainte est proportionnelle à l'épaisseur de cette couche. Quand cette énergie devient grande, la couche peut relâcher élastiquement la contrainte en formant des îlots. On appelle épaisseur critique l'épaisseur déposée au delà de laquelle le ma- tériau relaxe. On ne peut cependant pas parler de croissance Volmer-Weber dans la mesure où une couche de mouillage subsiste à la surface malgré l'apparition d'îlots.

Les avantages de la technique MBE

Bien que peu utilisée dans le milieu industriel, la technologie de l'épitaxie par jets moléculaire reste une technique incontournable pour réaliser la croissance de nanostruc-

tures et particulièrement de semiconducteurs ; voici quelques uns des aspects qui rendent cette technique intéressante dans le cadre du développement de nouveaux matériaux ou interfaces.

 La pression résiduelle, extrêmement faible, permet de limiter au maximum la contamination des échantillons, et de réaliser la croissance de couches d'une grande pureté et d'une grande qualité cristalline. De plus cela autorise aussi l'utilisation d'outil de caractérisation in situ pendant la croissance, utilisant des faisceaux électroniques ou de rayons X telles que le Rheed, ou la diraction de rayons X.  Les faibles vitesses de croissance (de l'ordre du nm/min) permettent un excellent

contrôle des épaisseurs déposées, avec une précision inférieure à la monocouche atomique. De plus, il est ainsi possible de réaliser des hétérostructures de très bonne qualité, telles que des puits quantiques ou des miroirs de Bragg pour l'optique.  Les basses températures de croissance limitent la diusion de surface, ainsi que

l'interdiusion aux interfaces. On peut alors réaliser des couches hors de l'équilibre thermodynamique ce qui s'avèrera extrêmement important pour la croissance des couches de GeMn.