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Hétérostructures GeMn/GaAs : un premier pas vers l'injection de spin

Lorsque nous avons introduit le matériau GeMn dans le premier chapitre, il s'agis- sait avant tout de réaliser un semiconducteur magnétique susceptible de répondre entre autres à la problématique de l'injection de spin. Dans ce cadre, nous avons vu que la plupart des preuves de l'injection de courants polarisés en spin dans un semiconducteur étaient basées sur la réalisation de dispositifs de type SpinLED [93] utilisant le semi- conducteur GaAs. Il paraît donc particulièrement intéressant de chercher à maîtriser la croissance des nanocolonnes de GeMn sur le GaAs, si l'on souhaite démontrer la faisabi- lité de l'injection de courants polarisés en spin depuis les nanocolonnes. C'est l'une des raisons qui a motivé l'étude de la croissance GeMn/GaAs.

Une autre justication à cette étude est liée aux expériences de magnéto-transport entreprises sur les couches de GeMn. Les substrats commerciaux de germanium pré- sentent des résistivités assez faibles, ce qui les rend plus conducteurs que les couches de GeMn à basse température, rendant ainsi les mesures de magnéto-transport planaire (CIP) à basse température quasiment impossibles. L'utilisation de substrats de GaAs fortement résistifs devrait permettre de pallier aux problèmes de court-circuit de la couche par le substrat à basse température.

C'est donc en vue de ces deux thématiques importantes que sont le magnéto-transport et la démonstration de l'injection de spin à partir du GeMn, que nous nous sommes in- téressés à la croissance de GeMn sur GaAs.

Du point de vue de l'épitaxie de Ge (ou GeMn), le GaAs présente un avantage majeur. En eet, le germanium et le GaAs ont la même structure cristalline, le germanium ayant un paramètre de maille de 5.6575Å et le GaAs un paramètre de maille de 5.6533Å ce qui représente une désaccord de paramètre de maille très faible de 0.08%. Il est donc théoriquement possible de réaliser l'épitaxie de germanium sur le GaAs sur des centaines de nanomètres sans que des défauts structuraux comme des dislocations ne viennent relaxer le paramètre de maille du germanium. De nombreux travaux ont été réalisés depuis les années 1980 sur les hétérostructures Ge/GaAs [10, 62, 33, 32, 79].

Deux approches ont été utilisées pour réaliser l'épitaxie du GeMn sur GaAs. En particulier, deux méthodes diérentes de préparation du substrat ont été étudiées. Dans le premier cas, le substrat est désoxydé in situ, alors que dans le second cas, on a utilisé des substrats protégés par un capping d'As amorphe évaporé in situ . Nous allons voir que la préparation du GaAs inue sur la croissance des nanocolonnes de GeMn.

5.2.1 Utilisation de substrats de GaAs oxydés

Dans cette partie, on s'est intéressé à la croissance sur des substrats de GaAs épi- ready, désoxydés thermiquement in situ . Les substrats sont des substrats commerciaux qui n'ont pas subi de traitement particulier avant leur introduction dans le bâti d'épi- taxie. Pour éliminer l'oxyde natif, on porte l'échantillon à la température de 400◦C

amorphe à cristallin nous permet de contrôler la désoxydation thermique du substrat. De plus, le Rheed nous indique que la surface est légèrement tridimensionnelle à l'issue de la désoxydation. Ce caractère rugueux est lié à l'évaporation de l'arsenic de la surface lors de la désorption de l'oxyde. La surface est alors riche en gallium, qui a tendance à former des gouttelettes à la surface du GaAs. Dans la suite on désignera les substrats ainsi préparés par GaAsox.

On a réalisé la croissance d'une couche de Ge0.94Mn0.06 à 130◦C sur un substrat de

GaAs ainsi préparé, sur lequel on a déposé une très ne couche tampon (1.25 nm) de germanium. Les clichés Rheed ne montrent pas de diérence notable avec la croissance sur germanium, si ce n'est la rugosité initiale de la surface. Une micrographie TEM de cette couche est représentée en gure 5.8.

Fig. 5.8 : Cliché TEM d'une couche de 80 nm de Ge0.94Mn0.06 épitaxié à 130◦C sur

un substrat de GaAs désoxydé thermiquement (buer 1.25 nm)

Sur cet échantillon, on observe toujours une structuration verticale en nanocolonnes. Cependant, contrairement aux échantillons élaborés sur germanium, on perd l'aligne- ment strict de ces colonnes. Ce phénomène peut être comparé à ce qui a été observé lors de la croissance de nanocolonnes sur une surface facettée décrite dans la partie 3.5.2.

On peut s'aranchir de ce problème de rugosité en déposant préalablement à la couche de GeMn une couche tampon d'épaisseur conséquente comme le montre la gure 5.9 (buer 40 nm).

Cependant on perd par ce procédé certains avantages du substrat de GaAs. En particulier, le buer de germanium, s'il est dégénéré, peut court-circuiter la couche à très basse température, quand la couche de GeMn devient isolante. Ceci rend le transport planaire dans cette gamme de température plus compliqué à interpréter.

Une alternative consiste à réaliser l'épitaxie de la couche de GeMn sur des substrats de GaAs cappés avec de l'arsenic amorphe.

Fig. 5.9 : Cliché TEM d'une couche de GeMn déposé sur un buer de 40 nm de Ge sur un substrat de GaAs désoxydé thermiquement

5.2.2 Utilisation de substrats de GaAs cappés As

Dans la partie précédente, on a montré que la procédure de désoxydation thermique d'un substrat de GaAs est problématique pour la croissance de couches de GeMn, dans la mesure où elle induit une rugosité de la surface qui perturbe de façon notable la structure colonnaire. Pour s'aranchir de l'étape de la désoxydation qui nécessite des températures importantes ∼600◦C, on a utilisé des substrats de GaAs cappés avec de

l'arsenic amorphe. Ces substrats sont préparés dans un autre bâti dédié aux semiconduc- teurs III-V1. Un buer de GaAs y est déposé de façon à avoir une surface parfaitement

bidimensionnelle. Un capping d'arsenic amorphe est ensuite déposé sur la surface du substrat pour le protéger de l'oxydation. Le substrat peut ensuite être transporté sans précaution particulière pour être introduit dans le bâti d'épitaxie IV-IV.

Pour désorber l'arsenic amorphe, il sut de chauer l'échantillon à une température de 200◦C jusqu'à ce que le caractère amorphe du Rheed disparaisse. La température

de désorption de l'arsenic est notablement plus faible que celle de l'oxyde (∼600◦C) ce

qui permet d'obtenir une surface atomiquement plane à l'issue de la procédure. On peut ensuite déposer la couche de GeMn même sans couche tampon. Ces substrats une fois désorbés seront désignés par le terme GaAscap.

D'après les clichés Rheed, la croissance de la couche de GeMn à basse température ne présente pas de diérence avec la croissance sur germanium. Cependant, en augmentant la température, on s'aperçoit que la formation des précipités de Ge3Mn5 se produit

pour des températures légèrement inférieures à celles observées sur germanium. Sur germanium, les précipités sont visibles au Rheed pour des températures supérieures

à 180◦C (bien que le TEM et les mesures Squid montrent qu'ils se forment déjà à

plus basse température). Sur le GaAscap, on observe au Rheed des précipités à partir

de 150◦C. Dans la mesure où la température mesurée n'est pas strictement celle de la

surface de l'échantillon, il nous est impossible de dire si ce phénomène est lié à une modication du mécanisme de croissance induite par le substrat de GaAs, ou si cela est la conséquence d'une diérence dans la température de la surface, liée aux propriétés physiques du substrat (émissivité, conductivité thermique), diérence de température dicilement mesurable puisque la mesure de température se fait en face arrière du porte-échantillon.

Pour étudier l'inuence de la surface de GaAscap sur la croissance des nanocolonnes,

on a réalisé des observations TEM d'un échantillon de Ge0.98Mn0.02 élaboré à 100◦C

(g. 5.10) sur un substrat de GaAscap. Remarquons tout d'abord que l'épitaxie de la

couche de GeMn sur GaAscap est d'une très bonne qualité : on n'observe ni défaut, ni

rugosité signicative à l'interface GeMn/GaAs. En revanche, on voit que contrairement à la croissance sur des substrats GaAsox, la structure colonnaire a disparu. On voit

toujours un phénomène de ségrégation conduisant à la formation de phases riches Mn, mais ces phases ne s'organisent plus verticalement en nanocolonnes. On observe plutôt la formation de précipités de quelques nanomètres, apparemment cohérents avec la matrice de germanium. Des échantillons réalisés sur les mêmes substrats de GaAscap mais dans

d'autres conditions de température et de concentration montrent le même phénomène. De plus, contrairement à la croissance sur GaAsox, le dépôt d'un buer de germanium de

quelques nanomètres ne permet pas la croissance colonnaire observée sur Ge ou GaAsox.

Fig. 5.10 : Clichés TEM en champ clair (à gauche) et haute résolution (à droite) d'une couche de Ge0.98Mn0.02 épitaxiée directement sur un substrat de GaAscap

(Tg=100◦C).

Cette diérence importante de comportement des surfaces de GaAsox et GaAscap

désoxydation thermique du GaAs, la haute température nécessaire à la désorption de l'oxyde (∼ 600◦C) est responsable de l'appauvrissement de la surface en arsenic. Cette

surface riche en gallium permet la croissance de colonnes. En revanche, à l'issue de la désorption de l'arsenic, on obtient une surface de GaAs riche en arsenic qui ne permet pas la croissance des nanocolonnes.

Ce phénomène peut être une conséquence de l'eet surfactant de l'arsenic lors de la croissance du germanium. En eet, il a été montré [114, 113, 124, 45] que lors de la croissance de germanium sur le GaAs, l'arsenic pouvait jouer un rôle de surfactant, c'est-à-dire qu'il reste concentré sur le front de croissance, en s'incorporant très peu dans la couche de germanium qui pousse en-dessous. Dans la mesure où la formation des nanocolonnes est liée à une décomposition spinodale sur le front de croissance, la présence d'arsenic peut être un obstacle majeur à la formation des nanocolonnes. De plus le dopage du Ge par l'As peut également, en modiant l'état de charge du Mn jouer sur le mécanisme de décomposition spinodale (comme cela a été observé dans le système GaN :Fe [18] )et donc sur la formation de nanocolonnes.

Si l'on veut parvenir à épitaxier des nanocolonnes de GeMn parallèles et continues sur GaAs, que ce soit pour des expériences de magnéto-transport ou pour la réalisation de spinLEDS GeMn/GaAs, un pas essentiel à franchir sera la réalisation de surfaces de GaAs atomiquement planes et non saturées en arsenic.