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I.6 Évolution des nano-oxydes pendant la consolidation

I.6.1 Théorie de la cinétique de précipitation

Quelques éléments de théorie sont exposés ici dans l’objectif de clarifier certains résultats expérimentaux du manuscrit ainsi que d’introduire les principales formules utilisées par le modèle Preciso utilisé dans le Chapitre VI. Cette partie théorique est très simplifiée, néanmoins des versions plus complètes sont disponibles dans la littérature [138-140].

La précipitation prend son origine dans les phénomènes de diffusion de matière (dif-fusion d’atomes). Dans les métaux, deux mécanismes principaux de dif(dif-fusion peuvent

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être mis en évidence : la diffusion interstitielle (déplacement d’atomes d’un site inter-stitiel à un autre) et lacunaire (déplacement d’atomes prenant la place de lacunes). La diffusion lacunaire dépend directement de la quantité de lacunes présentes, ce qui est très certainement non négligeable dans des aciers ODS ayant subi une étape de broyage (voir section I.2).

Dans tous les cas, la diffusion d’un élément dans une matrice métallique (comprenant un ou plusieurs éléments) peut être décrite par la loi d’Arrhenius (Eq. I.1). Équation dans laquelle D0est une constante dépendant du matériau, Q l’énergie d’activation dépendant aussi du matériau, R la constante des gaz parfaits et T la température.

D = D0e(RTQ) (I.1)

Trois étapes se succèdent lors d’une précipitation d’une phase dans une autre : la germination, la croissance et le mûrissement d’Oswald (appelé dans ce manuscrit coa-lescence pour faire court).

Germination

La germination correspond à l’apparition des précipités dans l’alliage. Cette étape peut se faire de façon homogène ou hétérogène. Lors d’une germination homogène, les germes se forment aléatoirement dans l’alliage, présentant au départ une homogénéité chimique parfaite. Concrètement, un matériau comporte toujours des défauts (disloca-tions, joints de grains, hétérogénéité chimique …), tous ces défauts agissent comme des points de germination préférentielle. Ainsi la germination ne sera en générale pas homo-gène, mais hétérogène : l’apparition des germes se produit en des points définis par l’état métallurgique du matériau (comme des bulles de champagne se formant sur les aspéri-tés d’un verre). Cependant, la quantité de défauts étant souvent très difficile à évaluer, l’approximation de germination homogène est parfois considérée [141].

La germination est provoquée par la différence d’énergie libre volumique entre l’état précipité et non précipité (atomes en solution solide). Cette différence d’énergie libre est appelée force motrice de germination (Eq. I.2). Elle comprend la force motrice chimique ∆gch(dépendant de la composition du précipité), et l’énergie élastique ∆gel(dépendant du champ de contraintes de cohérence entre le précipité et la matrice). La composante surfacique est l’énergie d’interface entre la matrice et le précipité γmat−ppt × S, avec γmat−ppt l’énergie surfacique et S la surface délimitant l’interface. Le bilan d’énergie de

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la formation d’un germe sphérique de rayon r s’écrit alors : ∆G(r) = (∆gch+ ∆gel)4 3πr 3 | {z } Volumique + γmat−ppt4πr2 | {z } Surfacique (I.2)

Dans le cas d’un précipité YxTiyOz (comme c’est le cas pour nos nano-oxydes), la force motrice chimique s’exprime en fonction des fractions atomiques de la matrice XYmat, Xmat T i et Xmat O en Y, Ti et O respectivement : ∆gch = −kBT Vmolppt ln Xmatx Y Xmaty T i Xmatz O Xx Y,eqXT i,eqy Xz O,eq ! (I.3) Avec Vppt

mol le volume molaire du précipité, kB la constante de Boltzmann, et XY,eq, XT i,eq, XO,eq les concentrations à l’équilibre thermodynamique de la matrice en Y, Ti et O respectivement. Le produit de solubilité (qui représente en quelque sorte une limite de solubilité prenant en compte tous les éléments du précipité) peut alors être défini par :

Ks = XY,eqx XT i,eqy XO,eqz (I.4)

En traçant l’évolution de ∆G en fonction de r, un maximum apparait. Ce maximum en ∆G permet de définir un rayon critique de précipité noté R au-delà duquel un précipité a plus de chances de croitre que de disparaitre (Fig. I.11). Afin de définir un critère de taille pour lequel un germe est sûr de croitre, le rayon de germination est défini à une valeur d’énergie de ∆G − kBT, directement supérieur à R, et est noté RkBT (Fig. I.11).

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FiguRe I.11 – Représentation de l’évolution de la force motrice d’un précipité en fonction de son rayon r, permettant de définir R le rayon critique et R

kBT le rayon de germina-tion. Z étant le facteur de Zeldovich (non explicité ici) [140].

Le courant de germination (nombre de germes stables apparaissant par unité de temps et par unité de volume) peut alors être déterminé par la formule de Kampmann et Wagner [142]. Cette formule n’est cependant pas présentée, car elle nécessiterait la dé-finition de plusieurs termes, peut-être trouvée dans les articles de Perez et al. et Boulnat et al. [140, 141] par exemple.

Croissance

Après la germination vient une phase de croissance des germes. Pendant la crois-sance, les atomes en solution solide migrent vers l’interface des précipités et se réar-rangent afin de faire partie intégrante des précipités. Les précipités augmentent donc en taille jusqu’à ce que le gradient de concentration entre la matrice et l’interface précipité / matrice s’annule. La vitesse de croissance des précipités est contrôlée par la vitesse de diffusion des atomes vers le précipité, qui est un mécanisme plus lent comparé aux mécanismes surfaciques de réarrangement des atomes.

En partant de la loi de Fick il est possible de déterminer le flux d’atomes arrivant sur un précipité. Ensuite, un bilan de matière permet de retrouver la vitesse de croissance d’un précipité (suivant les hypothèses précédentes) :

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ments : Y, Ti, O), un système de trois équations doit alors être défini reprenant l’équa-tion I.5 pour l’Y, le Ti et l’O.

Coalescence

Pendant la coalescence, les précipités les plus petits se dissolvent, et leurs atomes diffusent vers les précipités plus gros, qui continuent ainsi d’augmenter en taille. Ce phénomène provient de l’effet de la courbure de l’interface, formalisé par J. W. Gibbs [143] et J. Thomson [144, 145], W. Thomson [146] et J. J. Thomson [147], appelé effet Gibbs-Thomson. Pour un précipité contenant à la fois de l’Y, du Ti et de l’O suivant la stœchiométrie YxTiyOz, la formule de Gibbs-Thomson s’écrit :

XYint(R)x× Xint T i(R)y× Xint O (R)z = XYint(∞)x× Xint T i (∞)y× Xint O (∞)z× exp mat−ppt(x + y + z)vat,YxTiyOz

RkBT

! (I.6)

Avec vat,YxTiyOz le volume atomique moyen du précipité YxTiyOz.

En prenant en compte cette nouvelle considération sur l’expression de la fraction atomique à l’interface dans l’équation I.5 (Xint = Xint(R)), il est possible de définir une vitesse de croissance pour le rayon moyen des précipités (Rm) grâce à la théorie de Lifshitz, Slyozov et Wagner (LSW) [148] :

dRm dt = 4 27D mat−pptvat,ppt kBT Xint Xppt− Xint × 1 R2 m (I.7) De plus, il est possible de déterminer grâce à la même théorie que Rm ∝ t1/3. Avec l’hypothèse d’une dilution infinie (fraction volumique de précipité nulle), cette relation s’exprime : R3m(t)− R3 m(0) = vat,ppt vat,mat mat−pptXeqDvat,ppt 9kBT × t (I.8)

Afin de regrouper les valeurs déterminantes pour la cinétique de précipitation des nano-oxydes, quelques valeurs sont données dans les tableaux ci-dessous. Les énergies d’interfaces des précipités Y2Ti2O7 pyrochlore (le plus documenté) disponibles dans la littérature ont été reportées dans le tableau I.3. On voit que celles-ci sont extrêmement dispersées. Les coefficients de diffusion dans du fer cubique centré (Fe-α) disponibles dans la littérature ont été reportés dans le tableau I.4.

CHAPITRE I. ÉTAT DE L’ART Table I.3 – Différentes valeurs d’énergie d’interface entre une matrice ferritique (Fe-α) et un précipité Y2Ti2O7pyrochlore.

γFe−α−Y2Ti2O7 Approche Référence

0,26 J.m−2 Simulation géométrique Ribis et al. [96]

1,2 J.m−2 Accord avec le régime de

coalescence avec l’hypothèse de ”pipe

diffusion”

Barnard et al. [149]

0,48 J.m−2 Accord avec la cinétique

de précipitation PreciSo

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Table I.4 – Coefficients de diffusion de l’Y, du Ti, de l’O, du Cr et du Fe extraits de la littérature.

Système D0(m2.s−1) Q (kJ.mol−1) Méthode Référence

Fe-α -Y 8× 10−7 218,1 Modélisation Murali et al.

[150]

Fe-α -Y 24× 10−7 206,5 Modélisation Bocquet et al.

[54] Fe-α -Y 3,5× 10−7 215,2 Modélisation (2NN Classique) Mock et al. [151] Fe-α -Y 3,5× 10−7 216,1 Modélisation (2NN Interstitiel) Mock et al. [151] Fe-α -Y 2,5× 10−7 191,0 Modélisation (5NN Classique) Mock et al. [151] Fe-α -Y 5,7× 10−7 193 Modélisation (5NN Interstitiel) Mock et al. [151]

Fe-α -Y 1× 10−7 260 Accord avec

cinétique de précipitation

Boulnat et al. [141]

Fe-α -Y 100× 10−7 314 Accord avec

cinétique de précipitation

Hin et al. [152]

Fe-α -Ti 2,1× 10−1 293 Expérimentale Klugkist et al.

[153]

Fe-α -O 3× 10−5 139 Accord avec

cinétique de précipitation

Boulnat et al. [141]

Fe-α -O 4,45× 10−5 189 Expérimentale Takada et al.

[154]

Fe-α -O 4,0× 10−5 167 Expérimentale Barlow et al.

[155]

Fe-α -Cr 3,09× 10−3 259 Expérimentale Ueda et al.

[156]

Fe-α -Cr 2,56× 10−3 280 Expérimentale Braun et al.

[157]

Fe-α -Fe 2,95× 10−7 257 Modélisation Domain et al.

[158]

Fe-α -Fe 5,9× 10−7 256 Modélisation Murali et al.

[150]

Fe-α -Fe 6× 10−4 281 Expérimentale Murali et al.

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